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L’émergence et la consolidation des technologies de digitalisation de la monnaie, notamment via les Blockchains, affiliées aux cryptomonnaies Bitcoin ou Ethereum entre autres, créées en 2009 et 2015 respectivement, a ouvert le champ à la capacité de définir un nouveau rapport à l’argent dans notre vie quotidienne et notre vie économique.
D’autres technologies que les Blockchains, qui elles utilisent principalement des processus de consensus de Proof of Work ou Proof of Stake, existent, comme les Directed Acyclic Graphs (DAG), ensemble de technologies qualifiées plus globalement de Distributed Ledger Technology (DLT).
Sur la base de ces technologies, durant ces derniers mois, une tendance certaine apparaît sur la digitalisation des monnaies d’usage courant, les monnaies dites de « banques centrales ». De nombreuses questions peuvent émerger de ces tendances notamment au travers d’informations faisant référence officiellement au dit « Great Reset » ou « Grande Réinitialisation » au travers du World Economic Forum, éléments repris publiquement par de grandes institutions internationales, de grandes institutions de paiement, et ayant eu un écho certain dans les médias et les réseaux sociaux.
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Au-delà des volontés de dirigeants, d’institutions publiques et privées, et de lobbys internationaux, l’ensemble des acteurs économiques et individuels sont en droit de construire une réflexion sur cette question de la digitalisation de la monnaie, qui peut apporter des éléments positifs, et fait craindre aussi différentes dérives dans nos sociétés.
En 2020, Christine Lagarde, en tant que présidente de la Banque Centrale Européenne, disait ainsi publiquement, que la monnaie est un bien public, avec la décision qui a suivi de la BCE, de mettre en place une consultation publique sur cette thématique. Quelles pourraient être ces grandes questions que nous serions en droit d’interroger à titre individuel sur ces thématiques monétaires ?

Une première question pourrait être celui du respect de la vie privée dans le cadre de l’usage que nous faisons de notre argent. Les technologies DLT permettent de créer des monnaies digitales d’une traçabilité redoutable empêchant la moindre vie privée pour l’usager, comme des monnaies discrètes, ayant un pouvoir équivalent au cash, sous forme de billets ou de pièces. La Cash Digital existant ainsi au sein de l’écosystème des dites crypto monnaies au travers notamment de Monéro ou Zcash. Ainsi sur cette thématique essentielle du respect de la vie privée, nos dirigeants auront la capacité de décider de créer du cash digital, chemin que semble envisager la Chine, état leader sur la thématique, au travers du Digital Renminbi.
Rappelons-nous ainsi, selon une étude de la BCE de 2017, que 64% des transactions en nombre effectuées par les Français se font en cash principalement pour des petits paiements du quotidien, et en termes de montants 62% des transactions se font en monnaie électronique, version 0.1 des monnaies digitales. Ces chiffres sont respectivement à l’échelle de l’Europe de 79% et 46%. Nous avons déjà partiellement un pied dans les monnaies digitales, via les monnaies numériques des cartes de paiement et virements.
transactions cash Europe
Au-delà, un point essentiel, et qui s’inscrit dans la logique de l’argent physique du bas de laine sous le matelas, est celui de posséder physiquement son propre argent. De même de par l’utilisation de physical ledger, sorte de clé USB sécurisée pour les monnaies digitales, il serait possible de posséder de l’argent digital directement chez soi, sans avoir à utiliser un tiers de confiance que ce soit une plateforme numérique ou une banque. De même sur ce point une forme de liberté pourrait être donnée aux citoyens pour conserver leur argent librement chez eux, comme pour les billets. Toutefois ce type d’approche pourrait ne pas être totalement en phase avec les volontés des banques, des plateformes numériques et des autorités fiscales.
Enfin la liberté d’utiliser librement « son » argent semble importante, même si l’argent est théoriquement un bien commun, garanti par les institutions nationales et internationales. Sur cette thématique, rien n’est à ce jour très cristallin. Les contrats intelligents ou smart contracts, dont l’émergence s’est faite par la technologie Ethereum même si un langage de script existe aussi sur Bitcoin, ouvrent la voie à la possibilité de programmer l’argent, de sa création, à son usage, dans le paiement, le financement ou l’investissement.
Ainsi l’usage de l’argent pourrait être conditionné, sous différentes formes, par exemple, pour le meilleur comme pour le pire, par des méthodes uniquement de récompense, en gagnant plus d’argent par des comportements jugés vertueux, ou de manière punitive en perdant de l’argent pour des comportements jugés moins vertueux. Ainsi, les dirigeants peuvent envisager que seuls les bons points monétaires existeraient dans l’économie, ou aussi de mauvais points. Tel un instituteur, la philosophie personnelle du maître de la classe, aurait ainsi un impact sur le fonctionnement de la salle de classe économique, selon la logique du crédit social à la chinoise dont l’approche se développe.
Ces éléments ouvrent la voie à un monde de moralisation de l’économie et pose la question de qui fixerait la morale, une démocratie directe qui fixerait des règles, ou un professeur sage et avisé, qui semble être moins nombreux que ce que nous pourrions attendre, de par la manière dont sont jugés les maîtres de la loi depuis quelques décennies.
Lire aussi : “On s’aperçoit aujourd’hui qu’il n’y a pas autre chose que de l’argent magique”

Au-delà, l’économie programmable et les monnaies intelligentes pourraient permettre par ces logiques, d’équilibrer les gradients, dérèglements, sociaux, environnementaux, ou même économiques ou financiers que nos sociétés peuvent connaître, mais par des récompenses uniquement ou des punitions de même, et dans l’intérêt de qui et de quoi. Les notions de monnaies vertes peuvent être séduisantes, les notions de monnaies sociales, locales intelligentes de même.
À noter, que ces intelligences monétaires pourraient respecter la vie privée par l’utilisation des technologies ZKP (Zero Knowledge Proof) qui permettraient de créer de l’intelligence, sans avoir accès directement aux informations des individus. Dans un monde où selon certains initiés, 70% de l’argent mondial se trouve dans les paradis fiscaux, 20% dans les banques, et 10% dans l’économie, l’argent intelligent souverain et extraterritorial pour la fiscalité pourrait ouvrir des portes efficaces pour les équilibres de nos sociétés. Dans ce cadre, distinguer l’argent du particulier dit retail et celui du Business international dit Wholesale, pourrait ne pas être un sujet d’équité et une solution d’équilibre.
Il est possible de même au travers des monnaies dites intelligentes, d’envisager de créer un monde économique dont le but ne soit pas uniquement de créer du PIB commerciale et du profit, mais un monde où il serait peut-être possible de gagner de l’argent en créant du lien social, de la valeur humaine, du bonheur, de la valeur environnementale, voir même de la décroissance intelligente, et pourquoi pas de gagner de l’argent à en donner ou à en perdre. Avec le risque afférent qui peut apparaître de monétiser, commercialiser, ce qui reste encore protégé des logiques d’homo-economicus.
Lire aussi : Qui sont les utilisateurs de cryptomonnaies dans le monde ?

Au travers de ces notions de digitalisation de la monnaie, s’ouvre le spectre d’un monde économique, où liberté et équité, pourraient s’inscrire, comme le total opposé. Liberté de l’individu ou du Business international, discrétion pour l’individu ou le Business international, intelligence économique pour l’individu ou pour le Business international, et au bénéfice de l’individu, du bien commun, ou d’une minorité présument éclairée, et par qui ou quoi.
Derrière ces philosophies de « Great Reset » se cachent un défi individuel, collectif, démocratique extrêmement fort pour nos sociétés, avec au bout la possibilité de construire le meilleur comme le pire. À chacun de construire peut-être son monde idéal économique désormais, et de tenter de défendre ses visions, au risque que d’autres construisent le monde pour nous.
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