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L’économie japonaise tarde à se relever
De notre correspondante à Tokyo
C’est quasiment une certitude : Toyota devrait céder son titre de premier constructeur mondial d’automobiles à l’américain General Motors ou à l’allemand Volkswagen dans les prochaines semaines. Le géant nippon fait les frais d’une année catastrophique, dominée par le séisme et le tsunami. Officiellement, le gouvernement japonais prévoit une contraction de l’économie de 0,1 % pour l’année fiscale 2011 (qui se termine le 31 mars au Japon), mais beaucoup d’économistes estiment qu’elle sera plus importante.
Et le rebond attendu cette année resterait timide, avec, selon les autorités, une progression du PIB de 2,2 %. « On est encore loin d’avoir récupéré les niveaux de production industrielle d’avant le tsunami, affirme Mitsuhiro Fukao, professeur à l’université Keio de Tokyo. Et encore moins, les niveaux d’avant le choc de la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008. » Finalement, les catastrophes naturelles conjuguées à l’accident nucléaire de Fukushima n’auront fait qu’aggraver une économie nippone morose depuis le début des années 1990.
« C’est triste à dire, mais notre PIB nominal est à peu près le même qu’en 1991 », regrette Mitsuhiro Fukao. Malgré des taux d’intérêt proches de zéro décrétés par la banque centrale, l’économie reste minée par la déflation, c’est-à-dire une baisse générale du niveau des prix. Résultat : entreprises et consommateurs ont tendance à attendre que les prix baissent encore plus pour investir et consommer.
De haute lutte, le Japon a pourtant tout fait pour relancer l’économie aussi vite que possible après la crise historique du 11 mars 2011. « Finalement, la chaîne de production n’aura été affectée que pendant trois à cinq mois », se félicite Mitsuhiro Fukao. Mais une série de mauvaises nouvelles ont entravé les efforts des entreprises qui, à peine remises du tsunami, ont souffert des inondations de l’automne en Thaïlande, où sont basées de nombreuses entreprises d’électronique et de l’automobile. Plusieurs usines ont dû fermer pendant des semaines.
Le fabricant d’appareils photo et d’optique Nikon fait partie de ceux qui ont subi une sorte de double peine : après la fermeture temporaire de son usine de Sendai, dans le nord-est du Japon, après le séisme et le tsunami, son usine de Thaïlande a été noyée par les inondations, retardant encore davantage la sortie de ses nouveaux boîtiers. Résultat : la production industrielle s’est contractée de 2,6 % en novembre.
À cela s’ajoute un taux de change extrêmement défavorable aux exportateurs. « Le yen fort affecte énormément la compétitivité des produits japonais à l’exportation en les rendant plus chers, rappelle Akira Kajita, chercheur à l’organisation du commerce extérieur du Japon. Même si l’économie japonaise n’est pas florissante, le yen a le malheur d’apparaître comme une valeur refuge face aux difficultés de la zone euro notamment. C’est pour cela qu’il s’apprécie autant. »
Étranglées par une monnaie surévaluée par rapport au dollar et à l’euro, les entreprises, notamment les constructeurs automobiles, réorganisent leur outil industriel en produisant un peu moins dans l’archipel et un peu plus sur leurs sites étrangers, comme vient de le faire Nissan. Pour éviter les fuites massives d’usines, le gouvernement est intervenu l’an dernier, à plusieurs reprises, sur le marché des changes en vendant massivement du yen. Sans succès pour le moment : la monnaie japonaise vient d’atteindre son plus haut niveau depuis onze ans face à la monnaie européenne.
Mais pour l’économiste Mitsuhiro Fukao, ce sont en fait les incertitudes sur la zone euro qui pourraient donner le coup de grâce à l’économie japonaise. « Si la zone euro éclatait, le choc serait pire que celui provoqué par la faillite de Lehman Brothers, assure-t-il. Car le Japon exporte directement vers l’Europe, mais aussi vers la Chine et vers la Corée, qui, à leur tour, exportent vers l’Europe. »
Pourtant, malgré cette conjoncture maussade, voire déprimée, plusieurs indicateurs montrent que la situation devrait s’améliorer. La troisième puissance économique mondiale a encore des ressorts. Pour reconstruire le pays et relever l’économie, le gouvernement japonais n’a pas hésité à creuser un peu plus une dette déjà abyssale. C’est la plus élevée de la planète, puisqu’elle représente plus de 200 % du PIB, loin devant la Grèce (160 % du PIB) ou encore l’Italie (120 % du PIB).
Mais son montant n’inquiète pas pour autant les investisseurs et les pouvoirs publics n’ont pas de problème de financement, car cette dette est détenue à 95 % par les ménages japonais eux-mêmes. « Le gouvernement a accepté d’injecter 10 trillions de yens (environ 100 milliards d’euros) dans la reconstruction du pays, ce qui représente 2 % du PIB, explique Mitsuhiro Fukao. C’est considérable et les effets devraient se faire sentir lors de la première moitié de 2012. »
Cette manne, qui représente deux fois la somme dépensée pour la reconstruction de Kobé après le séisme de 1995, doit servir à reconstruire les routes, les bâtiments, les ports, mais aussi à encourager l’agriculture et le tourisme. Les compagnies du BTP devraient en être les premiers bénéficiaires. Mais on s’attend à ce que cette injection massive de liquidités ait des retombées positives sur toute l’économie japonaise, même si les ménages devraient conserver leur forte propension à épargner plus qu’ils ne consomment.
Il y a déjà des signes encourageants. Nissan, qui s’est vite remis sur pied après le tsunami, a vendu 19,4 % plus de véhicules en novembre 2011 qu’en novembre 2010. Selon ses dernières prévisions, Toyota compte écouler 8,48 millions de véhicules en 2012, soit 20 % de plus que l’an dernier, et neuf millions en 2013. En prenant en compte les marques Hino et Daihatsu appartenant au groupe Toyota, la barre des dix millions pourrait être franchie dès 2012. Toyota serait alors bien placé pour regagner son titre mondial dès 2013.
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