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Le 11 janvier 1921, jour de rentrée parlementaire, le député socialiste Alexandre Blanc est très remonté contre Léon Daudet, figure de l’Action française qui siège désormais au Palais-Bourbon. En croisant l’élu d’extrême droite dans la salle des conférences, Blanc, rapporte L’Humanité, lui « fit savoir qu’il était décidé à ne pas supporter plus longtemps ses injures boueuses et ses diffamations ». Daudet le prend de haut : « Et que ferez-vous ? » La réplique fuse : « La gifle lancée à toute volée alla claquer sur la joue du gros Léon, qui encaissa », savoure L’Humanité. Autre son de cloche du côté de L’Action française : « Léon Daudet s’est contenté de rendre copieusement à Alexandre Blanc la monnaie de sa pièce, en l’engageant à ne pas recommencer. » D’autres ne s’en priveront pas.
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Provocateur et antiparlementariste patenté au cœur de multiples incidents, le député de droite Philippe Henriot est pris à partie, le 21 février 1936, dans cette même salle des conférences. Face à lui, Arthur Ramette, député communiste de Douai. « Tu nous as traités de canailles… Voilà pour toi ! » La claque part, violente. Ulcéré, le futur secrétaire d’État à la propagande de Vichy tente de répliquer avant que d’autres députés ne le retiennent.
Le 9 janvier 1940, pendant la « drôle de guerre », la retenue n’est plus de mise : Fernand Grenier et six députés communistes, membres d’un PCF dissous à la suite de son soutien au Pacte germano-soviétique, prennent place dans l’hémicycle. « Soudain, des cris s’élèvent à l’extrême droite : “À la porte ! À la porte !” », raconte Paris-Soir. Dans un terrible brouhaha, le président suspend la séance tandis que les élus communistes « gardent obstinément le silence et, les coudes sur leur pupitre, font comme s’ils n’entendaient rien », précise le quotidien, qui arrête là son récit. L’Action française poursuit : « Bientôt les travées de la droite et du centre déferlaient vers les bancs communistes, malgré les efforts des huissiers balayés par le nombre. » Mais en vertu de la censure de guerre, six lignes en pointillé coupent l’article. On apprend seulement qu’« une poussée irrésistible » pousse « dehors » ceux que le Figaro, aussi allusif que ses concurrents, qualifie d’« indésirés » pris dans une simple « mêlée ».
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Publiée clandestinement, L’Humanité fait fi de la censure : « Cent députés déchaînés, écumant de colère, au premier rang desquels se mêlaient des fascistes notoires comme Tixier-Vignancour et des élus socialistes, se sont rués sur eux et les ont frappés. Nos amis ont courageusement fait face à cette bande de hyènes. Finalement, ils ont été expulsés du Parlement. » Confirmée dans Le Monde par le député socialiste Pierre Bloch, cette scène fut l’une des plus violentes survenues au cœur de l’Assemblée, entre la foire d’empoigne du 4 novembre 1904 en pleine « affaire des fiches », et la bagarre du 15 février 1956 opposant poujadistes et communistes. « Les tabourets volent », précisait l’AFP.
La buvette n’est pas en reste : le 6 juillet 1957, Jean Dides, député poujadiste, ex-commissaire des Renseignements généraux et viscéralement anticommuniste, interpelle l’élu du PCF Rémy Boutavant, qui ne l’a pas ménagé en séance. Le ton monte et Dides lui décoche une gifle. À cet instant, des camarades de Boutavant se jettent sur l’agresseur. « L’un d’eux, s’emparant d’un verre, le lui brisa sur le front, rapporte Le Monde. D’autres parlementaires intervinrent pour dégager M. Dides, qui, blessé d’une large coupure sur le haut du front, dut recevoir des soins à l’infirmerie du Palais-Bourbon. »
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Ce genre de différend se règle parfois loin de l’hémicycle, à l’épée, au sabre ou au pistolet, dans le cadre très codifié du duel. Revenue en grâce sous la IIIe République mais difficile à quantifier, cette pratique, plus rare après 1914, débouchait rarement sur la mort de l’un des bretteurs. Le duel n’en était pas moins illégal, quoique toléré et relayé avec complaisance par la presse. Parmi ses adeptes, citons Georges Clemenceau et sa douzaine de joutes, Jean Jaurès, Léon Blum, Philippe Henriot qui se défausse, ou encore Gaston Defferre, opposé au radical Paul Bastide, giflé en 1947 dans le salon de la Paix. Vingt ans plus tard, le député-maire de Marseille croisera le fer avec le gaulliste René Ribière, traité d’« abruti » et vaincu sur le pré en 1967, au terme du premier et dernier duel de la Ve République.
Le duel. Une passion française Jean-Noël Jeanneney, Seuil, 240 p.
Anne-Laure Ollivier, « Le spectacle de la transgression : les duels de parlementaires en France après 1945 », Parlement(s), Presses universitaires de Rennes n° 23, pp. 115-134.
Par Thomas Rabino
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne