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ISTANBUL : Gulfer Ulas est désespérée. Avec la chute de la monnaie, la doctorante peine à s’offrir les ouvrages nécessaires à sa thèse et plus encore les romans qu’elle adore. En Turquie, les livres deviennent un luxe.
Le secteur de l’édition, très dépendant des importations de papier, est frappé de plein fouet par la crise monétaire. Au risque de faire taire certaines des voix encore dissonantes du pays.
La livre a perdu un quart de sa valeur face au dollar sur l’année – avec un gouffre encore plus éprouvant de moins 58% mi-décembre – et l’inflation annuelle dépasse 21%: un sérieux coup porté au pouvoir d’achat des Turcs les plus modestes.
“Le prix des livres explose. J’étudie les relations internationales et je dépense près de 1.000 livres turques par mois en bouquins” (environ 75 euros, soit un tiers du salaire minimum turc), confie Gulfer Ulas, rencontrée dans une librairie populaire du centre d’Istanbul.
“Lire des romans est une de mes passions”, poursuit la trentenaire, un ouvrage de l’écrivain allemand Thomas Mann en main. Mais ce loisir a atteint un coût exorbitant: “La première édition de ce livre coûtait 33 livres. Désormais, il est à près de 70 livres”.
“Avant, j’aimais acheter les livres en plusieurs exemplaires pour les offrir à mes amis. Mais c’est devenu trop cher”, regrette de son côté Ibrahim Ozcay. “Ils disent que c’est à cause des pénuries de papier. Ca ne me surprend pas, en Turquie tout est importé désormais.”
En l’espace d’un an, “le prix du papier est passé de 700-800 dollars à 1.500 dollars” la tonne, une hausse subite qui se répercute chez les libraires, explique à l’AFP Haluk Hepkon, propriétaire de la maison d’édition Kirmizi Kedi.
« Toucher le fond »
“Imaginons que vous publiiez un livre qui coûte 30 livres. S’il se vend bien et qu’il est réédité une semaine plus tard, le prix montera à 35 livres. Et Dieu seul sait combien il coûtera après une troisième ou quatrième réimpression”, poursuit l’éditeur.
“Au final, les gens seront obligés de se concentrer sur l’essentiel et de laisser tomber les livres”, craint M. Hepkon, pour qui le secteur de l’édition risque de “toucher le fond” dans un pays où les ventes sont traditionnellement faibles.
Autre conséquence possible: les éditeurs, en difficultés financières, pourraient décider de publier moins.
Certaines maisons d’édition turques ont déjà présenté des excuses à leurs lecteurs pour ne pas avoir imprimé certains livres récents en raison des coûts d’impression trop élevés.
La Turquie importe pour quelque 3 milliards de dollars de papier par an, selon une étude menée en 2018 par la Chambre de commerce d’Istanbul.
Le prix de la pâte à papier a augmenté partout dans le monde, mais la situation est particulièrement difficile en Turquie depuis la privatisation puis le démantèlement du principal groupe de papeteries du pays (SEKA) à partir des années 2000, affirme Kenan Kocaturk, président de l’Association des éditeurs turcs.
Pour lui, “la Turquie paie aujourd’hui de ne pas avoir vu le papier comme un bien stratégique”.
“Les papeteries turques ont été vendues, seules deux d’entre elles continuent de produire. Dans les autres, les machines ont été cédées au prix de la ferraille et les terrains vendus”, ajoute M. Kocaturk.
“La crise de la livre touche l’ensemble des secteurs… Malheureusement, la Turquie a échoué depuis de longues années à produire davantage de matières premières et de biens intermédiaires”, explique à l’AFP l’économiste Murat Sagman.
Pour Rober Koptas, de la maison d’édition stambouliote Aras, le secteur du livre va forcément souffrir de la crise quand certains Turcs peinent à s’offrir leur repas quotidien.
“Beaucoup de maisons d’édition arrêtent ou réduisent l’impression de livres… Les gens qui travaillent dans le secteur, ouvriers, typographistes, employés de bureaux, éditeurs ou traducteurs vont en subir les conséquences financières”, prédit-il.
Or, fait valoir Rober Koptas, les éditeurs incarnent une forme de “résistance” en Turquie, où “la quasi-totalité de la presse parle d’une même voix et [où] les universités ont été réduites au silence”.
“Chaque maison d’édition donne voix à la diversité intellectuelle du pays”, insiste-t-il, craignant que leur affaiblissement “accentue le déclin culturel”.
Pour Haluk Hepkon, “le secteur de la culture est aussi important que l’alimentation”. “Voire plus, car il faut éduquer les gens pour qu’ils puissent résoudre les problèmes économiques.”
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PARIS: L’annonce est tombée hier, en début d’après-midi, à Paris. Sabyl Ghoussoub figure parmi les quinze heureux élus de la première sélection du Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français, pour son roman Beyrouth-sur-Seine (aux éditions Stock), en librairie depuis le 24 août.
Le jeune auteur franco-libanais, «né à Beyrouth dans une rue de Paris», comme il l’écrit dans les dernières pages de son roman, a appris la nouvelle par un coup de fil de son éditrice alors qu’il déjeunait chez un ami, celui qui lui a donné «envie d’écrire dans la vie». Une consécration pour un écrivain touche-à-tout, photographe ou commissaire d’exposition à ses heures perdues, déjà récompensé par la mention spéciale du prix France-Liban 2020 pour son deuxième roman, Beyrouth entre parenthèses.
«C’était une magnifique surprise, car je ne m’y attendais pas du tout», explique-t-il dans un entretien avec Arab News en français, depuis son appartement parisien le lendemain. «J’ai alors appelé mes proches, ma mère qui est au Liban, puis mon père, et enfin ma compagne.»
Ses parents sont les héros de son troisième roman, qui vient clôturer, après Le Nez juif (2018, éditions de l’Antilope) et Beyrouth entre parenthèses (2020, éditions de l’Antilope), un cycle consacré au Liban et à son obsession pour le pays du Cèdre, dans un style toujours vif et empreint d’ironie. Dans Beyrouth-sur-Seine, il revient en effet sur l’histoire de ses parents, exilés à Paris depuis la guerre civile de 1975, et qui ont recréé Beyrouth à la maison, dans leur appartement du XVe arrondissement.
«Je ne sais pas ce qui a plu aux jurés», répond Sabyl Ghoussoub à la question d’Arab News en français, «peut-être la sincérité du livre ou le fait de mêler deux histoires, celle de Paris et de Beyrouth, de mêler les époques aussi, celle de la guerre et celle d’aujourd’hui. Probablement aussi les personnages, ces parents atypiques. On a l’impression de redécouvrir la ville un peu autrement, à travers leur regard, leur histoire.»
Leur histoire obsède ainsi Sabyl Ghoussoub, et depuis longtemps. Celle de ces déracinés, ballottés par les affres de la guerre, qui se recréent un monde tant bien que mal, loin de chez eux. «C’est un livre, la tête dans les archives, autant personnelles qu’historiques», explique le jeune homme. «Il y a une part de vrai dans le sens où j’ai interrogé mes parents pendant des heures, ils m’ont raconté leur parcours, j’ai fouillé dans leurs archives et leur correspondance, mais après, je me suis permis de travestir la réalité pour écrire cette histoire et adapter les personnages à des réalités parisiennes et libanaises que je voulais raconter.»
Et aux yeux de l’auteur, «ce livre, la tête dans les archives, devient plus fort que la réalité, puisqu’on devient les personnages qu’on décrit dans le livre». À travers l’histoire de ses parents, il écrit un hommage à toutes les victimes anonymes de la guerre, «à tous ceux qui ont subi cette guerre et qui n’ont pas fait la une des journaux».
«Mon père est un homme seul, dans ce que la solitude a de plus grand», écrit-il ainsi à la fin du roman. «Je l’admire, mon père. Un jour, je deviendrai muet comme lui.»
Le prochain livre sera moins personnel, moins lié aux histoires de famille, assure le jeune écrivain, qui aspire à la fin de Beyrouth-sur-Seine à devenir un «Libanais international» puisque «le Libanais casanier n’a, ni n’aura aucune valeur dans le monde», en paraphrasant les termes du peintre Dali à propos des Catalans.
En attendant, il a hâte de défendre son Beyrouth-sur-Seine devant des assemblées de lycéens le mois prochain. Ceux-ci attribueront également leur Goncourt des lycéens, peu après que leurs aînés du Goncourt dévoileront le nom de celui ou celle qui succédera à Mohamed Mbougar Sarr, récompensé l’an dernier pour La Plus Secrète Mémoire des hommes, en novembre. Avant cela, une deuxième sélection de huit romans sera annoncée le mardi 4 octobre. Les quatre finalistes du prix seront connus le mardi 25 octobre, à Beyrouth. Sabyl Ghoussoub y sera d’ailleurs, pour présenter son livre dans le cadre du festival littéraire Beyrouth Livres, organisé par l’Institut français du Liban.
Et puis au-delà du Goncourt, Sabyl Ghoussoub aimerait voir Beyrouth-sur-Seine et son premier roman, Le Nez juif, adaptés à l’écran.
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PARIS: Dans l’un des quartiers les plus chics de Paris, les conversations feutrées s’arrosent au champagne pour les invités d’un vernissage estival. En arrière-plan, des oeuvres contemporaines africaines. La capitale française, longtemps à la traîne derrière Londres et New York, devient une place forte de l’art d’Afrique.
Le Béninois Dimitri Fagbohoun, élevé au Cameroun mais depuis des années dans l’Hexagone, est l’un des six artistes exposés. L’une de ses installations, neuf masques noirs entourant un coeur rouge hérissé de pics, domine l’assistance.
Il est “indéniable” que “de plus en plus d’artistes africains” sont présents “en France et dans les galeries parisiennes”, affirme-t-il quelques semaines plus tard, interrogé par l’AFP dans son atelier situé près de Paris.
“Il faudrait être aveugle pour ne pas le constater”, poursuit l’artiste, tout en retravaillant des agrandissements de photos prises durant la présence coloniale française. Derrière lui, des statues africaines traditionnelles qu’il a fortement relookées semblent le contempler.
“Il y a un boom de la scène africaine à Paris”, opine Marc-Antoine Fortuné, ex-footballeur français devenu collectionneur d’art, rencontré au vernissage.
La Galerie Cécile Fakhoury, où se tenait l’évènement, est située à quelques minutes à peine des Champs-Elysées et du “triangle d’or”, où le luxe se vend et s’exhibe dans la capitale, pointe-t-il. Une autre structure consacrée à l’art noir et africain s’est récemment installée à proximité.
“Ce quartier devient un quartier important pour l’art contemporain africain”, affirme l’ancien sportif.
«Pas de géant»
Paris revient de loin par rapport à New York ou Londres, où les diasporas africaines ont misé beaucoup plus tôt sur les artistes de leurs pays d’origine, expliquent des experts à l’AFP.
Si la capitale française a accueilli plusieurs expositions majeures d’art contemporain africain depuis 2000, leur programmation trop irrégulière, liée à une certaine frilosité hexagonale, ont nui à l’enracinement de la discipline, poursuivent-ils.
“Ça a été un combat de survivre jusqu’à ce que la mayonnaise prenne”, se souvient la Française d’origine camerounaise Carole Onambélé Kvasnevski, qui a ouvert sa galerie à Paris en 2010. A ce moment là, “on me disait : +Il n’y a pas de marché pour ça, pas de clients, pas de collectionneurs+.”
Cécile Fakhoury, une Française ayant créé une importante structure il y a dix ans en Côte d’Ivoire, puis une seconde il y a quatre ans au Sénégal, avant de s’établir l’an passé à Paris, raconte les “pas de géant” d’un secteur qui “partait de pas grand chose”.
L’art africain est “bouillonnant, passionnant, les choses s’organisent petit à petit. La prise de conscience se fait”, s’enthousiasme-t-elle.
“Le regard a été transformé” sur les artistes africains, autrefois victimes de “condescendance” et de “clichés”, leur art n’étant souvent perçu que comme “traditionnel”, opine son directeur parisien, Francis Cordaboeuf.
Désormais ils parlent “d’égal à égal avec des créateurs américains, européens, asiatiques”, se réjouit-il.
D’autant que l’art se structure et prend de l’ampleur sur le continent africain. Lagos, Kinshasa ou Dakar ont leur Biennale, Le Cap ou Marrakech leur foire. Les galeries bourgeonnent partout. Grâce à internet, de nombreux artistes ont fait leur réputation en ligne.
Dès que l’un d’entre eux “bat des records aux enchères ou est présenté dans un grand musée, on détruit un peu plus ce plafond de verre”, se réjouit M. Cordaboeuf.
Rapatriement post-Brexit
A Paris, les choses se sont aussi accélérées grâce au Brexit.
Lorsque le Royaume-Uni a choisi de sortir de l’Union européenne, “il y a eu un rapatriement des activités à Paris”, souligne la galeriste Carole Onambélé Kvasnevski, la France étant restée dans le marché commun, alors que faire des affaires depuis Londres requiert désormais de pesantes démarches, dit-elle.
“Toutes les plus grandes galeries ont ouvert des branches à Paris si elles n’en avaient pas déjà. C’est Paris qui brille !”, affirme Victoria Mann, la fondatrice d’AKAA (“Also known as Africa” – Egalement connu comme l’Afrique, NDLR), une foire dédiée à l’art contemporain africain qu’elle organise depuis 2016.
Dans ce nouvel environnement, “le marché de l’art consacré aux scènes d’Afrique s’est engouffré dans la brèche”, poursuit-elle.
Plusieurs structures dédiées ont ouvert. De nombreuses autres, plus généralistes, représentent désormais des artistes africains.
“Paris, c’est une très belle ville, c’est une ville qui sait accueillir” … les acheteurs, observe le sculpteur Dimitri Fagbohoun. Mais pour les artistes, les ateliers se font rares et les refus de visas par les autorités françaises touchent même des créateurs reconnus, grince-t-il.
Entre des Africains qui monnayent mieux leurs créations et une France devenue plus compétitive à la faveur du Brexit, l’avènement de l’art africain dans la capitale française répond donc, selon lui, à des contingences “qui dépassent l’art”. “Tout simplement” mercantiles : “L’argent se déplace et on suit l’argent”.
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DUBAÏ: La deuxième édition du concours de beauté Miss Univers Bahreïn doit démarrer aujourd’hui avec cinq jours consécutifs d’épisodes en ligne. La gagnante sera couronnée lors de l’épisode final, le 11 septembre.
Le premier épisode, lancé aujourd’hui à 17h, heure de Riyad, présentera aux téléspectateurs les prétendantes au titre de reine de beauté. La nouvelle édition proposera des «activités passionnantes et intéressantes» qui permettront aux téléspectateurs d’en savoir plus sur les candidates qui ont suivi un programme de mentorat rigoureux.
Depuis l’ouverture de l’appel à candidatures en juin 2022, l’organisation a reçu plus de 300 candidates en ligne. Il ne reste que sept candidates, qui vont maintenant concourir en tant que finalistes officielles du concours de cette année.
«Miss Univers Bahreïn 2022 est de retour. Nous sommes à la recherche d’une personne qui représente au mieux la femme bahreïnie moderne: elle sait dire ce qu’elle pense, sait ce en quoi elle croit et a conscience qu’elle est magnifiquement confiante», a déclaré Josh Yugen, président et directeur national de l’organisation, dans un communiqué publié lors de la première annonce de l’événement. M. Yugen a indiqué que le principal objectif du concours était de «redéfinir les normes de beauté et les stéréotypes qui y sont associés».
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La mannequin Manar Jess Deyani a été couronnée lors de la première édition de Miss Univers Bahreïn, qui s’est déroulée l’année dernière. La jeune femme est entrée dans l’histoire en devenant la candidate la plus petite de l’histoire du concours de Miss Univers, avec une taille de 154,9 cm. Elle a également fait parler d’elle lorsqu’elle a choisi de ne pas porter un maillot de bain traditionnel lors de l’épreuve préliminaire de l’émission, recevant ainsi beaucoup de soutien et de reconnaissance de la part des femmes et de la communauté qu’elle représente.
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«Pour moi, l’essence même de ce spectacle est la célébration de l’individualité et de la liberté de choix, notamment en ce qui concerne les habits. J’ai eu la chance de vivre l’expérience du concours Miss Univers l’année dernière et je suis très reconnaissante à toute l’équipe parce qu’elle a été très sensible et consciente de la culture et de la représentation. Donc, quand j’ai participé au concours, ils m’ont donné la possibilité de porter un burkini pendant la compétition de maillots de bain, ce qui, pour moi, est très valorisant car beaucoup de femmes peuvent comprendre mon choix et le message que j’ai fait passer au moment où je suis sortie de scène», raconte Deyani.
Par ailleurs, le concours Miss Univers de cette année est reporté au début de l’année prochaine, a confirmé une source à Arab News. Bien qu’aucune raison n’ait été donnée pour ce report, il est probable que deux concours Miss Univers soient organisés l’année prochaine, et la gagnante de 2023 sera couronnée plus tard dans l’année.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com