Révolution en vue sur les bords du quai de Conti? L’Académie française a adopté ce jeudi un rapport rédigé par quatre Immortels et préconisant la féminisation des noms de métiers. Ce texte fera ensuite l’objet d’un vote dans les semaines à venir. Une éventuelle approbation de la part de l’Académie française marquerait un tournant dans l’histoire de l’institution, figure de proue de l’opposition à cette évolution linguistique depuis de nombreuses années.
Cette opposition est motivée par certains arguments récurrents qui, pour certains, ne datent pas d’hier. « Dès les années 1650-1670, il y a les premières condamnations d’usage de mots correspondant à des activités portant sur la parole publique, la création, le savoir. Ce sont des activités que certains hommes estiment à l’époque être le monopole des hommes », souligne Eliane Viennot, qui a dirigé l’ouvrage « L’Académie contre la langue française » paru en 2016.
Le sujet est revenu plusieurs fois sur le devant de la scène au fil de l’Histoire, notamment après la création en 1984 d’une Commission « chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ».
En 1999, l’Institut national de la langue française publie un « guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions. Ses rédacteurs listent les objections et difficultés revenant régulièrement sur le tapis. Parmi elles, il y a l’euphonie.
« Euphonie, nom féminin : harmonie de sons agréablement combinés, par opposition à cacophonie », indique le dictionnaire de l’Académie française. En clair, pour ses opposants, la féminisation des noms de métiers signifierait un enlaidissement de la langue. En 2005, dans un article rédigé pour le magazine Lire, Frédéric Beigbeder qualifiait le mot « écrivaine » de « terme immonde » provoquant chez lui des « éruptions cutanées ».
L’argument esthétique est éminemment subjectif et dépend souvent de ce qui est habituel, résumait dans une interview au Figaro l’année dernière le linguiste Bernard Cerquiglini, qui prenait justement l’exemple d’« écrivaine » : « Il s’agit […] d’un néologisme, donc il choque. Mais la monnaie est très neuve! Il est nécessaire de l’user pour s’y habituer. » D’autant plus que certains mots féminisés, paraissant nouveaux, existaient auparavant dans la langue française avant de disparaître à partir du XVIIe siècle, rappelle Yannick Chevalier, maître de conférences à l’université Lyon 2.
Dans certains cas, la déclinaison féminine peut avoir une autre définition. Elle peut par exemple renvoyer également à des noms de machines (« dépanneur/dépanneuse » ou « moissonneur/moissonneuse »). Dans d’autres cas, il peut même renvoyer à des mots sexuellement connotés tels que « maîtresse » ou « entraineuse ».
« Comment dire médecin au féminin sans créer de confusion sémantique avec la discipline? Faudrait-il dire une médecin, une femme médecin, une praticienne? Il y a mille solutions, mais il faut choisir », écrivait mercredi l’académicien Frédéric Vitoux dans une tribune publiée mercredi par La Croix.
Un argument très loin de convaincre Eliane Viennot, qui rappelle que bon nombre de métiers au masculin sont aussi polysémiques, c’est-à-dire qui ont plusieurs sens. « Est-ce qu’il y a une confusion entre l’avocat qui plaide et l’avocat qui se mange ? », fait-elle mine de s’interroger. « La langue française est remplie d’homonymes et cela fonctionne très bien en fonction du contexte ».
Les auteurs du « Guide d’aide à la féminisation » notaient que la féminisation d’un métier était perçue comme une dévalorisation de celui-ci par de nombreuses femmes. Ils citaient notamment l’exemple d’une directrice d’un organisme de mesures scientifiques, qui souhaitait être appelée « directeur ». « Directrice a un petit côté directrice d’école, un peu institutrice », estimait-elle.
Cet argument va parfois de pair avec celui sur le fait que le masculin serait neutre lorsqu’il s’agit d’évoquer une fonction. Cette idée ne tient pas non plus selon Eliane Viennot : « Il n’y a pas de noms neutres dans la langue française. Il n’y a qu’à ouvrir un dictionnaire : ils sont soit féminins, soit masculins. Il y a seulement quelques pronoms neutres, comme “cela”. »
Ce sont surtout les métiers et fonctions les plus socialement valorisés, et longtemps occupés exclusivement par des hommes, qui sont concernés. « De nombreuses avocates continuent de vouloir être désignée comme « avocat à la cour », alors même que le mot « avocate » est dans le dictionnaire depuis 200 ans ! », note ainsi Frédéric Vitoux dans La Croix.
Et Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense puis de l’Intérieur entre 2002 et 2009, tenait à se faire appeler « Madame le ministre » : « Le “Madame” suffit à identifier le genre de la personne à qui on s’adresse, expliquait-elle à Slate en 2018. Et personne ne m’a jamais prise pour un homme. J’assume ma féminité. Pas besoin que l’on me le dise à travers l’article! »
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