Alors que la crise sévit en Europe, l’attitude des Etats-Unis est ambiguë. La nécessité de coopérer avec elle va de pair avec la défense des intérêts Américains, qui n’hésitent pas à dénoncer la responsabilité européenne dans la crise actuelle.
L'euro rebondissait fortement face au dollar jeudi, porté par le projet d'accord au sommet de la zone euro à Bruxelles, proposant d'allonger la durée des prêts aux pays en difficulté, tandis que le billet vert pâtissait de son côté de chiffres décevants sur l'emploi américain.
L'Express
Nicolas Sarkozy et Barack Obama côte à côte, pour un quart d’heure inédit de télévision en forme de renvoi d’ascenseur: le président français, au sortir du sommet du G20, était presque enseveli sous les compliments décernés par son homologue américain. Avec un mot magique: leadership! Le résultat dans les sondages ne s’est pas fait attendre, fruit de cette “présidentialisation” tant espérée.
Cette onction peut laisser croire qu’Européens et Américains affrontent la crise main dans la main. La réalité est plus brutale: dans la guerre des monnaies en cours, se jouent les places du dollar, de l’euro et du yuan, c’est-à-dire des Etats-Unis, de l’Europe et de la Chine. Or la combinaison d’une idéologie et d’un certain nombre d’intérêts (que l’on résumera par les termes génériques “Wall Street” et “City”) fait et fera tout pour se débarrasser de la zone euro. Elle ne croyait pas l’euro possible. Elle pense que sa fin est proche et y travaille activement.
In fine, il s’agit de préserver le rôle du dollar comme monnaie de réserve, avec un air de déjà-vu: au temps de George Bush senior, alors que les Etats-Unis étaient traumatisés par la puissance commerciale du Japon et la place de plus en plus grande du yen comme monnaie de réserve, fut engagée une politique du dollar faible et une contre-offensive commerciale qui a conduit le Japon à une longue période de stagnation; tandis que le yen cessait d’exister comme monnaie de réserve. C’est un scénario à la japonaise qui guette les Européens s’ils perdent cette bataille. Et lorsqu’ils répondent -à juste titre- par une perspective de gouvernement franco-allemand de la zone euro, ils touchent, pour la City -qui n’a jamais admis l’Europe que comme une vaste zone de libre-échange-, le point le plus sensible: c’est le spectre d’une Europe-puissance à dominante franco-allemande. On comprend mieux l’algarade entre Nicolas Sarkozy et son ami David Cameron, lors du G20 réuni à Cannes.
Au tournant de l’été dernier, un retrait massif de trésorerie des coffres des banques françaises par les banques américaines, menaçant les premières d’une carence de liquidités, a provoqué l’accélération de la crise. Puis, la Grèce pas plus que le Portugal n’ayant suffi, sont venues les attaques contre l’Italie. “Une fois que l’Italie est en cause, la France l’est aussi”, comme on l’a dit chez Merrill Lynch (confidence faite au Herald Tribune). C’est d’ailleurs, au début du mois de novembre, une agence de “clearing”, Clearnet, qui a lancé le mouvement de hausse des taux sur les bons italiens. On dira: c’est la thèse, alibi, des banques françaises. Mais ce n’est pas parce que celles-ci ont mauvaise presse qu’elles ont tort.
Officiellement, tout baigne entre Barack et Nicolas. Ce dernier devrait pourtant réfléchir avant de suivre, voire de précéder, les Etats-Unis sur d’autres terrains géostratégiques, tels l’Iran ou l’Afghanistan. Mais il est vrai qu’Obama a lui-même perdu la bataille contre Wall Street, qui lui est hostile et qu’il a renoncé à réguler. Aux yeux de Wall Street comme de la City, l’ennemi, c’est la régulation! Nous avons donc affaire à un Obama désarmé et davantage préoccupé par la zone Asie-Pacifique, où se situe son enjeu principal: le face-à-face avec la Chine. Pour l’Europe, il n’hésite pas, à l’attention de son opinion publique, à désigner la zone euro comme responsable de la perpétuation de la crise et, lorsqu’il appelle Giorgio Napolitano pour l’encourager à se débarrasser de Silvio Berlusconi, c’est aussi pour le mettre en garde contre le duo Merkel-Sarkozy.
Ainsi l’attitude américaine est-elle pour le moins ambiguë. Son intérêt est, bien sûr, que l’Europe retrouve le chemin de la croissance. Mais c’est aussi d’obtenir un sursis de quelques années: tant que le dollar demeure la principale monnaie de réserve, le reste du monde est appelé à continuer de financer les déficits américains devenus abyssaux…
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