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Virgil Griffith a reconnu, lundi, avoir violé la loi interdisant à tout Américain de partager des technologies avec la Corée du Nord. Il est accusé d’avoir profité d’un voyage à Pyongyang en 2019 pour avoir expliqué au régime nord-coréen comment faire utiliser les cryptomonnaies pour échapper aux sanctions internationales.
“Héros” des cryptomonnaies pour les uns et agent plus ou moins consentant de l’ennemi nord-coréen pour les autres, Virgil Griffith a plaidé coupable lundi 27 septembre. Cet informaticien américain de 36 ans, ancien hackeur, risque jusqu’à vingt ans de prison pour avoir aidé la Corée du Nord à contourner les sanctions internationales grâce aux cryptomonnaies.
Virgil Griffith a mis en danger la “sécurité nationale américaine”, a assuré le procureur général de New York dans un communiqué. Le tribunal a précisé qu’il déciderait de la sanction infligée à ce crypto-complice de Pyongyang en janvier 2022.
Une figure influente du milieu technophile américain
Le jeune homme avait été interpellé par la police en 2019 à son retour de Corée du Nord où il avait assisté, illégalement, à la première conférence nord-coréenne sur les cryptomonnaies.
Son arrestation et les accusations d’avoir collaboré avec “l’un des principaux ennemis des États-Unis” – selon les autorités judiciaires américaines – ont suscité un vif débat au sein de la communauté des cryptomonnaies, et parmi les défenseurs de la liberté d’expression.
Virgil Griffith est en effet le premier ressortissant américain à avoir été arrêté sous prétexte qu’il aurait aidé la Corée du Nord à défier technologiquement les sanctions. Pour situer le personnage, le jeune Américain est une personnalité très influente dans le monde des férus de technologies et des hackeurs. Décrit comme quelqu’un de très charismatique dans un portrait que le New York Times lui a consacré en 2008, le jeune homme a côtoyé et travaillé aux côtés de certains des activistes et personnalités les plus connus d’Internet.
Il a notamment collaboré avec feu le célèbre hacktiviste Aaron Swartz, dont le destin tragique a fait l’objet du documentaire “The Internet’s Own Boy” en 2014. Virgil Griffith est aussi considéré comme l’un des “mentors” et amis de Vitalik Buterin, le créateur de l’ethereum, la deuxième plus importante cryptomonnaie dans le monde après le bitcoin.
C’est d’ailleurs son travail comme développeur pour la Fondation Ethereum et son enthousiasme pour le potentiel disruptif de cette technologie qui va mener le hackeur à Pyongyang en 2019.
Depuis 2018, Virgil Griffith avait à plusieurs reprises fait état de sa volonté d’aller en Corée du Nord pour y parler de l’impact positif que le bitcoin et autres devises dématérialisées pourraient avoir pour ce pays mis au ban du système financier international.
Conférence fatidique
Il saute donc sur l’occasion lorsqu’il est invité à s’exprimer au cours de la première conférence nord-coréenne sur les cryptomonnaies en avril 2019. Mais le ministère américain des Affaires étrangères lui avait formellement interdit de se rendre sur place.
À l’époque, tout ce qui touchait aux cryptomonnaies et à la Corée du Nord était considéré comme hautement sensible. Le sommet de Hanoï entre le président américain Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un s’était achevé en février 2019 sur un échec, ce qui avait donné un coup d’arrêt à la politique – initiée un an plus tôt – de main tendue envers le régime autoritaire nord-coréen.
Les inquiétudes autour de l’utilisation du bitcoin par les pays comme l’Iran ou la Corée du Nord pour contourner les sanctions étaient alors à leur comble à Washington. Plusieurs études avaient souligné, dès 2017, que les transactions en cryptomonnaies étaient bien plus difficiles à suivre, car elles ne passaient pas par le réseau bancaire traditionnel. Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor (équivalent du ministre de l’Économie) de Donald Trump, avait assuré à ce propos qu’il classait les cryptomonnaies au rang de “défi à la sécurité nationale américaine”.
C’est dans ce contexte que Virgil Griffith avait décidé de braver l’interdiction américaine de se rendre à Pyongyang. Il est entré clandestinement en Corée du Nord par la Chine et s’est exprimé devant un parterre d’une centaine de participants à la conférence d’avril 2019.
Ce qu’il y a dit précisément reste encore aujourd’hui un mystère. Selon les autorités américaines, Virgil Griffith aurait clairement expliqué à des officiels du régime comment utiliser les différentes cryptomonnaies pour faire du commerce avec d’autres pays sans jamais avoir recours au dollar, ce qui permettrait à Pyongyang de ne pas être repéré par Washington. Il aurait aussi commencé à mettre en place un site pour échanger des cryptomonnaies avec des cybercriminels basés en Corée du Sud.
Les conseils du jeune homme auraient permis à la Corée du Nord de mieux comprendre “comment financer son programme nucléaire illégalement”, affirme le procureur général de New York. En d’autres termes, la justice américaine accuse cet activiste de la cause des cryptomonnaies d’aider Pyongyang à devenir une dangereuse puissance nucléaire. Rien que ça.
Question de liberté d’expression ?
Des accusations exagérées selon plusieurs amis de Virgil Griffith et des ONG comme le Brennan Center for Justice de la New York University Law School. Ils soutiennent, en se basant sur le témoignage d’un autre Occidental présent lors de cette conférence, que Virgil Griffith n’a fait qu’expliquer des concepts basiques des cryptomonnaies et de la blockchain (le registre en ligne de toutes les transactions en bitcoins) au public nord-coréen.
Il n’y aurait pas eu, selon eux, d’informations sensibles partagées avec des pontes du régime. De ce fait, son arrestation serait purement et simplement une atteinte à sa liberté d’expression.
Mais en plaidant coupable, Virgil Griffith a coupé l’herbe sous le pied de ceux qui voulaient faire du procès une affaire de liberté d’information à l’air du bitcoin. Cela étant, le jeune homme a simplement reconnu avoir fait “une bêtise” en se rendant à cette conférence à Pyongyang. Mais il n’est pas allé jusqu’à avouer que ses dires sur place avaient pu aider le régime à utiliser les cryptomonnaies à des fins illégales. Pas de quoi le mettre derrière les barreaux pendant vingt ans, espère-t-il.
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