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Ce n’est certainement que le début. Les conséquences sont lourdes pour les entreprises qui n’avaient pas anticipé l’extrême volatilité des marchés, cette dernière s’ajoutant à une inflation déjà terriblement lourde à supporter. Dans un contexte hautement inflammable, les États comme les banques centrales jouent des coudes. Et pour le moment, seul le dollar semble tirer son épingle du jeu.
Du fait du risque de récession et du durcissement des conditions financières qui résulte de la hausse des taux directeurs par les banques centrales pour lutter contre l’inflation, les flux de capitaux vont se recycler aux Etats-Unis, ce qui renforce automatiquement le dollar américain. En période de crise, le dollar joue pleinement son rôle de valeur refuge. Et les autres centres de gravité monétaires peinent à contrecarrer la puissance de feu d’oncle Sam.
Pour lutter contre la baisse de leurs monnaies, les banques centrales peuvent opter pour une intervention directe sur le marché des changes. C’est ce qu’ont fait les banques centrales du Japon et d’Inde ces derniers jours. La Banque d’Angleterre pourrait leur emboîter le pas alors que la livre sterling évolue à un point bas de 37 ans face au dollar américain.
Mais le succès est loin d’être garanti. Le prérequis, c’est qu’il faut avoir suffisamment de réserves de change. Dans le cas du Royaume-Uni, elles sont insuffisantes. Depuis 2010, les gouvernements britanniques successifs ont renforcé le niveau des réserves pour atteindre 200 milliards de dollars si on cumule les réserves conjointes de la Banque d’Angleterre et du Trésor britannique. C’est peu comparé à la force de frappe du Japon estimée à 1.700 milliards de dollars. Les interventions sur les taux de change sont des guerres d’usure qui nécessitent d’avoir suffisamment de munitions sur la durée pour pouvoir gagner. Même lorsque les réserves sont en théorie suffisantes, cela n’assure en rien de l’issue de la bataille.
Souvenons-nous : en 1998, le Japon et les Etats-Unis étaient intervenus de manière coordonnée pour soutenir le yen japonais. Ce fut un échec cuisant. Il fallut attendre la faillite du fonds spéculatif à fort effet de levier LTCM au deuxième semestre 1998 pour que le statut de valeur refuge du yen fasse effet et que ce dernier se renforce face au dollar. Une histoire qui nous enseigne à quel point une coordination entre les principales banques centrales est essentielle pour garantir l’efficacité des interventions sur le marché des changes.
Pour stopper la dépréciation de leurs monnaies, les banques centrales possèdent une autre arme bien connue dans leur arsenal : les taux directeurs. Alors que la FED et la BCE mènent une action résolue pour lutter contre l’inflation, un acteur, central dans l’écosystème des changes, est désormais dos au mur : le Japon.
Pendant l’été, la banque centrale nippone est intervenue massivement sur le marché obligataire japonais pour défendre sa politique de contrôle de la courbe des taux. Cela consiste à s’assurer que les taux d’emprunt à long terme soient proches de zéro, ce qui permet de maintenir des conditions de financement accommodantes. C’est évidemment une gageure dans un contexte où les taux d’intérêt au niveau mondial ne cessent d’augmenter. Désormais, tout le monde s’accorde sur ce point : c’est seulement en augmentant drastiquement les taux directeurs que le Japon, (et les banques centrales en général) peut avoir une petite chance de lutter contre l’effondrement monétaire en cours. En langage clair, cela implique de renouer avec des taux réels positifs alors qu’ils sont encore très négatifs. Le tout sans être accusé de favoriser la récession.
Car l’augmentation des taux directeurs aboutit en général à une hausse de la monnaie, ce qui a pour effet bénéfique de réduire l’inflation importée. Le revers de la médaille, c’est que cette stratégie entraîne aussi un durcissement des conditions financières pour les ménages et les entreprises, aggravant la contraction de l’économie. Au regard des derniers indicateurs d’activité PMI, la zone euro et le Royaume-Uni sont certainement déjà entrés en récession au troisième trimestre… générant un réflexe de protection particulièrement risqué.
Face à ce dilemme cornélien entre inflation et récession, une dernière tentation se fait effectivement jour : le repli sur soi comme dans le monde d’après 1929. Après une décennie de forte inflation et d’instabilité monétaire, les gouvernements occidentaux s’étaient imposés mutuellement de lourds tarifs douaniers qui ont entravé le commerce. La suite est bien connue : la richesse créée s’est effondrée et le chômage est monté en flèche dans la foulée, alimentant les velléités guerrières des nations. Un cercle vicieux qu’il nous faut à tout prix éviter.
Aujourd’hui, la nouvelle guerre des monnaies est bel et bien de retour avec elle son cortège de défis pour les Etats, les entreprises et les particuliers. Une guerre des monnaies, rugueuse et aux conséquences souvent douloureuses, mais qui vaudra toujours mieux que la dérive du protectionnisme et ses inévitables conséquences belliqueuses.
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