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Avoirs et biens immobiliers bloqués, restrictions de déplacement : les implications concrètes des sanctions contre les politiques et oligarques russes.
Temps de Lecture 4 min.
Les sanctions économiques des Occidentaux peuvent-elles faire reculer Vladimir Poutine ? Celles qui ont eu, pour l’instant, les conséquences les plus importantes sont celles qui visent l’ensemble de l’économie russe : la suspension du projet de gazoduc Nord Stream 2, le blocage de l’import-export de certaines marchandises, l’exclusion partielle des banques russes du réseau financier Swift, le gel des fonds de la Banque centrale de Russie, etc.
Mais l’Union européenne (UE), les Etats-Unis et le Royaume-Uni tentent aussi de frapper les élites russes au porte-monnaie, en visant à titre individuel plusieurs centaines de personnalités de premier plan, actives dans le champ politique (ministres, députés) ou économique (oligarques proches du Kremlin). Ces mesures visent à les mettre sous pression, pour qu’ils retirent leur soutien à l’opération militaire conduite par Vladimir Poutine. Mais elles restent essentiellement symboliques, car les marges de manœuvre des Européens et des Américains en la matière restent limitées.
Concrètement, l’Union européenne peut prend trois formes distinctes de sanctions individuelles contre ces personnalités russes.
L’individu sanctionné a l’interdiction d’entrer sur le territoire de l’UE, même pour un bref transit lors d’un voyage. Concrètement, les compagnies aériennes sont censées vérifier au moment de l’embarquement que ses passagers ne sont pas visés par des sanctions.
Dans l’hypothèse où l’individu sanctionné arrivait quand même à passer, en utilisant un jet privé ou la voie terrestre, il serait à la merci d’un contrôle douanier ou policier. Faute de visa, il serait immédiatement renvoyé vers la Russie.
L’individu sanctionné n’a plus accès à ses comptes dans les banques européennes, ne peut plus procéder à des transactions avec des établissements européens, ni recevoir des revenus d’entités européennes.
Concrètement, les banques européennes vérifient quotidiennement la liste des personnes sanctionnées et sont censées bloquer toutes les transactions qui les concernent. En cas de manquement, leur responsabilité est engagée.
L’individu sanctionné n’a plus le droit de tirer profit de ses actifs situés sur le sol européen (biens immobiliers, yachts, jets privés, œuvres d’art, etc.), en les vendant ou en les louant.
Concrètement, un notaire européen a l’interdiction de procéder à la vente d’une maison appartenant à un individu sanctionné, et les banques doivent bloquer d’éventuels loyers reçus en cas de mise en location du bien.
Toutefois, contrairement à une idée répandue, le gel n’équivaut pas à une confiscation. Le droit n’autorise pas l’Etat français à saisir un appartement parisien, un chalet à Megève ou un yacht sur la Côte d’Azur appartenant à un individu sanctionné, pas plus que les fonds stockés sur son ou ses comptes en banque. Une confiscation en bonne et due forme nécessiterait une décision de justice, fondée sur des preuves de malversations financières (blanchiment ou corruption) – alors que les sanctions décidées ces derniers jours sont des décisions politiques discrétionnaires, justifiées par le soutien des individus sanctionnés à la politique belliqueuse du Kremlin.
Concrètement, les avoirs gelés restent dans une zone grise jusqu’à ce que les sanctions soient levées. En théorie, dans l’intervalle, rien n’empêche à l’individu sanctionné de garder la jouissance de sa maison : même si l’interdiction de pénétrer sur le sol européen peut l’empêcher, dans les faits, d’accéder à son bien, il a encore la possibilité d’en faire profiter des amis ou des proches.
L’individu sanctionné peut aussi théoriquement conserver la jouissance de son yacht, mais ce dernier ne peut pas quitter les eaux territoriales, ni françaises ni européennes.
L’une des difficultés majeures est que personne n’est en mesure de quantifier, à ce jour, l’ensemble des avoirs et actifs européens détenus par les élites russes visées par des sanctions. Les Européens et les Américains ont d’ailleurs annoncé, le 26 février, qu’ils allaient mettre sur pied une « task force transatlantique » pour inventorier ces actifs.
Grâce aux publications de médias et d’organisations non gouvernementales (ONG), on sait que de nombreux oligarques ont investi depuis des années en Europe occidentale – en particulier à Londres, sur la Côte d’Azur, en Espagne ou dans les Alpes. En théorie, les actifs gelés devraient donc se chiffrer en milliards d’euros.
Les sanctions individuelles contre les élites russes sont entravées par un problème de taille : la plupart des politiques et oligarques de premier plan dissimulent leur patrimoine financier et immobilier en recourant à diverses techniques :
Par exemple, Vladimir Poutine ne détient quasiment aucun patrimoine en son nom propre, alors qu’il est considéré comme l’homme le plus riche du monde. De nombreuses enquêtes de médias et d’ONG ont démontré qu’il s’appuyait sur des personnalités de son entourage pour détenir ses propriétés immobilières et financières à sa place.
Ces pratiques de dissimulation réduisent l’efficacité des sanctions économiques, qui ne visent que l’individu seul. « Dans certains cas, il est possible de cibler aussi des proches, comme les enfants, mais cela suppose d’avoir des preuves solides qu’ils agissent comme prête-noms », explique Francesco Giumelli, un spécialiste des sanctions européennes qui enseigne à l’université de Groningue (Pays-Bas).
« Pour que les sanctions soient plus efficaces, il faudrait que les Européens fassent plus d’efforts pour identifier ces prête-noms, afin de mieux appréhender les actifs de ces individus », abonde Maira Martini, chercheuse au sein de l’ONG Transparency International.
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