En tête de liste des plats préférés de Xavier, trentenaire épicurien et gastronome, figure le pot-au-feu aux trois viandes de sa grand-mère. Le souvenir du bruit de la marmite, du glougloutement du bouillon parfumé et du fondant en bouche du mélange viande et légumes suffit à le faire retomber en enfance. Et s’il raffole aujourd’hui encore de certains biscuits industriels, c’est parce qu’ils ont accompagné son quatre-heures. Pourtant, il confie ne jamais parvenir à retrouver précisément la saveur de ce plat familial, solidement ancrée dans sa mémoire affective.
Du côté des chefs, recevoir des commandes spéciales de la part de clients nostalgiques de leurs délices d’enfance est monnaie courante. Jean-Edern Hurstel, chef et créateur du tout récent restaurant Edern, à Paris, se souvient de la requête d’une expatriée résidant à Dubaï, où il officiait il y a quelques années : « Un soir où le chef pâtissier était absent, j’ai dû faire au débotté un soufflé au chocolat. Quand on est chef dans un palace, on doit toujours trouver une solution pour satisfaire la demande. La cliente en question a tellement adoré cette douceur, que lui préparait sa mère autrefois, qu’elle me l’a redemandée régulièrement. Aujourd’hui, c’est même un dessert signature de mon nouveau restaurant ! » sourit-il.
Lui-même reconnaît que les saveurs de la palette de porc confite, accompagnée d’une salade de pommes de terre assaisonnée de Melfor (vinaigre alsacien au miel) et d’échalotes, oeuvre de sa grand-mère alsacienne, ont pesé sur son choix de devenir cuisinier. « Le partage, la grande tablée avec les produits de la chasse rapportés par les amis de mon grand-père, l’accueil et la présence toujours chaleureuse de ma grand-mère, pour nous qui venions de faire un long trajet depuis Genève, tout ça s’est lié dans ma tête de gamin et m’a donné envie de reproduire ce bonheur et cette convivialité, dont j’essaie d’entourer mes clients », explique-t-il.
La mère, la grand-mère : ces figures tutélaires marquent de leur empreinte gourmande et parfumée les parcours des amateurs comme des professionnels, à l’image de Fatéma Hal, propriétaire du Mansouria, célèbre restaurant marocain de la capitale. L’arôme de cannelle de la seffa, une variante sucrée du couscous, confectionnée par sa mère, est pour elle indissociable du souvenir du goûter au retour de l’école.
« Le partage, la grande tablée, la présence chaleureuse de ma grand-mère, tout ça m’a donné envie de reproduire ce bonheur », Jean-Edern Hurstel, chef (DR)
Le décryptage des liens entre notre comportement alimentaire actuel et ces sensations gourmandes surgies du passé est un passionnant jeu de piste pour les scientifiques. L’apprentissage du goût commencerait dans le ventre maternel, par le biais du liquide amniotique, et se poursuivrait activement au moment de l’allaitement, puis durant les premières années de la vie, notamment lors de la diversification alimentaire chez le jeune enfant. « Il existe une connexion très forte entre les circuits neuronaux de la récompense et ceux de la mémoire dans le cerveau. Dans un contexte affectif favorable, celui-ci va associer très tôt un goût prononcé pour un aliment à une notion de récompense, et produire un état émotionnel positif. L’inverse est aussi vrai pour un aliment qu’on va détester, qui peut renvoyer à une situation perturbante », analyse Luc Pénicaud, neurobiologiste à Dijon et chercheur au CNRS.
Mais, sans l’odorat, la mémoire émotionnelle de nos saveurs d’enfance serait inexistante. En effet, c’est guidé par notre nez que nous appréhendons le goût, selon Hirac Gurden, directeur de recherche en neurosciences au CNRS. « Quand on apprécie une odeur, le rythme cardiaque ralentit. Toutes les zones de la mémoire et des émotions, sans oublier celles de l’imagination, sont alors activées », souligne le chercheur.
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Le chanteur Dave, qui vient de publier son premier recueil de recettes (« Cuisinez-moi ! » Cherche-Midi), associe spontanément l’odeur épicée des lumpias (sorte de pâtés impériaux indonésiens) vendus dans des distributeurs à Amsterdam, au jeune lycéen rebelle et épris de liberté qu’il était à l’époque.
Le bien-être psychique irait-il de pair avec une bonne éducation gourmande ? « Oui, répond Hirac Gurden, cet apprentissage alimentaire devrait se poursuivre tout au long de la vie. Le partage des bons petits plats aux senteurs enivrantes est à la fois un stimulant et un gage de bonne santé mentale. » Une raison supplémentaire de se réunir en cuisine et en famille, pour préparer et déguster ensemble, tout en cultivant le jardin secret de notre mémoire.
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