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C’est une décision à rebours de celles des autres banques centrales. Alors qu’elle est en proie à une inflation galopante, la Turquie refuse toujours de relever son taux directeur. La hausse des prix, continue depuis 2017, s’est encore envolée en avril dernier, atteignant près de 70% sur un an. Une situation qui s’explique par la dégringolade de la livre turque et par la flambée des prix de l’énergie, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine.
La Turquie n’est pas le seul pays à connaître une forte inflation. Les Etats-Unis, mais aussi les pays européens doivent également y faire face, dans une moindre mesure. Or, tous ont décidé de resserrer leur politique monétaire, l’une des clés pour enrayer la hausse des prix. C’est le cas par exemple de la banque centrale américaine qui, pour la première fois depuis 22 ans, vient de relever d’un demi-point de pourcentage ses taux directeurs. Du côté de l’Europe, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde a indiqué qu’il y avait une “forte probabilité” que l’institution de Francfort relève ses taux directeurs d’ici à la fin de l’année si l’inflation reste élevée.
À l’inverse, la banque centrale turque a, elle, maintenu jeudi pour le cinquième mois consécutif son principal taux directeur à 14%, refusant de relever ce dernier. “Le processus de désinflation débutera avec le rétablissement d’un environnement de paix dans le monde et la disparition des effets de base de l’inflation”, a-t-elle indiqué dans un communiqué pour justifier sa décision que le pays doit aux certitudes économiques de son président qui n’accorde que peu de crédit aux théories classiques. Recep Tayyip Erdogan estime en effet que les taux d’intérêt élevés favorisent l’inflation. Il avait d’ailleurs contraint la banque centrale à abaisser son taux directeur de 19% à 14% entre septembre et décembre. Le chef d’Etat a pourtant bâti ses succès électoraux des deux dernières décennies sur ses promesses de prospérité, assurant fin avril que l’inflation “commencera à ralentir après le mois de mai”. Il avait ensuite demandé de la “patience” aux Turcs: reconnaissant que la guerre en Ukraine affectait déjà les prix à la consommation, il avait expliqué “mener une bataille contre ceux qui imposent des prix exorbitants” et prévenu qu’il serait “sans pitié” avec les spéculateurs. “Nous devons surmonter les problèmes. Je demande à la nation d’être patiente et de nous faire confiance”, avait-il indiqué.
L’un des effets de sa stratégie semble pour l’instant être l’effondrement de la monnaie nationale. La livre turque a ainsi vu sa valeur fondre de 44% face au dollar en 2021 et a encore perdu 23% face au billet vert depuis le 1er janvier, malgré des interventions répétées de la banque centrale. Les rumeurs d’intervention turque en Syrie ces derniers jours l’ont encore enfoncée. La monnaie nationale s’échangeait jeudi après-midi autour de 16,4 livres pour un dollar, à des niveaux qui n’étaient plus atteints depuis décembre 2021, quand la livre avait connu son plus bas historique à 18,4 livres pour un dollar.
La situation déjà critique s’est aggravée depuis le début de l’invasion russe en Ukraine et l’enlisement du conflit ne laisse pas entrevoir de reprise dans les mois à venir. La Turquie est, en effet, un grand importateur de blé russe et ukrainien, mais aussi du gaz russe qui représente 44% de ses importations en 2021. La Russie et l’Ukraine sont également de gros pourvoyeurs de touristes en Turquie. Par exemple, 4,7 millions de touristes russes sont allés l’an dernier en Turquie et ont représenté 19% des visiteurs étrangers.
Pour tenter de soutenir sa population qui subit de plein fouet les conséquences de l’inflation, Recep Tayyip Erdogan avait annoncé en avril une baisse de la TVA de 18 à 8% sur les produits d’hygiène et la restauration. Il avait déjà abaissé en février la TVA de 8 à 1% sur les produits alimentaires de première nécessité, sans parvenir toutefois à enrayer les hausses de prix qui ont effacé partiellement les augmentations de salaires accordées au 1er janvier.
En avril, l’agence de notation financière S&P Global Ratings a abaissé sa note sur la dette souveraine du pays, la considérant désormais entièrement comme un investissement très spéculatif. La note sur la dette en monnaie locale a ainsi été abaissée d’un cran à “B+” contre “BB-” auparavant. La note sur la dette turque en devises étrangères était, elle, déjà classée “B+” et est maintenue à ce niveau.
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