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C’est l’Autriche-Hongrie qui en déclarant la guerre à la Serbie le 28 juillet 1914 a enclenché le processus menant à la guerre mondiale. Jusqu’à l’été 1918, grâce à l’appui allemand et à l’effondrement russe, le pays tient tant bien que mal. Mais du moins, les peuples restent fidèles à la couronne.
Les Slaves se battent contre les Serbes ou les Russes. De son côté, la Banque nationale a suspendu dès le 4 août 1914 la nécessité de disposer d’une couverture en or pour la couronne. Comme l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, le pays sort donc du système-or.
Dans les derniers jours de juillet 1914, Stefan Zweig qui est en France, s’étonne de ne plus pouvoir changer ses couronnes aussi aisément qu’auparavant. C’est la fin du « monde d’hier. »
Pendant le conflit, la banque centrale austro-hongroise – là aussi comme ses homologues européennes – soutient l’effort de guerre en rachetant au rabais les emprunts d’État et des dettes privées. Elle émet donc du papier- monnaie qui inonde l’Autriche-Hongrie et les pays que son armée occupe : Serbie, Albanie du Nord, Roumanie et Ukraine occidentale. Son bilan passe de 3 à 38 milliards de couronnes au cours de la guerre.
À la fin de l’été 1918, le front cède. L’offensive balkanique des alliés les portent le 7 octobre à Belgrade, à la frontière de l’Empire. Fin octobre, les troupes impériales et royales doivent évacuer la Vénétie après la défaite de Vittorio Veneto. Les peuples de la Double monarchie, notamment les Slaves dont on avait toujours refusé l’autonomie refusent d’être associés à cette défaite. Les premières désertions massives de soldats croates ou tchèques sont signalées en Italie au cours du mois d’octobre.
Des manifestations ont eu lieu à Prague, Zagreb, Cracovie… Dans la panique, l’Empereur et roi Charles 1er, qui a succédé au vieux François-Joseph en 1916, annonce le 17 octobre une fédéralisation de l’Autriche-Hongrie. Trop tard.
Le 25 octobre, des gouvernements provisoires slovènes et croates sont formés, tandis que la Hongrie – excédée par la proposition de fédéralisation – déclare son indépendance. Trois jours plus tard, un État tchécoslovaque est proclamé à Prague. Le 12 novembre, ce qui reste de l’Autriche devient la « République allemande d’Autriche. » L’Autriche-Hongrie n’est plus.
Lorsque Charles 1er abdique, le territoire de son empire et ses 50 millions d’anciens sujets sont désormais divisés en sept États. Trois États sont formés exclusivement d’anciens territoires austro-hongrois. L’Autriche, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. L’Italie et la Roumanie annexent des territoires austro-hongrois, notamment pour les derniers la riche et vaste Transylvanie. La nouvelle Pologne récupère la Galicie et la région de Cracovie.
Enfin, non sans hésitations, Croates, Slovènes et Bosniaques rejoignent le 1er décembre la Serbie pour former un Royaume des « Serbes, Croates et Slovènes » (appelé « Royaume SCS » qui ne deviendra Yougoslavie qu’en 1929).
Mais ce morcellement politique ne signifie pas immédiatement la fin de l’union monétaire. En décembre 1918, la couronne – toujours émise à tour de bras par la banque centrale austro-hongroise à Vienne et Budapest – continue de circuler sur les anciens territoires de l’empire, ainsi que dans de nombreuses anciennes zones d’occupation comme la Serbie.
A priori, si on exclut les cas italiens, la poursuite d’une union monétaire entre ces nouveaux États indépendants était loin d’être inimaginable. L’économiste autrichien Joseph Schumpeter qui fut ministre des Finances de la jeune république de mars à octobre 1919 le souhaitait. Le commerce et les infrastructures des États successeurs avaient été conçus dans un cadre unique.
« L’Autriche-Hongrie avait été un ensemble relativement fermé et il semblait naturel que les États successeurs restaurent rapidement les cadres de leur commerce d’avant-guerre », explique ainsi Michael Spencer et Peter Garber dans un article de 1994 qui reste une référence sur le sujet.
Les divisions politiques n’avaient alors guère de sens sur le plan économique. Dès le 18 novembre 1918, les ambassadeurs des anciens pays se retrouvent régulièrement à Vienne. On peut espérer qu’une collaboration économique puisse pallier à l’éclatement politique alors que ces États manquent de tout.
Pourtant, rapidement, le maintien de l’union monétaire semble impossible. D’abord, parce que les nouveaux Etats, particulièrement les deux États slaves devaient imposer leur souveraineté face aux anciennes « puissances » autrichienne et hongroise. Un geste d’autant plus important que plusieurs de ces pays regroupaient plusieurs nationalités étant à la recherche d’une unité interne.
Dès les premiers jours de l’Etat SCS, l’unité est problématique et le gouvernement dominé par les Serbes va tenter d’imposer une unification « à la française » qui suppose une affirmation complète de la souveraineté nationale face aux autres États de la région.
De façon générale, politiquement, maintenir des liens avec Vienne et Budapest – perçus comme des puissances « coloniales » – est intenable. Les nouveaux États veulent aussi éviter que, dans les discussions de paix à venir, les alliés n’exigent une « solidarité » entre tous les États successeurs de la Double Monarchie. Il faut donc se détacher financièrement des « vaincus » le plus nettement possible.
Mais la raison principale, c’est l’inflation. La politique de guerre de la banque centrale a conduit les prix (officiels) à augmenter de 1200 % entre juillet 1914 et octobre 1918. Or, le nouveau gouvernement autrichien se retrouve à la tête d’un État économiquement déstructuré. Les sources d’approvisionnement de son industrie sont coupées. Les régions rurales sont lointaines et pauvres. Et surtout, demeure à Vienne la pléthorique administration impériale conçue pour diriger 50 millions d’âmes et qui doit désormais dirigé un État de 6,5 millions d’habitants.
L’État autrichien qui alors officiellement espère l’Anschluss avec l’Allemagne, n’a d’autre moyen de survie que de faire fonctionner la planche à billets. Pour cela, il lui suffit d’utiliser les presses de la banque centrale austro-hongroise à Vienne. La Banque centrale encore unique pour les États successeurs obéit donc alors aux ordres autrichiens.
Mais à Prague et à Belgrade, on n’apprécie guère cette production massive de couronnes dont une grande partie se retrouve sur leurs nouveaux territoires, moins frappés a priori par l’inflation que l’Autriche. Les nouveaux États veulent stopper rapidement le cercle inflationniste qui réduit à néant les créances privées et menacent d’emporter leurs entreprises au moment où il leur faut construire un nouveau modèle économique. C’est particulièrement vrai en Tchécoslovaquie, qui a hérité du fleuron de l’industrie austro-hongroise.
Le ministre des Finances tchécoslovaque, Alois Rachin tente durant tout le mois de décembre 1918 de trouver un accord avec les Autrichiens pour limiter la masse monétaire. En vain. Il devient alors clair que dans le cadre de la nouvelle union monétaire de fait, la puissance réelle de la politique monétaire reste entre les mains des Autrichiens qui, dans l’immédiat, veulent une politique inflationniste.
En d’autres termes, le gouvernement de Vienne entend exporter vers les autres États de l’union monétaire une partie de son inflation et donc de faire payer à ces derniers ses dépenses. C’est difficilement acceptable pour des pays qui doivent construire une nouvelle administration. Faute de volonté politique de maintenir l’union, la fin de l’union monétaire semble donc inévitable.
>>> Demain : la “guerre des tampons”  (3/8)
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>>> Lire aussi :
L’économie mondiale en 1914 (1/5), un monde de croissance et de progrès
L’économie mondiale en 1914 (2/5), l’âge d’or de la mondialisation
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