« Mot : nom masculin ». C’est ce que dit le Petit Robert. Mais comme un pied de nez aux dictionnaires, et aux règles élémentaires de la grammaire, le féminin semble l’avoir emporté sur tout le reste (à part peut-être Johnny) dans le vocabulaire de cette année 2017 qui s’achève, marquée par la dénonciation mondiale du harcèlement, des violeurs et du sexisme.
La preuve? Aux Etats-Unis, le plus important dictionnaire américain, Merriam-Webster, a élu mi-décembre « féminisme » comme mot de l’année 2017. En France, #BalanceTonPorc, lancé par les femmes à travers les réseaux sociaux comme un pavé sur le boulevard du débat public, est aussi l’expression de l’année, à égalité avec la « transformation » de la vie politique, pour la linguiste Jeanne Bordeau.
Pour la dixième année consécutive, cette « styliste en langage », dont le bureau d’études conseille une trentaine de grandes entreprises françaises, a passé au crible un an de titres, de unes, d’articles de presse. Elle en tire une série de tableaux de mots abstraits, autant de portraits sensibles et linguistiques de l’époque*. Pour la cinquième année, sur la base de son recensement, et du regard sagace de la sémiologue Mariette Darrigrand, nous vous proposons à notre tour un florilège des mots de 2017. Féminins donc, mais aussi diablement politiques, année présidentielle oblige.
Comme en 2016, le suffixe « -isme » a bercé l’année écoulée, « le signe qu’on est entré dans une époque non idéologique et plus pragmatique, relève la sémiologue Mariette Darrigrand. Le terme «-isme» est un cadre à l’intérieur duquel on peut se placer et travailler, plus qu’il ne définit une manière de penser ». Ainsi parle-t-on de « trumpisme » à propos du président américain, mais aussi du « jusqu’au-boutisme » de François Fillon, du « dégagisme » (mot inventé par Jean-Luc Mélenchon) et de l’alambiqué « en-même-temps-tisme » créé par le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer.
Mais, plus qu’ « en même temps », considéré par les observateurs comme un « gimmick de campagne » d’Emmanuel Macron, ou les sympathiques mots vintage comme la « poudre de perlimpinpin » lancée à Marine Le Pen pendant le débat de l’entre-deux-tours, c’est le terme « en marche », et avec lui la notion de « transformation » de la vie politique, qui signe cette « année politique décisive », selon Jeanne Bordeau. « Renouveau » est d’ailleurs le mot de l’année, choisi par le public lors du 13e Festival du mot de La Charité-sur-Loire. Cette sémantique du mouvement (le préfixe « trans- » signifie « traverser ») est « habile de la part d’un président très attentif aux mots, qui se pose en stimulateur, relève Mariette Darrigrand. Il fait rimer France et chance, alors que ses prédécesseurs se posaient en guérisseurs, en associant France à souffrance ».
Beaucoup plus violent que le # MeToo américain, choisi comme slogan des femmes anglo-saxonnes pour dénoncer les violences et le sexisme dont elles font l’objet, le mot clé #BalanceTonPorc, créé par une journaliste française installée outre-Atlantique, a servi de cri de ralliement aux femmes en France. Un choix « dans la tradition gouailleuse de la rue française, une éruption volcanique », estime Mariette Darrigrand. Il rend mots pour maux. « C’est une réponse forte à un droit de cuissage qu’on pensait cantonné au Moyen Age, ajoute Jeanne Bordeau, dont les tableaux de mots font apparaître chaque année depuis dix ans le terme « harcèlement ». Il y avait depuis longtemps une colère contenue sur ce sujet, qui était dite mais pas entendue, insiste-t-elle. On est aujourd’hui à une heure de vérité. »
Ce moment de dévoilement a aussi mis sur le devant de la scène, notamment avec l’affaire Weinstein, le mot « viol » à l’étymologie étonnante. « Initialement, en français, le violeur était le joueur de viole, l’agresseur sexuel était qualifié de violateur, ce qui inclut une notion de profanation du corps qui s’est ensuite perdue », explique Mariette Darrigrand. Le mot dans son sens actuel a pour racine « vis », une locution latine qui réfère à « l’énergie vitale ». C’est elle aussi qui sert de base au mot… « virilité ». Celui-ci, dans l’Antiquité, pouvait s’appliquer aux hommes comme aux femmes, indistinctement, comme une qualité de force et de vivacité.
Déjà datés, les « robots »! La « transformation » à l’oeuvre dans la société a franchi un nouveau cap : les mots de l’année sont pleins d’ « intelligence artificielle », de « bitcoins », cette « crypto-monnaie » virtuelle, et tout est « tech » : l’école (« EdTech »), la loi (« LegalTech ») et jusqu’au contenu de notre assiette, « ubérisée » à son tour par un mode de vie imprégné de technologie. « Mais le champ lexical de la nourriture, en parallèle, n’a jamais été aussi présent que cette année, comme si on se raccrochait à la dernière chose non virtuelle concrète, qui est ce qu’on met dans la bouche et qui remplit l’estomac », avance Jeanne Bordeau.
Terme d’origine anglo-saxonne, « végane », jusqu’ici cantonné aux tables des branchés, est arrivé dans la rue et les boulangeries. De plus en plus de « millennials » — cette génération des années 2000 — commandent leurs repas sur l’appli Frichti, étonnant choix pour un concept tendance… qui doit son étymologie à l’alsacien et un dérivé de l’allemand « Frühstück » (« petit déjeuner »). « Les racines linguistiques d’Europe du Nord sont aussi présentes à travers un autre mot de l’année : forêt », relève Mariette Darrigrand. Dopé par le succès de librairie « la Vie secrète des arbres », de l’Allemand Peter Wohlleben, le vocable de la nature se taille aussi sa part… mais il est menacé par les incendies, les ouragans et les scandales sanitaires. « Glyphosate », cet herbicide toxique dont l’Europe ne parvient pas à se passer, a remplacé les « perturbateurs endocriniens » de 2016 au panthéon des mots de l’année qui font peur pour l’avenir.
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