La baisse de la monnaie unique européenne face au dollar est une opportunité pour certaines entreprises, un poids pour d’autres. Les avantages devraient vite être rognés par les inconvénients de cette situation quasi inédite.
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Euro faible, les gagnants et les perdants
La baisse de l’euro face au dollar pourrait affecter l’activité de nombreux acteurs économiques.
Lars Sander/LaSa – stock.adobe.com
Un jour juste en dessous, le lendemain juste au-dessus et parfois pile à 1 contre 1 : voilà quelques jours que le tandem euro-dollar oscille à des niveaux proches de la parité, une situation inédite depuis vingt ans.
L’affaiblissement de la monnaie unique, due aux incertitudes économiques majeures liées à la guerre en Ukraine, n’a rien d’anecdotique pour les acteurs économiques. Pour les entreprises d’abord, mais aussi, par ricochet, pour les ménages et les États.
Du côté des entreprises, analyse Julien Marcilly, chef économiste au cabinet Global Sovereign Advisory, « les perdantes sont celles qui importent beaucoup, et notamment des produits dont les prix sont libellés en dollars ». Dans ce cas, toute baisse de l’euro face au billet vert renchérit d’autant la facture des importations.
Cette situation se vérifie particulièrement pour l’énergie. Conséquence : même les entreprises qui ne font pas de commerce international sont impactées par l’affaiblissement de l’euro, à travers leur facture énergétique. Et ce d’autant plus que les prix du pétrole et du gaz explosent, indépendamment du taux de change. « Les secteurs pénalisés sont l’industrie en général, la chimie, mais aussi les producteurs de papier ou l’industrie agroalimentaire… », énumère Julien Marcilly.
D’autres secteurs peuvent espérer tirer leur épingle du jeu. « Le luxe ainsi que les vins et spiritueux vont profiter de cette nouvelle donne sur les taux de change, qui fait mécaniquement baisser leurs prix de vente sur des marchés où la demande est déjà très dynamique », pointe Christopher Dembik, chef économiste chez Saxo Bank. Dans l’aéronautique, complète Julien Marcilly, « Airbus va bénéficier d’un impact positif de l’euro faible sur ses exportations ». Dans un tout autre domaine, le tourisme des Américains en Europe sera soutenu par un dollar plus fort.
Cette amélioration de la compétitivité-prix ne devrait pas jouer longtemps, tempère toutefois Christopher Dembik. À ses yeux en effet, « les industries exportatrices ont aussi besoin d’importer, pour assurer leur production. Le renchérissement de leurs importations va rapidement rogner le gain de compétitivité obtenu à l’autre bout de la chaîne. Or seules les entreprises en position de force auprès de leurs clients pourront répercuter les hausses de leurs coûts de production, et éviter ainsi de réduire leurs marges ».
Le pouvoir d’achat des ménages européens devrait continuer de souffrir. Comme pour les entreprises, la hausse des prix de l’énergie accroît leur facture énergétique. L’euro faible alourdit encore plus l’addition, sans oublier qu’il entraîne aussi un renchérissement du prix des importations des produits de grande consommation.
Et les États, dans tout ça ? Côté face, ils sont gagnants, avec des recettes de TVA accrues par l’inflation… à condition que la consommation se maintienne. Côté pile, ils vont être pénalisés par la dégradation de leur balance commerciale, « que l’on observe déjà au niveau de la zone euro », pointe Julien Marcilly. En mai 2022, pour la première fois depuis la réunification, la balance commerciale allemande est passée dans le rouge, pour un déficit d’un peu moins de 1 milliard d’euros. Quant au déficit commercial français, il a atteint un montant record de 13,1 milliards d’euros, tiré là encore par la hausse des prix de l’énergie.
Surtout, l’affaiblissement de la monnaie unique, face à une monnaie américaine considérée comme une valeur refuge, n’est jamais que le reflet de sombres perspectives économiques pour le continent européen.
« Les investisseurs non européens anticipent une grave crise énergétique en Europe cet hiver et accélèrent depuis cet été leurs retraits de capitaux de l’UE, au profit des États-Unis, relève ainsi Christopher Dembik. Le modèle économique allemand fondé sur une énergie à coût contenu, en provenance de Russie, ne fonctionne plus. Ces deux tendances lourdes font peser un risque de récession de plus en plus sérieux sur le Vieux Continent. » Sans aller jusque-là, la Commission européenne a abaissé jeudi 14 juillet ses prévisions de croissance pour la zone euro à 2,6 % en 2022 et 1,4 % en 2023.
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