Site d’information dédié à l’art contemporain
La Monnaie de Paris ne saurait mieux incarner l’échange qu’en ce moment. L’audace de sa nouvelle programmation artistique oblige les visiteurs à adopter une attitude inédite vis-à-vis des œuvres et à appréhender un art dans lequel leur rôle est fondamental. Take me (I’m yours) est une exposition qui « change la règle du jeu », explique d’emblée Hans Ulrich Obrist, reprenant les termes de Christian Boltanski, tous les deux commissaires de la manifestation avec Chiara Parisi, directrice des programmes culturels du lieu. Ici, chacun se doit d’être impliqué tout au long du parcours. Mieux : il est invité à repartir avec les créations présentées ! Ainsi désacralisées, ces dernières acquièrent des statuts et subissent des sorts différents. Une proposition qui traduit également une volonté universelle de diffusion, amenant les travaux artistiques à voyager dans des endroits insolites, et qui ouvre un chemin de traverse à côté des voies balisées par la scène artistique contemporaine, jugée par les commissaires de plus en plus professionnelle et sérieuse. Le projet se veut donc plus léger qu’à l’accoutumée et n’hésite pas à transformer les œuvres en souvenirs, histoire qu’elles essaiment partout une certaine idée de la création.
Take me (I’m yours) s’inscrit dans la continuité d’une proposition imaginée par Christian Boltanski pour la Serpentine Gallery, à Londres. « Il ne s’agit pas d’un remake de 1995, précise Hans Ulrich Obrist. L’exposition est « rejouée » avec un concept identique mais avec plusieurs artistes. » On assiste donc à un savant mélange de dispositifs mis en place par des plasticiens de générations et d’horizons divers. Dans la première pièce, trois amoncellements de vêtements de seconde main ont été disposés par Boltanski, qui y voit « des objets faisant référence à une personne disparue », à l’instar d’une photo ou d’un corps sans vie. Plongez-y la main et repartez avec ce qui vous plaira ! Seul le mouvement est synonyme de vie. Dans le même périmètre, s’offrent à la convoitise plusieurs piles d’impressions réalisées par Felix Gonzales-Torres (1957-1996) ; une contribution d’autant plus symbolique que ces œuvres peuvent non seulement être emportées, mais également reproduites par chacun. L’une d’entre elles contient l’inscription « How many times ? For how long ? Why ? » (Combien de fois ? Pour combien de temps ? Pourquoi ?). Trois questions en rapport avec la notion d’œuvre d’art. Un peu plus loin, une pièce est entièrement consacrée à l’artiste d’origine cubaine : des centaines de bonbons à même le sol y forment un tapis acidulé prêt à être dépouillé ou mangé !


S’ensuivent des murs recouverts par Hans-Peter Feldmann de cartes postales arborant la Tour Eiffel. Le « chasseur d’images » allemand, qui considère cette dernière comme la plus belle sculpture du monde, n’hésite pas à proposer également quelques miniatures de l’illustre Dame de fer. A emporter également ! A quelques mètres, les messages de six bannières accrochées au mur attirent le regard. Libellés comme des slogans contestataires, ils sont écrits en majuscule dans une typographie proche de celle du graff. Ne pouvant les offrir aux visiteurs, le duo britannique Gilbert & George propose à chacun de repartir avec des badges diffusant les mêmes textes et ainsi de devenir partie intégrante de leur dispositif de propagande artistique.
De salle en salle, se poursuivent les interactions. Certaines plus intenses que d’autres. L’Allemand Gustav Metzger a empilé sur des tables des centaines de journaux, dont des exemplaires de plusieurs quotidiens français comme Libération, Le Figaro et L’Equipe. Chaque visiteur est invité à y découper un article, en relation avec des thèmes choisis par lui comme « l’extinction » ou « notre façon de vivre aujourd’hui », pour l’afficher au mur à l’aide d’aimants. Dans la même pièce, Jef Geys expose un travail de longue haleine sur la condition féminine : !questions de femmes! est une interminable liste d’interrogations répertoriées dans un journal éponyme, disponible en de nombreux exemplaires. Chacune de ces questions a été débattue au sein de la classe que l’artiste belge, professeur d’esthétique à Balen (Belgique) dans les années 1960, dirigeait à l’époque. Dans une autre pièce, un « freestore » arbore les instructions suivantes : « Prenez des trucs. Laissez des trucs. » Non sans ironie, l’Américain Jonathan Horowitz, à l’origine de ce projet, crée une « économie parallèle aux foires d’art » en réponse aux spéculations du marché de l’art ainsi qu’aux sommes folles qui y sont dépensées. Arrêtons-nous encore un moment près du photomaton installé là par Franco Vaccari. L’artiste italien propose de s’y faire tirer le portrait et d’accrocher la moitié des photos sur les murs afin de participer à l’élaboration de l’œuvre tout en en conservant une trace. Votre sac plein de souvenirs, il ne vous reste plus qu’à honorer la part essentielle de l’exposition : offrir un singulier voyage à chacun des objets emportés, diffuser à votre façon l’art dont vous avez été témoin et acteur à la fois.

GALERIE
9 décembre 2022
1 décembre 2022
28 novembre 2022
23 novembre 2022
21 novembre 2022
17 novembre 2022
1 novembre 2022
30 octobre 2022
02 décembre 202226 février 2023
Déployée sur trois lieux (Mucem, Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et la chapelle de la Vieille Charité), l’exposition « Ghada Amer » est la première rétrospective de l’artiste franco-américano-égyptienne en France. Elle réunit ses différents modes d’expression plastique depuis ses débuts jusqu’à ses créations les plus récentes. La broderie, la peinture, la céramique, le bronze et la création de jardins sont au cœur de son art. Entre Orient et Occident, l’artiste interroge d’une culture à l’autre les représentations, les rapports de domination, les processus d’assimilation, d’opposition ou de traduction. Elle est aujourd’hui une voix majeure des enjeux post-coloniaux et féministes de la création contemporaine. Deployé sur les 280m2 du premier plateau, le parcours présenté au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur met en lumière l’engagement résolument féministe de Ghada Amer. Pour elle, la question de la femme transcende celle de l’appartenance culturelle ou religieuse. Elle s’est emparée du médium traditionnellement féminin, la broderie. Entre hommage et revendication, ses toiles entrent en dialogue avec les « maîtres » d’une histoire de l’art trop longtemps dominée par les hommes. Elles se développent sous le signe d’une puissance créatrice jubilatoire et d’un intérêt nouveau pour le portrait. Visuel > Ghada Amer, Portrait Of The Revolutionary Woman [portrait de la femme révolutionnaire], 2017 Grès cérame avec incrustations de porcelaine et barbotine de porcelaine Collection privée, Munich (Allemagne) © Ghada Amer, photo : Christopher Burke Studios.
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01 décembre 202204 février 2023
Par son travail d’estampes brodées «Les Âmes animales», Lara Blanchard souhaite célébrer le «Vivant» et tout ce qui le compose. Elle explore les liens immuables entre l’Homme et l’Animal à travers la création de thérianthropes, créatures humaine/ animale auxquelles elle ajoute des éléments naturalistes. En complément, avec Ad Lucem, création de masques, parures et animaux oniriques mêlant céramique, feutrage, assemblage, elle laisse place à ce qu’elle nomme «le magique universel». Inspirée du monde naturel, organique et animal, elle s’inscrit en « passeur », laissant ce qui se sait pour ce qui se ressent. Un état primaire en ce sens qu’il était au commencement, peut-être un ressenti plus animal ? Un lien immuable à la nature et au vivant. Selon l’artiste, « Nous sommes les ancêtres d’un monde à venir… ». Visuel > Affiche de l’exposition.
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10 décembre 202212 février 2023
Peintre, graveur et poète, Gérard Titus-Carmel mêle depuis cinquante ans la peinture, le dessin, la poésie et la pensée. Pour lui, en effet, “peindre, c’est joindre le geste à la parole” . L’exposition “Forestières & autres arpents” propose un cheminement au sein des vingt dernières années d’une création foisonnante, depuis la série des “Forêts” jusqu’aux “Plans de coupe” , en passant par les massifs de livres ornés. Gérard Titus-Carmel offre au regard les variations du végétal comme une rencontre “brutale et lumineuse” , celle d’une force vivante, qui interroge la conscience de notre présence au monde. Gérard Titus-Carmel se dit peindre non pas ce qu’il voit mais ce qu’il rêve. Une exposition où se mêlent peinture et poésie… Visuel > ©Gérard Titus-Carmel.
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29 novembre 202211 mars 2023
Onirique et pourtant étroitement lié au notre, tel est le monde dans lequel nous convie Min Jung-Yeon. Son installation monumentale et immersive Tissage présentée au MNAAG en 2019-2020, traitait de mémoire et de réconciliation dans la forme symbolique d’une forêt aux profondeurs insondables. Depuis, son œuvre a évolué vers une nouvelle fluidité pour évoquer le mouvement perpétuel de notre réalité. Le geste libre et incontrôlé s’enchevêtre aux formes minutieusement dessinées pour éveiller des associations au corps, au paysage, au cosmos. La fascination de Min Jung-Yeon pour la science contemporaine, notamment la physique quantique et la philosophie traditionnelle asiatique se conjuguent ; il est question de vide et de plein, de matière noire, d’énergie et de temporalité mais également d’émotions. Le vécu de l’artiste s’immisce dans l’universalité. La lutte est un sujet récurrent – celle entre éléments de nature opposée et celle de nos émotions. Avec Désert plein – soif, sommeil, silence l’artiste convoque un espace de perception ouvert où désir et soif sont besoin et moteur, le sommeil, absence et présence et le silence un état des plus intenses. Le désert est plein ! Min Jung-Yeon possède une grande maîtrise du dessin et de la peinture et sa démarche dépasse aujourd’hui la simple démonstration technique. Son expression passe aisément d’un dessin très minutieux à des gestes plus fluides, voir abstraits. Visuel > Min Jung-Yeon | Mirage 1, acrylique sur toile, 150 x 200 cm, 2022.
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26 novembre 202205 mars 2023
Dans le prolongement de l’exposition Le Vent. “Cela qui ne peut être peint”, le MuMa présente Météorologiques. L’exposition, qui emprunte son titre au traité d’Aristote (IVe siècle av. J.C.), présente des peintres, photographes, dessinateurs ou vidéastes dont les œuvres révèlent une sensibilité particulière « au temps qu’il fait ». S’inscrivant à la suite de « Vent », le nouvel accrochage accorde à la représentation de « l’air en mouvement » une place privilégiée. Mais il s’intéresse plus largement à des météores comme les brouillards, la rosée, la pluie, la gelée blanche, dont les effets déterminent l’impression générale d’une scène ou d’un paysage. Le parcours, conçu sur le mode des « affinités électives », privilégiera des rapprochements poétiques et formels entre des artistes d’époques différentes, unis par une sensibilité et un intérêt commun pour les phénomènes atmosphériques et leurs manifestations les plus diverses. Artistes présenté(e)s > Jocelyne Alloucherie, Israel Ariῆo, Geneviève Asse, Francis Auburtin, François Azambourg, Eugène Boudin, Eric Bourret, Samuel Buckman, Marc Corigliano, Henri-Edmond Cross, Raoul Dufy, Véronique Ellena, Othon Friesz, Marcelo Fuentes, Armand Guillaumin, Alexandre Hollan, Anne Jaillette, Jungjin Lee, Alfred-Marie Le Petit, Manuela Marques, Corinne Mercadier, Bernard Moninot, Sarah Moon, Josej Nadj, Jean-Baptiste Née, Françoise Nuñez, Bernard Plossu, François-Auguste Ravier, Auguste Renoir, Jacqueline Salmon, Claire Trotignon, Masao Yamamoto. Visuel > Eric Bourret, Primary Forest. Madère, 2016, tirage jet d’encre sur papier mat, 140 x 210 cm. collection de l’artiste© Eric Bourret.
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03 décembre 202214 janvier 2023
Après une formation à l’école d’art de Leeds, Glen Baxter comprend qu’il est davantage attiré par la poésie que par la peinture abstraite. Dans les années 1970, il s’envole pour New York, sur l’invitation du poète Larry Fagin qui lui propose de lire ses textes à St Mark’s Church dans le cadre du Poetry Project. Ce séjour, ainsi que les expériences d’écriture qu’il mène sur place bouleversent sa carrière : « C’était comme mettre les doigts dans la prise (…) la scène artistique était si vivante. Tout le monde paraissait être un poète, ou du moins aspirait à le devenir. » De retour à Londres en 1978, l’artiste met progressivement en place la formule qui le rendra célèbre : un dessin à la ligne claire (réalisé à l’encre) coloré au crayon, un style qui rappelle les livres pour enfants, et un texte court, décalé, induisant un rapport inattendu avec la saynète qu’il accompagne. « Les premiers poèmes que j’ai écrits se sont condensés, un peu comme des légendes sous l’image, explique-t-il. Cela fonctionne parce qu’il y a une fracture dans le récit. C’est comme si vous trouviez une page d’un livre, mais vous ne savez rien du livre auquel elle appartient. Alors vous vous demandez : qu’est-ce qui se passe ici ? C’est cette collision, ce moment d’explosion de la pensée (…) Je veux que les personnes qui regardent mes œuvres se demandent “qu’est-ce qui est drôle là-dedans ? ”. Et ça, vous l’avez ou vous ne l’avez pas ». « L’humour présent dans les œuvres de Glen Baxter n’est donc pas narquois, ni sarcastique, ni sombre, il est chaud. Il fait rire par induction. Plus important encore, il nous rappelle que la vie n’est pas toujours tenue d’avoir du sens. Ni que rien n’est comme il y paraît. » Visuel > Glen Baxter, Untitled, 2022, Ink and pencil on paper, 79 x 53 cm.
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Sturmfrei, festival littéraire et performatif survolté, lance sa deuxième édition et investit pour ce faire … Continuer la lecture de « Sturmfrei, festival de poésie, de performances et de fête »
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Affiner les aptitudes de nos sens, étendre le champ de nos perceptions en explorant les … Continuer la lecture de « Les n+n Corsino font danser l’IA avec le public »
La galerie Templon à Paris, rue du Grenier Saint-Lazare, clôt l’année avec une exposition du … Continuer la lecture de « Pierre et Gilles annoncent « Les couleurs du temps » depuis 1976 »
Il ne reste que deux jours pour découvrir le travail édifiant mené par Aris Messinis … Continuer la lecture de « La guerre en Ukraine dans l’œil d’Aris Messinis »
CPPAP 0324 W 91303
ISSN 2777 – 4961
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