Par Clémence Maquet – @clemencemaquet
Publié le 26 février 2021 à 10h59 – Mis à jour le 2 décembre 2021 à 15h37
Depuis 2016, l’Union Européenne, à travers la Banque Centrale européenne (BCE), étudie les monnaies numériques. En octobre, la consultation publique, qui est d’usage lors de grands projets de transformation européens, avait débuté pour une durée de trois mois. À cause du covid-19, on a beaucoup reproché à l’UE une certaine opacité dans son ouverture démocratique, et des difficultés pour les citoyens et entreprises de participer au débat, ou même d’en être au courant. Les questions sur le projet de la BCE sont donc plus que légitimes : qu’est précisément l’euro numérique ? Que changera-t-il pour les commerces, les banques, ou les citoyens ? Quand pourrait-il arriver ? On y répond.
Lorsque l’on entend “euro numérique”, l’on suppose Monnaie numérique de Banque Centrale, ou MNBC. Cette dernière est en fait une forme de monnaie qui, au lieu de prendre une forme physique comme une pièce ou un billet, prend une forme numérique.
Pour comprendre, imaginez une pièce de monnaie, dont la valeur serait représentée par un code chiffré. Ce code, composé de chiffres, serait généré au moyen d’un algorithme, et remplacerait les signes de sécurité situés sur toute pièce émise par la BCE, lisibles par les machines et assurant un niveau de sécurité. Tout comme une pièce physique, d’ailleurs, un euro numérique serait émis par la Banque Centrale.
Une MNBC, et par conséquent l’euro numérique, ne sont en fait que des représentations virtuelles de la monnaie fiduciaire qui elle, est matérielle, sans quelques-unes de ses caractéristiques, notamment l’anonymat.
L’argent stocké sur nos comptes est dit électronique, dans le sens où sa valeur est stockée de manière électronique, et même magnétique. C’est l’argent que l’on utilise pour faire des virements bancaires, ou pour payer avec une carte. Il est lié à une devise officielle (et donc s’exprime en euro, ou en dollar), et est reconnu par une Banque Centrale. Mais à la différence d’une MNBC, l’argent sur nos comptes est émis par les banques privées. La MNBC, elle, serait émise par la banque centrale, qui pourrait même héberger les comptes des utilisateurs. Une autre différence est la technologie utilisée : une MNBC peut s’appuyer sur la blockchain et tout un tas d’innovations lui permettant d’être transférée rapidement et en sécurité.
On compare souvent les MNBC comme le futur euro numérique au Bitcoin, dans les technologies qu’elles requièrent. Ces deux dernières cryptomonnaies sont en fait très différentes du concept de MNBC. Une cryptomonnaie privée comme le Bitcoin est une représentation numérique d’une valeur et, même si elle remplit certaines fonctions des devises nationales, elle n’est pas un moyen de paiement officiel, puisque leur unité de compte n’est pas définie par l’État. Une monnaie de ce type est émise par des organisations privées, ou organisée et contrôlée par les participants d’un réseau informatique, comme c’est le cas du Bitcoin. Une MNBC comme l’euro numérique, à l’inverse, serait émise par la Banque Centrale Européenne, et serait monnaie officielle, équivalent parfait des pièces et billets, dans une version virtuelle. En cela, l’euro numérique serait également plus stable qu’une cryptomonnaie, dont le cours peut varier grandement en l’espace d’une journée.
Comme la monnaie traditionnelle, on pourrait utiliser cet euro numérique n’importe où, de manière sécurisée et instantanée (grâce à une blockchain, si la BCE le décide), à l’aide d’un dispositif tel qu’un smartphone ou une carte bancaire.
Pour l’instant, l’Europe semble se diriger un portefeuille numérique, une application, et des cartes physiques ou virtuelles. Un peu comme l’on paye avec une carte bancaire classique, on pourrait donc payer en monnaie digitale : seule la forme de notre argent changerait, et donc son stockage, et les processus internes.
On peut donc imaginer que les consommateurs pourront utiliser une carte bancaire physique ou virtuelle (type Apple Pay), tandis que les commerces auront eux une solution de réception du paiement avec un terminal CB ou directement intégrée sur leur site e-commerce.
Pour les citoyens, les avantages les plus directs seront sans doute la rapidité des paiements, et leur sécurité. Souvent comparées au cash dans le fait qu’elles seraient de l’argent public (venant de la Banque Centrale européenne, comme les pièces et billets), les MNBC comme l’euro numérique ne fourniront pas la même garantie d’anonymat, pour des raisons évidentes de lutte contre la fraude fiscale et le financement d’activités illicites. Ce sont ces mêmes raisons qui leur permettent d’assurer la sécurité à ses utilisateurs.
L’utilisation d’une nouvelle technologie dans l’écosystème des paiements européens pourrait également favoriser l’ouverture et la promotion des innovations technologiques qu’elle intègrent ou l’utilisent. Une opportunité pour les startups et les technologies européennes, puisque la BCE souhaite déléguer quelques aspects de l’euro numérique, comme les audits.
Le premier inconvénient majeur est la confidentialité, et plus précisément l’anonymat qu’offre actuellement le cash. Une monnaie numérique ne pourrait pas garantir l’anonymat à ses utilisateurs, pour des raisons de sécurité.
La BCE aura besoin de contrôle sur les utilisateurs, tout comme elle devra investir certains efforts afin de se protéger des piratages. Il y aurait un risque de perte en cas d’accidents informatiques, ou d’attaques informatiques. Les cyberrisques sont en effet l’un des aspects négatifs des monnaies virtuelles mais, dans le cas de l’euro numérique, ceux-ci pourraient se trouver mitigés par l’implication de la banque centrale, qui contrôlerait et sécuriserait la monnaie et ses transactions.
Un autre type d’inconvénients est l’accessibilité. Lorsque l’on pense à un moyen de paiement entièrement digital, il est difficile de penser qu’il ne sera pas vite rattrapé par des réalités géographiques telles que la fracture numérique, et des réalités sociales, telles que l’illettrisme technologique et les inégalités liées à son accès. Ces dernières se sont faites particulièrement ressentir lors des débuts de l’épidémie de COVID-19.
Christine Lagarde a expliqué, lors d’une conférence en ligne datant du 12 novembre 2020, que l’UE, à la différence de la Chine, ne souhaitait pas se lancer dans la course à la monnaie numérique. La création et l’installation de cette nouvelle monnaie doit prendre en compte au mieux tous les facteurs, et tenter de satisfaire les besoins et les attentes de la population du continent.
Les risques sont nombreux, dans une Europe à la fracture numérique aggravée par la crise du Covid-19. Il n’y a qu’à voir la Suède, l’un des pays pionniers de la MNBC, qui fait lentement marche arrière sur ses ambitions de digitalisation des paiements, réalisant l’impact sur les populations vulnérables.
Selon l’UE, la conception de l’euro numérique pourrait ainsi prendre jusqu’à 4 ans. Quelques signes montrent toutefois une évolution, et un travail continu. Le 19 janvier 2021, la Banque de France a effectué sa première opération en euro numérique, en partenariat avec la BCE et la blockchain SETL.
L’euro numérique se place dans un contexte de crise sanitaire, économique, et sociale, et pointe dans le sens de la résilience et de l’innovation. Face au défi numérique, qui est avant tout un défi de souveraineté, la place de l’Europe est primordiale pour garantir sécurité et éthique : développer un euro numérique voudrait dire dessiner les formes et imposer les valeurs du continent dans un symbole d’innovation.
L’une des explications plausible est aussi celle liant le développement des cryptomonnaies comme le Bitcoin, ou des projets de monnaie virtuelle comme la Libra (rebaptisée Diem) de Facebook, et les MNBC. De plus en plus, les entreprises tentent de développer leur monnaie : un rôle traditionnellement occupé par l’État. Les compagnies comme Facebook pourraient ainsi influencer l’émission de monnaie, les fluctuations monétaires, et les décisions gouvernementales par leurs produits et outils numériques. L’enjeu qui anime les premières expérimentations de monnaie numérique de banque centrale par certains États serait alors celui de la souveraineté retrouvée, non seulement monétaire, mais également numérique.
Publié le 30 septembre 2022 à 18h33
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