Le 20 août, la Grèce est sortie de la surveillance économique renforcée de la Commission européenne. Pourtant, sa dette et ses faiblesses structurelles continuent d’hypothéquer son développement.
Le 10 septembre, à 20 heures, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle démocratie, ND, droite conservatrice) a prononcé le discours d’ouverture de la Foire internationale de Thessalonique. En Grèce, c’est une tradition que le chef de l’exécutif s’exprime à ce grand raout économique qui marque également la rentrée politique.
Mais cette année, les perspectives tracées n’auront pas été validées au préalable par Bruxelles. Le 20 août, la Grèce est en effet sortie de la surveillance économique renforcée de la Commission européenne. Ce fut « un jour historique pour la Grèce et tous les Grecs » après un « cycle de douze ans qui a fait souffrir les citoyens », a alors salué le Premier ministre à la télévision. Bro…
Le 10 septembre, à 20 heures, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle démocratie, ND, droite conservatrice) a prononcé le discours d’ouverture de la Foire internationale de Thessalonique. En Grèce, c’est une tradition que le chef de l’exécutif s’exprime à ce grand raout économique qui marque également la rentrée politique.
Mais cette année, les perspectives tracées n’auront pas été validées au préalable par Bruxelles. Le 20 août, la Grèce est en effet sortie de la surveillance économique renforcée de la Commission européenne. Ce fut « un jour historique pour la Grèce et tous les Grecs » après un « cycle de douze ans qui a fait souffrir les citoyens », a alors salué le Premier ministre à la télévision. Brossant le tableau d’un pays en pleine croissance, il a affirmé que « la Grèce d’aujourd’hui est différente ».

Troïka et austérité

Il faut remonter le temps pour comprendre ce satisfecit. Fin 2009, le Premier ministre Giorgos Papandreou, leader du Pasok (social-démocrate) dévoile la réalité des comptes publics grecs hérités de son prédécesseur Kostas Karamanlis (ND). Le déficit public (12,7 % du PIB) et la dette publique (133 % du PIB) sont hors des critères de convergence européens. La spéculation bancaire débridée qui s’abat sur le pays le pousse au bord du défaut de paiement.
Athènes fait appel à trois institutions, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne, et signe avec cette troïka un mémorandum, un accord de prêt en échange de réformes à appliquer. Deux autres suivront. Au total, trois plans de sauvetage de 289 milliards d’euros ont été mis en place par les créanciers.
Pour améliorer les finances publiques, ils imposent toute une série de mesures d’austérité : diminution des retraites, des salaires et des minima sociaux, augmentation des impôts, gel des embauches dans le secteur public, réduction des budgets de l’administration, des hôpitaux et de l’enseignement, privatisations, etc. En 2012, le salaire minimum est fixé, pour un emploi à taux plein, à 486 euros pour les moins de 25 ans et à 520 euros pour les autres. Les conventions collectives sont supprimées. Le port du Pirée est concédé au géant chinois Cosco, le rail grec est racheté par l’entreprise publique Ferrovie dello Stato Italiane…
« Les mémorandums ont fait entrer la gouvernance privée dans l’Etat », retrace Filippa Chatzistavrou, professeure assistante de science politique à l’université d’Athènes. « La Grèce est devenue le prototype d’une gestion privée des biens publics. Pis, elle continue de céder des grands ports, des chantiers navals, l’eau, etc., elle n’a plus la main sur ses ressources naturelles. »

Une réforme des retraites brutale

Loin de se redresser, l’économie s’effondre : entre 2009 et 2015, le PIB chute d’un quart, passant de 237,5 milliards d’euros à 176 milliards d’euros, et jusqu’en 2017, il continue de chuter (174,4 milliards d’euros) !
Résultat, la base productive, déjà faible avant la crise, s’effrite. Le chômage explose pour atteindre 27 % en 2013. La pauvreté frappe un tiers de la population. A bout, les Grecs multiplient les manifestations et élisent, en janvier 2015, le parti Syriza, issu de la gauche radicale et mené par Alexis Tsipras.
Mais l’UE, notamment le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, n’entend pas céder à son discours rejetant l’austérité. Le gouvernement est poussé à signer, à son tour, un mémorandum en 2015, pour une durée de trois ans. Athènes doit s’engager à dégager un excédent budgétaire primaire (hors remboursement des intérêts de la dette) de 3,5 % du PIB jusqu’en 2022, puis de 2,2 % jusqu’en 2060. Les créanciers lui demandent notamment d’appliquer une réforme des retraites brutale. Le montant de la pension minimum est désormais fixé à 380 euros.
« L’objectif était de faire baisser le poids des retraites dans le PIB qui, selon l’OCDE, aurait pesé près de 20 % en 2040 », rappelle Savas Robolis, professeur émérite à l’université Panteion d’Athènes et spécialiste de la Sécurité sociale. Après réforme, ce ratio sera de moins de 15 % dans les prochaines décennies, selon les calculs d’Eurostat. Cet objectif est atteint au prix d’un appauvrissement des retraités grecs.

Faiblesses structurelles

Après 2018, la Grèce reste sous la surveillance renforcée de la Commission. Bien que le gouvernement d’Alexis Tsipras réintroduise les conventions collectives et fait passer le Smic à 650 euros, il perd les élections régionales et européennes de 2019. Ironie du sort, quelques semaines plus tard en juillet, Kyriakos Mitsotakis remporte les législatives en promettant d’appliquer, sur le plan économique, un programme libéral, qui correspond pleinement aux politiques voulues par Bruxelles.
Après avoir remboursé en avril dernier, avec quelques mois d’avance, les échéances de dette au FMI, Athènes est désormais sorti de la surveillance renforcée de la Commission européenne.
« Les autorités grecques sont manifestement déterminées à poursuivre les réformes », observe Chris Allen, conseiller économique résident de la Direction générale des Affaires économiques et financières (DG ECFIN) de la Commission. « Nous allons maintenant les suivre dans le cadre de la surveillance standard post-programme qui est déjà appliquée à d’autres pays comme le Portugal et Chypre. »
D’autant que la Grèce doit continuer à rembourser des prêts contractés dans le cadre des mémorandums jusqu’en 2059.
« En réalité, cette sortie de la surveillance renforcée est purement normative. Le poids de la dette grecque reste extrêmement important, qu’il s’agisse de la dette publique ou de la dette privée », souligne Filippa Chatzistavrou.
Les chiffres donnent en effet le vertige. La dette publique a explosé : elle a atteint un pic à 206,3 % du PIB en 2020 avant de retomber à 193,3 % en 2021. La dette privée a également grimpé à 200 % du PIB, contre 174 % en 2019. Le déficit public a d’abord atteint un pic en 2013, à 13,4 %, avant de s’améliorer progressivement jusqu’en 2019 où la Grèce dégageait un excédent de 1,1 %.
Mais la pandémie a révélé la fragilité de son économie. Elle a renoué avec un déficit de 7,3 % en 2020 et 2,9 % en 2021. Son PIB reste inférieur de plus de 15 % à celui de 2008, fortement dépendant du tourisme qui en représente le quart.

Inflation galopante

Malgré tout, la Commission européenne voit, « dans l’ensemble, des raisons d’être assez optimiste quant aux perspectives de croissance future, maintenant que l’impact des réformes précédentes commence à se faire sentir, avance Chris Allen. Les atouts économiques du pays ne se limitent pas au tourisme, à la logistique et à l’agriculture. La Grèce dispose également d’une main-d’œuvre hautement qualifiée dans les domaines de l’informatique, de l’ingénierie et de la médecine, et d’une culture de start-up de plus en plus forte. »
Dans le même ordre d’esprit, le chef économiste du Premier ministre grec, Alexis Patelis, se félicite qu’entre 2010 et 2022, les exportations aient doublé, passant de 20 % à 41 % du PIB. Il souligne également que le chômage baisse, s’affichant désormais à 11,4 %.
Reste qu’avec une inflation galopante, les faiblesses structurelles de la Grèce ressortent. La hausse des prix a été l’une des plus élevées de l’UE. Selon les calculs du professeur Savas Robolis, du 1er janvier au 31 août, le taux d’inflation moyen est de 8,1 %. Il a même atteint un pic à 12,1 % en juin, selon Elstat.
Ces évolutions inquiètent cet universitaire qui pointe « la réduction du pouvoir d’achat des revenus des ménages et des entreprises, notamment des petites et moyennes, avec une augmentation significative des coûts de production », alors que ces catégories ont subi les politiques d’austérité.
Or, poursuit-il, l’augmentation du salaire minimum que le gouvernement vient de faire passer ne compense absolument la hausse des prix. Pour lui, « cet appauvrissement des foyers aux revenus les plus faibles fragilise la cohésion sociale ».
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