Il y a 14 ans jour pour jour, le 31 octobre 2008, un certain Satoshi Nakamoto – une personne ou un groupe de personnes à ce jour non identifié(s) – publiait le “white paper” du Bitcoin. Ce livre blanc, intitulé “Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System ou traduit en français “Bitcoin: un système de monnaie électronique de pair à pair”, posait les bases du fonctionnement du protocole Bitcoin. 14 ans plus tard donc, ce protocole fonctionne de la même manière, et le white paper fait toujours l’objet de nombreuses réflexions et débats y compris au sein de la communauté dite des “bitcoiners maximalistes”.
La date de publication de ce livre blanc n’est pas le fruit du hasard. Un mois avant la publication de ce document, le 15 septembre 2008, la célèbre banque d’affaire new-yorkaise Lehman Brothers faisait faillite, entraînant le monde dans une crise financière sans précédent. L’une des premières phrases de ce libre blanc, qui va détailler le fonctionnement de la blockhain Bitcoin, est on ne peut plus claire. Le bitcoin est un “système de monnaie électronique entièrement en pair à pair (qui) permettrait d’effectuer des paiements en ligne directement d’un individu à un autre sans passer par une institution financière”.
Dans un email daté du 1er novembre, Satoshi Nakamoto résumait en quelques points son document de 9 pages, écrit en anglais.
En douze points principaux (dont une courte introduction et une courte conclusion), le document vise ainsi à décrire le fonctionnement du protocole Bitcoin et reste un document de référence dans l’écosystème crypto.
Ce white paper “est un chef-d’œuvre”, ajoute de son côté Stéphanie Camélia Maachi, co-fondatrice de la maison Maachi qui réalise des vêtements pro bitcoin. “C’est tout un symbole, par lui que tout commence. Plus qu’un simple document technique, c’est un écrit qui bouleverse et remet en question le fonctionnement de tout un système financier”, ajoute-elle. De même, beaucoup d’observateurs estiment que le livre blanc montre le “génie” de Satoshi, qui aurait anticipé de nombreux enjeux actuels.
“Déjà Satoshi anticipe le fait qu’il y’aura des pools de minage. Il n’est pas naïf sur la centralisation potentielle du minage comme certains pourraient vouloir le faire croire”, explique Adli Takkal Bataille, président du Cercle du Coin et associé-fondateur de Shift Capital.
De même, Satoshi Nakamoto introduit le concept de “difficulté” de minage, qui permet en outre d’ajuster le réseau à la puissance déployée par les mineurs. Enfin, si on lit à travers les lignes, ce livre blanc indique les prémices du système dit du “Lightning Network”, qui permet d’utiliser la cryptomonnaie bitcoin à moindre frais et de manière encore plus rapide.
Ce qui est intéressant de noter, c’est l’attente entre la publication du livre blanc et l’émission du premier bloc de la blockchain Bitcoin. Il faudra attendre le 3 janvier 2009 pour que ce premier bloc soit créé, le fameux “bloc genesis”. C’est notamment dans ce bloc que l’on peut lire, encore en référence à la méfiance vis-à-vis du secteur financier traditionnel, “Le chancelier est sur le point de renflouer les banques pour la seconde fois”. Il s’agit notamment du titre du quotidien The Times qui évoquait le renflouement des banques par l’État britannique. Et ce sera le 12 janvier qu’il y aura un premier échange de bitcoins entre Satoshi Nakamoto et Hal Finney.
Quatorze ans après, le bitcoin d’aujourd’hui reste-t-il fidèle aux principes du livre blanc? Toujours en partie, estime Kévin Loadec.
Le bitcoin a “déjà fait ses premiers balbutiements, la technologie est en pleine transition pour atteindre l’âge mûr. Loin d’être has been, le white paper est toujours dans l’air du temps. Satoshi Nakamoto parle du commerce sur Internet dont les paiements reposent exclusivement sur des institutions financières agissant comme tiers de confiance. C’est encore le cas”, souligne Stéphanie Camélia Maachi, qui estime que les besoins des personnes changent, ces derniers étant en quête d’une certaine intimité financière. “Nous sommes encore loin de l’adoption massive de Bitcoin, c’est vrai, mais vu ce qui nous attend avec les monnaies digitales de banques centrales (MDBC), je ne me fais aucun souci pour son avenir”, ajoute-t-elle.
Pour autant, l’écosystème crypto peut être vu sous le prisme de la spéculation ou de la réserve de valeur plutôt qu’en référence aux grands principes évoqués par Satoshi Nakamoto.
Adli Takkal Bataille regrette d’ailleurs que les gens ne lisent finalement pas assez ce white paper, bien qu’il soit traduit dans plus de 40 langues.
Il y a quatorze ans, si le white paper a posé les bases théoriques du protocole Bitcoin, “à l’époque – et encore aujourd’hui – peu de personnes ont été capables de saisir l’importance de cette nouvelle proposition”, considère Gilles Cadignan, co-fondateur de la société Woleet.
Par ailleurs, si le livre blanc reste une référence, il a également fait l’objet de critiques ou remarques venant de l’écosystème. Paradoxalement, la limite de la cryptomonnaie bitcoin (les fameux “21 millions d’unités”) ne figurent pas dans le livre blanc mais sont dans le code de la blockchain Bitcoin, de même que la limitation de la taille des blocs.
Ce dernier considère par ailleurs que sacraliser le livre blanc peut avoir un effet pervers.
De même, lu et relu des dizaines et des dizaines de fois par certains, le livre blanc comporterait aussi quelques erreurs, même s’il ne s’agit de rien de très “catastrophique” estime Kévin Loaec. Par exemple, le mathématicien Ricardo Pérez Marco avait révélé quelques incohérences dans les calculs mathématiques qui figurent à la fin du livre blanc. De même, lorsque le livre blanc parle de la “chaîne la plus longue” pour décrire le protocole Bitcoin, il s’agit en réalité de la chaîne avec “le plus de travail”, c’est à dire avec le plus de puissance fournie (en utilisant notamment le système de “preuve de travail”).
Pour de nombreux observateurs, ce libre blanc reste plus que jamais d’actualité, alors que le monde vit une crise économique et énergétique majeure.
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