Deux ourses femelles devraient être lâchées dans les Pyrénées dans les prochains jours, «d’ici début octobre», selon le ministre de l’Ecologie François de Rugy. Avec les deux ourses, cela portera à plus de quarante le nombre de plantigrades dans ces montagnes. Pour éviter les mobilisations d’éleveurs ou d’associations, le lieu comme la date de la réintroduction sont cachés jusqu’au dernier moment. Les deux animaux devaient être prélevés en Slovénie, quelques jours plus tôt, puis transportés par la route.
La réintroduction de ces plantigrades dans les Pyrénées n’a pas toujours connu une telle opposition. Au XIXe siècle, l’activité de montreur d’ours était même répandue dans certaines vallées de l’Ariège. À Ercé, petit village situé au cœur du Couserans, une exposition rend hommage à ce métier.
« À vot’bon cœur Messieurs dames ! » Bernard Rogalle termine son spectacle avec son ours, muselé et tenu en laisse, face à une foule massée sur la place du petit village d’Ercé, en Ariège. Nous sommes au XIXe siècle et cette nouvelle activité fait florès dans la commune de 3 500 habitants, qui s’est autobaptisée « capitale des montreurs d’ours ». Les premiers orsalhers (les montreurs d’ours en occitan) font leur apparition au Moyen-Âge. Jongleurs, dresseurs et autres amuseurs, souvent tziganes, vont de ville en ville pour divertir les foules.
Après la Révolution française, au fin fond du massif des Pyrénées, la vie est dure pour les habitants qui élèvent quelques vaches ou cultivent des légumes. La grave crise du mildiou, ce champignon qui a ravagé les récoltes de pommes de terre dans les années 1840, n’arrange rien. Pour mieux gagner leur vie, des centaines d’habitants migrent vers des régions voisines ou en Espagne. D’autres, comme Bernard Rogalle, recueillent de jeunes ours orphelins.
Cet ancien soldat avait perdu pendant la guerre de Crimée, dans les années 1850, son bras gauche, arraché par un boulet de canon russe. À son retour au village d’Ercé, niché dans la vallée du Garbet, « il était incapable de travailler dans les champs avec un seul bras et la maigre pension versée par le gouvernement ne suffisait pas », raconte son arrière-petite-fille Françoise Lewis, 81 ans, qui s’est passionnée pour le destin de ces aïeux.
Capturés en bas âge dans les forêts montagneuses ou achetés sur le port de Marseille, les animaux sont domestiqués et apprennent à marcher, à danser voire à jongler comme des humains. Leurs nouveaux maîtres se déplacent ensuite avec eux à pied à travers le pays, suivant les nouvelles lignes de chemin de fer.
Sur chaque place de village, le même spectacle : ils font danser ou tournoyer leur ours moyennant quelques pièces de monnaie que versent charitablement dans leur béret les spectateurs. Parfois, la scène tourne court ! En 1838, le romancier Théophile Gautier raconte dans le quotidien la Presse comment un « ballet d’ours fort récréatif » sur une place parisienne s’est transformé en bagarre rangée avec des chiens, sous les cris excités de la foule.
Comme Bernard Rogalle, des centaines de montreurs d’ours sont originaires des environs d’Ercé, niché à 580 m d’altitude en pleines Pyrénées ariégeoises. « Ici, on est tous descendants d’un montreur d’ours », sourit Laurence Cau, l’une des 550 habitants (sept fois moins qu’à l’époque de son aïeul).
L’animatrice à la mairie est en charge de l’exposition sur « ce morceau de patrimoine ». Photos, textes, archives… et (dès l’été 2019) des témoignages audio guident le millier de visiteurs annuels. « Ils sont très étonnés de découvrir que beaucoup de montreurs d’ours ont traversé l’Atlantique pour mieux gagner leur vie », souligne l’Ercéenne. C’est d’ailleurs le choix que fait Bernard Rogalle, multipliant les voyages à la fin du XIXe siècle. Mais en Amérique, gare à la police! Des lois ont vite été promulguées pour empêcher de promener son ours dans les grandes villes. Beaucoup de montreurs ont fini en prison… encagés.
À New York, ces émigrés -qui aident financièrement leurs proches restés au pays- se retrouvent souvent près d’un rocher surnommé Roc d’Ercé, en plein Central Park. Depuis, une véritable communauté de descendants s’est même formée en Amérique.
« Lorsque mon arrière-grand-mère a été informée depuis Ercé de la mort mystérieuse de son mari à Montréal en 1889, elle y a envoyé ses deux filles aînées pour en apprendre davantage et toute ma famille est restée là-bas », se souvient, émue, Françoise Lewis. À sa mort, Bernard Rogalle a été reconnu comme un héros pour son destin hors-norme… au point que la communauté française de Montréal avait payé ses funérailles. Même s’il n’a pas connu le destin glorieux de certains de ses confrères, recrutés comme dompteurs dans des grands cirques américains ou devenus chasseurs d’or.
Quelques dresseurs traditionnels continuent à assurer des spectacles à travers la France. L’un des plus connus, l’ancien cascadeur Frédéric Chesneau, se balade notamment en France avec son ours noir Valentin, un beau bébé de 9 ans et 250 kg, qu’il a acheté dans un zoo au Texas. Au grand dam de certaines associations qui dénoncent -via une pétition adressée à François de Rugy (plus de 83000 signatures comptabilisées dimanche)- les conditions de vie de ces plantigrades en captivité, et demandent l’arrêt des spectacles. Qui seraient, à entendre l’association AVES France, qui milite pour la protection des espèces menacées, en pleine recrudescence.
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