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De la publicité à la presse en passant par les discours de nos hommes politiques, les anglicismes sont partout. Mais faut-il tous pour autant les bannir ? La rédaction vous fait redécouvrir l’histoire de ces mots anglais dont l’origine lointaine est en réalité bien française…
Ils sont inutiles, laids, condamnables en tout point et pourtant… bien français. Les anglicismes sont assommants. Parfois réduits à de simples acronymes (wtf, lol, omg) ou insérés par «snobisme» dans les discussions du quotidien «j’étais overbooké aujourd’hui», «je te forwarde un mail» jusqu’à l’overdose «j’avais une conf-call et des pitch à faire asap, donc c’est no-way pour un after-work!», les anglicismes semblent désormais incontournables voire essentiels à la langue française. Mais sont-ils tous pour autant haïssables?
N’en déplaise en effet aux détracteurs du franglish, certains anglicismes sont bien issus de notre dictionnaire français. Dans son livre 100 anglicismes à ne plus jamais utiliser!, Jean Maillet éclaire ainsi avec brio ces petits mots qui bardent la langue de Molière. Des termes souvent employés à tort mais qui, parfois usés avec raison nous rappellent qu’une grande partie de ce vocabulaire est en réalité née de la langue de Molière.
À consommer avec modération tout de même! Le bon usage ne fait pas nécessairement le bon goût…
● Bankable
S’il fallait décerner le prix du pire anglicisme de la langue française, le mot «bankable» décrocherait sûrement la palme d’or. Non seulement le terme se retrouve, la plupart du temps, énoncé à l’oral avec un accent américain surjoué (prononcé bankébeule) mais, nous précise l’écrivain Jean Maillet, le mot qui n’a d’autre utilité que de signifier le manque de synonymes de son locuteur possède en réalité son équivalent homonymique en français. Le mot bancable, écrit avec un «c».
Attesté depuis le XIXe siècle, le terme bancable dérivé du mot «banque» signifie tout à la fois: «Qui remplit les conditions nécessaires pour être admis au réescompte de la Banque de France», «quelque chose de facilement négociable» et, en parlant d’un acteur: «personne qui a acquis une notoriété suffisante pour assurer le succès d’un film.» Une terminologie beaucoup plus riche que son équivalent anglais. Toutefois, précise Jean Maillet, est-il de meilleur goût au vu de la polysémie et de l’homophonie du mot bancable de lui préférer des termes tels que: «négociable», «lucratif» ou «rentable». Attention aux mots bancals!
● Cash
Avant, pour être chic à la façon d’Audiard on parlait de flouze, de blé, d’oseille ou de ronds pour désigner l’argent. Aujourd’hui, pour être tendance, il faut parler anglais. Exit l’argot! Madame ne paie plus en liquide, Monsieur ne paie plus comptant explique Jean Maillet mais, ils règlent cash. Certains hommes d’affaires vont d’ailleurs jusqu’à parler de cash flow plutôt que de flux de trésorerie. Une infamie! Et pourtant…
Il n’y a rien de plus français que le cash. Issu des mots «caisse», «caissette», «capsule», eux-mêmes nés du latin capsa, l’anglicisme est en réalité à l’origine apparu en France aux environs du XVIe siècle dans le sens d’argent et monnaie. Ce n’est qu’une fois passé en Angleterre et revenu à l’aube du XXe siècle que le cash a pris l’aspect anglais qu’on lui connaît aujourd’hui.
● Challenge
Les échanges linguistiques entre les deux pays ont été très riches au XIXe siècle. En témoigne l’anglicisme «challenge» qui fut emprunté, nous raconte Jean Maillet, à un mot de notre ancien français: le terme chalenger. Issu du latin calumniari «accuser faussement», le mot est progressivement passé dans notre dictionnaire pour donner au XIe siècle les formes calegne, calunge, chalonge et chalenge avec les sens d’accusation et provocation. Par extension, ceux-ci ont donné la signification de défi au XIIe siècle.
Mot et sens que nous ont par la suite pris les Anglais au XIVe siècle. Ce n’est qu’au XIXe siècle que le challenge retraversera la Manche avec une portée plus sportive en raison notamment des locutions anglaises challenge cup «coupe» et challenge trophy «trophée». Préférons tout de même la simplicité et défions-nous d’user d’un terme qui peut très bien être remplacé par «compétiteur», «adversaire» ou «rival».
● Customiser
À l’instar du mot argent jugé trop has-been pour être annoncé tel quel à la caisse, certains cuistres n’utilisent plus les mots «transformer» ou «personnaliser» pour parler de la décoration de leurs meubles, vêtements ou accessoires. Ils disent désormais «customiser».
Si l’anglicisme est désormais incontournable dans les dernières vidéos «in» de «DIY» sur internet, comprenez Do it yourself ou en français «faites-le vous-même», tâchons tout de même de rendre à césar ce qui est à césar. Car oui, le mot customiser n’est pas anglais mais bien français. Et même plus! Il provient du latin classique consuetudo «habitude», «genre».
Attesté en France au Xe siècle, le mot coutume a d’abord désigné «la manière à laquelle la plupart se conforment» indique le Littré avant de donner au XVIIe siècle le terme coustume : «manière de marquer les différences d’âge, de condition, d’époque des personnages» et donc, une façon de suivre les «critères consacrés par la coutume», explique Jean Maillet. Passé en Angleterre, le terme se transformera au début du XVIe siècle en customer pour désigner le «client» puis par déformation adjectivale un «article fabriqué selon les instructions du client».
● Fashion
Dans la lignée des mots français qui ne sont plus assez tendance, on retrouve le terme mode, par exemple entièrement effacé dans la locution «Fashion week». Essayez de dire «semaine de la mode», au pire vous serez immédiatement repris avec un accent forcé. Au mieux, vous aurez le droit à deux sourcils circonflexes.
Quoi qu’il en soit ce n’est pas un hasard si la France, et Paris par synecdoque, est perçue comme un pays fashion. En effet, l’anglicisme est en réalité issu du mot «façon», lui-même dérivé du latin facere «faire», nous précise Jean Maillet dans son livre. Passé outre Manche au XIVe siècle, le terme «façon» nous reviendra deux siècles plus tard remodelé en «fashion» pour revêtir le sens de: «manière de s’habiller».
● Bonus
Les anglicismes pourraient se décliner sur des paragraphes entiers, malheureusement notre papier est déjà trop long pour accomplir ce «challenge». Aussi, faisons preuve de concision et retenons simplement les anglicismes: mail (issu du français malle au XIIe siècle), people (du latin populus et du français «peuple» au XIIIe siècle) ou bien encore supporter emprunté au français lui-même dérivé du latin supportare.
On le voit donc ici avec ces quelques exemples, l’anglais s’est nourri de notre vocabulaire à travers les siècles. Et réciproquement.
Retrouvez plus d’anecdotes historiques et linguistiques dans le livre 100 anglicismes à ne plus jamais utiliser!, de Jean Maillet.
cadetdegascogne
le
Pour répondre à la question de l’introduction de cet article: OUI il faudrait les bannir &, comme les Québécois(es) utiliser des expressions & mots FRANÇAIS en lieu & place de ces anglicismes forts envahissants!!!
Ce verbe et ses dérivés, tels qu’«impact», «impactant», constituent un appauvrissement en matière d’expression écrite et orale.
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Bankable, fashion, mail… ces anglicismes bien français
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