Le 1er janvier 2002 sonnait l’arrivée de la monnaie unique européenne sonnante et trébuchante dans le porte-monnaie des consommateurs. Le franc circulera encore jusqu’au 18 février suivant, date à laquelle il n’aura plus cours légal sur le territoire français et cédera définitivement sa place à la nouvelle monnaie européenne. La fin d’une très, très longue histoire de 700 ans, résumée en huit dates
Le premier franc français, le franc à cheval, est créé à Compiègne par l’ordonnance royale du 5 décembre 1360 de Jean II Le Bon (1350-1364). Il s’agit d’un denier d’o (3,885 grammes de 24 carats) représentant le souverain à cheval, en chevalier chargeant comme pour aller au combat. La pièce a été frappée pour payer la rançon du roi, prisonnier du roi d’Angleterre Édouard III après la défaite de Poitiers le 19 septembre 1356.
Jusqu’à la Révolution, plusieurs ordonnances vont instituer de nouvelles pièces. Après la mort de Jean II le Bon, son fils, Charles V, crée en 1365 le « franc à pied », le représentant debout l’épée à la main. Charles VII créera en 1422, un « franc à cheval » de 3,059 grammes, dernière pièce d’or effectivement battue à s’appeler « franc ». Par une ordonnance du 31 mai 1575, Henri III crée le « franc d’argent » (1575-1586 puis 1591-1594). Le bon roi Henri IV fit également frapper des quarts de francs et des demi-francs, à son effigie, comme tous ses prédécesseurs en avait pris l’habitude.
Diverses monnaies françaises et étrangères circulent en France lorsque Louis XIII (1610-1643) décide de réformer le système monétaire en 1640. Grâce à l’afflux de l’or espagnol (le pistol) et au décri des espèces anciennes, le roi peut frapper une belle pièce d’or à laquelle il donne son prénom : le louis d’or. Le louis d’argent qui en découle est appelé « écu ». À partir de 1656, ce système homogène est complété par la monnaie de cuivre appelée « liard » (3 deniers tournois), les doubles deniers et deniers de cuivre n’étant plus frappés. Ce système perdure globalement jusqu’à la Révolution.
Après la Révolution de 1789 qui a mis à bas la monarchie de l’Ancien régime et le louis de Louis XVI, la loi du 15 août 1795 affirme que « l’unité monétaire porterait désormais le nom de franc. […] Le titre de la monnaie d’argent sera de 9 parties de ce métal pur et d’une partie d’alliage ; la pièce d’un franc sera à la taille de 5 grammes. » C’est la date de naissance du franc « moderne ».
Deux ans auparavant, la Convention avait imposé le système décimal à l’ensemble de la France le 1er août 1793, et décrété le 24 août que « la livre numéraire sera [it] divisée en dix parties appelées décimes [et que] le décime sera [it] divisé en dix parties appelées centimes ».
Sous le Consulat, pas moins de sept textes législatifs sur la monnaie seront discutés, votés et promulgués entre le 18 ventôse (9 mars 1803) et le 5 messidor (24 juin 1803). Mais c’est la loi du 7 germinal an XI (28 mars 1803) qui crée le franc germinal, qui apparaît comme la plus importante, même si, finalement, elle ne fait que confirmer les dispositions prises par la loi du 15 août 1795. Elle met fin à la situation monétaire anarchique du Directoire : remise en circulation de pièces de monnaies n’ayant plus cours, contrefaçon, mais aussi libre circulation de monnaies étrangères (shillings, monnaies du Piémont, de Suisse), excès de la monnaie de cuivre toujours en circulation.
Sous le Consulat et l’Empire, la France introduit le bimétallisme, définissant des pièces d’argent (un quart de franc, un demi-franc, trois-quarts de franc, un franc, deux francs et cinq francs) et d’or (20 francs et 40 francs), Avec l’établissement d’un poids fixe de métal, la monnaie de compte correspondait totalement à la monnaie réelle.
Pour la première fois depuis plus de dix ans, l’effigie du détenteur du pouvoir apparaît sur les nouvelles pièces de 1 franc, à savoir le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon Ier.
Le franc et la Banque de France ont résisté aux années chaotiques de la chute de l’Empire, puis des régimes monarchiques dans la première moitié du XIXe et, enfin, à la crise économique de 1847. Au XIXe siècle, certains pays européens vont même s’inspirer de la France pour redéfinir leur monnaie et leur système financier : le franc belge est ainsi créé le 5 juin 1832, le franc suisse le 7 mai 1850.
Le 15 mars 1848, le décret qui institue le monopole de la Banque de France pour l’émission des billets de banque de la toute nouvelle IIe République suspend la convertibilité des billets afin d’endiguer la ruée sur le numéraire. La stabilité du système monétaire défini pendant la Convention, établi et consolidé sous le Consulat favorise l’essor économique de la France sous le Second Empire. La défaite de Sedan entraînera la chute du Second Empire mais ne remettra pas en cause le système monétaire de la France.
La stabilité du franc germinal se maintiendra jusqu’en 1914. Mais après la Grande Guerre, affecté par les emprunts de la France à l’étranger et le refus des États-Unis d’éponger les dettes de guerre, le franc germinal perdra 80 % de sa valeur en six ans, de 1918 à 1924. Nommé à la tête du gouvernement en juillet 1926, Raymond Poincaré prend plusieurs mesures financières et budgétaires, qui entérinent la mort du franc germinal en redéfinissant l’unité monétaire au cinquième de sa valeur d’origine, c’est-à-dire en le dévaluant de 80 %. Il met ainsi fin au bimétallisme le 25 juin 1928 en se ralliant à l’étalon-or. Désormais, le franc sera simplement défini par « 65,5 milligrammes d’or fin au titre de 900/1000 de fin ». Le « franc à quatre sous », dit aussi alors « Poincaré », remonte ainsi sur le marché des changes.
Le franc connaîtra plusieurs dévaluations. Entre 1936 et 1940, il perdra près des 2/3 de sa valeur. Revenu au pouvoir en 1958, le général de Gaulle décide de procéder à une nouvelle dévaluation (17,55 %) et annonce la création d’un « franc lourd » qu’il confie à son ministre des Finances, Antoine Pinay, et à l’économiste Jacques Rueff. Le « nouveau franc » est mis en circulation dix-huit mois plus tard : il vaut 100 anciens francs. Représentant la semeuse coiffée du bonnet phrygien, les nouvelles pièces rappellent le franc d’avant 1914. De Gaulle veut en effet que ce nouveau franc – redevenu officiellement le franc en 1963 – soit synonyme de stabilité et de puissance.
Adopté le 10 décembre 1991 et ratifié en France par référendum le 20 septembre 1992, le traité de Maastricht prévoit l’unité monétaire de l’Europe, accompagnée de la mise en circulation d’une nouvelle monnaie commune : l’»euro ». Le franc disparaît officiellement en tant que monnaie nationale le 1er janvier 1999. Les espèces libellées en euro sont mises en circulation au 1er janvier 2002. En France, le 17 février 2002, le symbole monétaire national n’a plus cours légal, seul l’euro est accepté. C’est la fin d’une histoire de 700 ans.

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