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En Côte-d’Ivoire, les banques sont accusées de tous les péchés, trop lentes, trop opaques, trop chères, arrogantes, ne prêtent qu’aux plus riches, longues files d’attente devant les quelques rares agences, complexités inutiles de certaines opérations, délais de traitements longs, méthodes archaïques etc.
Pour de nombreux ivoiriens les banques avec leurs taux d’intérêts exorbitants, sont coresponsables de l’inflation qui frappe leur pays, dans l’immobilier, dans les transports, les supermarchés, sur les marchés, chez les coiffeurs, partout.
Les banquiers s’en défendent.
Sylvie Kouamé
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Le président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire se prononce sur les perspectives de l’économie ivoirienne et particulièrement du secteur bancaire face à la crise ukrainienne et ses conséquences sur la vie des ménages.
L’inflation généralisée emmène les banques centrales à augmenter leurs taux directeurs respectifs. Quel impact cela a-t-il sur l’activité bancaire en Côte d’Ivoire ?
La banque centrale en Côte d’Ivoire a fait preuve d’acuité et de grande intelligence au moment du Covid-19. Sachant les difficultés quasi insurmontables que le secteur financier avait à affronter, la banque centrale a réduit, à l’époque, son taux directeur, permettant ainsi aux populations comme aux entreprises de pouvoir accéder au crédit sans trop de contraintes. Et au secteur financier de faire face à ses responsabilités. L’augmentation des taux directeurs, aujourd’hui, dans un contexte où la crise du Covid-19 est quasiment derrière nous, serait d’abord un retour vers une situation normale. Bien sûr, les banques gagneront moins d’argent avec une hausse du taux directeur, leur marge va se rétrécir, mais l’impact sera relatif, car les banques ne se ressourcent auprès de la banque centrale que pour 30 à 50% de leurs besoins.
Doit-on s’attendre à une augmentation du taux d’intérêt sur les emprunts ?
Certainement pas dans l’immédiat. Le secteur financier connaît une très forte concurrence en Côte d’Ivoire et c’est un grand avantage pour les populations et les entreprises. Ainsi, la banque ou l’établissement financier qui répercute la hausse verra, vraisemblablement, sa clientèle aller faire des demandes à d’autres institutions et elle ou il perdra sur les deux tableaux, à savoir la perte de la clientèle et d’argent, car le taux du crédit élevé. Vos lecteurs doivent donc être rassurés face à une hausse qu’ils ne devraient pas connaître immédiatement.
Avec la cherté de la vie, le pouvoir d’achat des ménages est réduit. Qu’est-ce que les banques prévoient de faire pour soutenir leurs clients particuliers dans cette situation qui pourrait durer ?
Comme je le disais précédemment, les banques et les établissements financiers vont protéger leur clientèle dans cette période troublée, en n’augmentant pas leur taux de crédit. Alors bien sûr, les clients des banques et établissements financiers doivent savoir que ce sera plus difficile pour les petites institutions que pour les grandes. Et quand on est un client satisfait des services qui sont offerts, on se doit aussi de soutenir sa banque ou son établissement financier en continuant à y épargner. Car cette période ne durera pas longtemps. A l’avenir nous connaîtrons des années de croissance et de progrès. Et à ce moment-là, une banque ou un établissement financier, dont on est client depuis de nombreuses années, sera toujours à l’écoute des besoins de sa clientèle.
Le financement de l’accès au logement reste une préoccupation en Côte d’Ivoire. Comment les banques accompagnent-elles l’État dans ses programmes de logements sociaux ?
L’accès au logement en Côte d’Ivoire n’est pas qu’un problème de financement. Réduire ce problème au financement serait faire peser sur les banques et établissements financiers une responsabilité. Par ailleurs, je le précisais en début d’interview, la banque centrale, en abaissant son taux directeur durant la crise de Covid-19, a permis aux banques et établissements financiers de poursuivre leur engagement auprès de l’État pour ses programmes de logements sociaux. En outre, le secteur financier a parfaitement conscience des préoccupations des populations en matière de logement. C’est pourquoi, à travers de nombreux programmes d’accession à la propriété, les banques et établissements financiers se mobilisent pour offrir une solution adaptée à chaque demande. Et croyez-moi bien, les offres vont continuer à être proposées à la clientèle.
Les mécanismes actuels sont-ils adaptés ? Que proposez-vous pour plus d’efficacité ?
L’Afrique, et la Côte d’Ivoire en particulier, qui œuvre chaque jour pour son développement afin de parvenir à l’émergence et permettre aux populations de bénéficier d’un meilleur environnement, applique, à ce jour, des méthodes utilisées dans le reste du monde pour lutter, par exemple, contre l’inflation. Prenons la hausse des taux directeurs; elle va avoir, notamment, pour effet de baisser d’une certaine manière la demande de crédit et donc, par voie de conséquence, de juguler l’inflation. En jugulant l’inflation, on participe très activement à la stabilité des prix de l’alimentation. Ainsi, l’ensemble du système financier, tant public que privé, concourra à un environnement plus rassurant pour les populations.
Quel est le niveau de financement accordé aux ménages en 2021 ?
Le montant des financements accordés aux ménages par les banques en 2021 s’ éleve à 1.223 milliards de FCfa. Le bénéfice net des banques de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a progressé de 68% pour atteindre le niveau historique de 799 milliards de FCfa (1,21 milliard de dollars) à fin 2021.
Quelle est la part des banques ivoiriennes ?
La part des banques ivoiriennes et des établissements financiers, dans la progression historique des bénéfices, est conséquente. Elle est liée à la hausse du crédit tant pour les entreprises que pour les particuliers. Hausse qui a naturellement profité de la baisse des taux que j’évoquais auparavant. De plus, il faut souligner, dans une analyse transparente, que 2021 a bénéficié, en sortant de la période de covid, d’une année de rattrapage par rapport à 2020, où, somme toute, les activités ont été ralenties malgré le déploiement de toutes les aides.
Quel est l’élément moteur de cette embellie ?
Comme déjà mentionné, l’élément moteur de l’embellie est la hausse du crédit combinée à la baisse des taux d’emprunt, en fait, je veux souligner, ici, la vision macroéconomique du Président de la République. Quand on parlera d’embellie de l’économie ivoirienne tant pour la décennie 2010 que pour celle de 2020, il ne pourra pas être fait l’économie des décisions justes et appropriées du Président de la République en matière d’agriculture, d’activité industrielle, de bâtiments et travaux publics, de transports, de commerce, des télécommunications. Comme je viens de le citer, ce sont tous les secteurs de l’économie ivoirienne qui s’améliorent, avec une progression du PIB envisagée à 6,7% en 2023 et un déficit budgétaire ramené à 3,8%. Si je cite ces chiffres, c’est pour faire comprendre que si la confiance est là, comme elle est depuis 2012, le financement suit, et le développement se réalise au bénéfice de tous, des entreprises comme des particuliers, des classes plus aisées comme de la population en grande difficulté. Pour cette dernière, nous devons combiner tous nos efforts afin de lui permettre d’évoluer plus rapidement.
Votre secteur d’activité serait-il à l’abri des conséquences de la guerre en Ukraine et de l’impact résiduel de la Covid-19 ?
L’impact résiduel de la Covid-19 est non seulement maîtrisé, mais a été aussi parfaitement abordé pour avoir des résultats supérieurs à ceux attendus. Quant à la guerre en Ukraine, vous ne pouvez pas me demander de jouer au cartomancien ou autre conteur de bonne aventure. Nous ne connaissons pas, aujourd’hui, toutes les conséquences sur nos économies. Par contre, ce que je peux affirmer, c’est que les banques et établissements financiers seront encore plus à l’écoute des grandes entreprises pour mettre en œuvre les financements dont elles ont besoin tant pour leurs indispensables investissements que pour leur fonctionnement circonstanciel. Proches également des populations tant pour les crédits de rentrée scolaire, de consommation, d’équipement ou de logement. Mais les banques et établissements financiers savent qu’ils ont un effort particulier à faire auprès des PME. Dans cette période, c’est bien aux PME que nous devons consentir une attention toute particulière et professionnelle.
Quelles mesures envisagez-vous pour vous prémunir ?
Au niveau du secteur financier, trois voies peuvent être empruntées par les institutions en fonction de leur taille, ambition et moyens. Elles peuvent poursuivre activement le financement de l’économie ivoirienne, en disposant d’ores et déjà de fonds propres nécessaires. Elles peuvent se recapitaliser pour se mettre en ordre de marche ou fusionner pour offrir une institution plus résiliente.
Le Fonds monétaire international (Fmi) s’inquiète de la concentration depuis 2008 de quelques émetteurs souverains (pays) dans le portefeuille des banques et recommande en urgence une augmentation des fonds propres selon les règles internationales de Bâle2. Comment appréhendez-vous cet avis du Fmi ?
Les banques et établissements financiers en Côte d’Ivoire ne sont pas tous à ranger dans la même catégorie en ce qui concerne les augmentations de fonds propres. Des exigences en fonds propres ont été soumises aux banques afin qu’elles soient mieux en adéquation avec les risques de crédit. Toutes ces exigences ont pour but, in fine, de protéger la population. En demandant aux banques d’augmenter leurs fonds propres pour faire face au risque de défaut de remboursement de crédit, on protège le système financier face aux problèmes de marché (style subprimes), aux crises bancaires ( style défaut d’une Institution), aux problèmes économiques ( style moteur de la croissance en berne), aux crises de dette souveraine ( style dégradation de la conjoncture). Nous ne sommes absolument pas dans ces configurations, mais il est sage de se protéger, même si le risque peut survenir, mais notre souhait est que cela ne se présente pas. Cependant, tout cela n’empêche pas certaines institutions d’avoir besoin d’être recapitalisées pour être conformes aux exigences de Bâle II.
Quelle est votre perception des perspectives de l’économie ivoirienne et particulièrement du secteur bancaire face à la crise ukrainienne ?
En premier lieu, si vous analysez les rapports du FMI, vous vous rendrez compte que l’Afrique subsaharienne, et principalement, l’Afrique de l’Ouest est la seule région du monde, où les perspectives économiques seront en croissance, supérieures en 2023 par rapport à 2022. Ensuite, le secteur financier doit s’atteler à financer de manière beaucoup plus importante les PME. Et je vous assure que toute institution qui prendra des initiatives dans ce sens, le ressentira fortement dans son propre développement. Car les PME sont, à ce stade du développement de la Côte d’Ivoire, la réserve de croissance tant pour créer de l’emploi que de la richesse. Enfin, nous devrions nous atteler à créer une monnaie numérique. Car, une version numérique des pièces et des billets de banque est plus sûre et moins volatile que des cryptoactifs, dans la mesure où ceux-là sont émis et régulés par la banque centrale. Également, le second avantage est la promotion de l’inclusion financière. La monnaie numérique pourrait permettre à des personnes qui, jusque-là, ne disposent pas de compte bancaire d’accéder à des services financiers. Et pour conclure, la monnaie numérique peut faciliter les transferts et les paiements transnationaux. L’Afrique subsaharienne est la région, où le coût de l’envoi et de la réception de fonds est le plus élevé au monde. Grâce à la monnaie numérique, les envois de fonds par les travailleurs émigrés pourraient devenir plus simples, plus rapides et moins chers et permettraient d’intensifier les échanges dans la région et avec le reste du monde.
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