Vers un bouleversement des pratiques agricoles paysannes ?
12 janvier 2016 par Rémi Vilain
CC – Flickr – Hervé
Depuis le début des années 2000 est menée en Afrique subsaharienne une politique agricole – la nouvelle révolution verte – dont l’initiative relève notamment de la Banque mondiale. Les buts initiaux et officiels de cette transformation agricole pour les pays concernés par celle-ci sont à la fois d’éliminer la pauvreté et l’insécurité alimentaire pour l’ensemble des populations.
Alors que dans les années 1960, une première révolution verte aux résultats plus que décevants a été menée en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, cette nouvelle révolution verte est spécifiquement axée sur ce dernier continent. Selon la Banque mondiale, les paysans doivent être au centre de ce processus et être les acteurs centraux de cette nouvelle révolution verte.
Au sein de cette recherche d’une année que nous publierons en deux parties, nous vous proposons d’analyser en profondeur quels sont réellement les tenants et les aboutissants de cette soi-disant « nouvelle révolution verte » en Afrique Subsaharienne. Notre réflexion s’intéressera particulièrement aux paysans à petite échelle qui représente encore à l’heure actuelle 90% de la production agricole subsaharienne.
Après avoir comparé dans une première partie quelles sont les différences et les similitudes entre la première et la nouvelle révolution verte, nous allons désormais axer notre réflexion sur la manière dont sont exclus les paysans du processus de réflexion et d’instauration de la nouvelle révolution verte.
Dans un premier temps, nous verrons comment les paysans sont exclus de ces processus du fait des politiques menées par la Banque mondiale, bailleurs de fonds et les fondations philanthropiques.
Par la suite, nous analyserons comment ces derniers perturbent et transforment les lois semencières et foncières afin de procéder à une libéralisation extrême des secteurs agraires et fonciers ayant pour vocation à une disparition de la paysannerie.
En pratique, nous nous pencherons sur deux études de cas, le maïs WEMA et le riz NERICA. Ces deux semences OGM promues dans le cadre de la nouvelle révolution verte ne semblent rencontrer que peu d’acceptation de la part des paysans et ne semblent pas adaptés aux contextes géographiques et sociaux de la région.
Enfin, nous terminerons sur ce qu’aurait réellement dû être une « vraie révolution verte » à travers une étude de cas sur l’agroécologie qui repose sur plus de 250 projets à travers le monde.

Pour rappel, voici notre question et nos hypothèses de départ (à confirmer ou infirmer) que nous avions dressées au début de notre recherche :
Quel rôle pour les petits paysans au sein de cette nouvelle révolution verte ?
Cadres d’exploration :
- À quelle catégorie d’acteurs s’intéresse en priorité la nouvelle révolution verte ?
- Quelle indépendance ont les paysans vis-à-vis de la nouvelle révolution verte ?
- Alors que la nouvelle révolution verte induit de nombreux changements (techniques de production, acteurs, accès à la terre, semences), quelles capacités d’adaptations auront ces paysans ?
- Comment préserver les savoirs agricoles culturels locaux des paysans tout en les associant avec les préceptes de la nouvelle révolution verte ?
Hypothèses :
- La nouvelle révolution verte a pris en compte les succès et limites de la première révolution verte du XXe siècle.
- Les fondements (agricoles, économiques, géographiques) de la nouvelle révolution verte sont adaptés aux contextes de l’agriculture familiale et vivrière en Afrique subsaharienne.
- La nouvelle révolution verte est un modèle adapté à la résolution des problèmes liés à la faim et l’extrême pauvreté dans le bassin subsaharien.
- Les paysans sont intégrés au centre du processus de réflexion et d’intégration des programmes agricoles relevant de la nouvelle révolution verte.
Vous pouvez consulter la première partie ici : La nouvelle révolution verte en Afrique subsaharienne – Partie 1 sur 2.
Dans cette troisième partie, nous allons désormais nous concentrer sur les conséquences éventuelles de la nouvelle révolution verte à divers niveaux (économiques, culturels, écologiques) et en particulier les impacts éventuels que cette politique pourrait avoir sur les savoirs agricoles culturels locaux.

1. Quelles conséquences de la nouvelle révolution verte ?

1.1. Promotion du secteur privé international pour contrôler le système alimentaire mondial
À travers nos parties précédentes, on a pu remarquer l’existence de nombreuses relations entre d’une part les coordinateurs des programmes de la relation verte (tels que l’AGRA, SG 2000,…), d’autre part les institutions internationales (Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

Cliquez pour plus de détails. , Nations unies…), mais aussi les centres internationaux de recherches agricoles (CGIAR), ou encore le secteur privé, par l’intermédiaire d’ONG (ISAAA, AATF), de fondations (Rockefeller, Bill and Melinda Gates), de multinationales de l’industrie agroalimentaire (Grow Africa et Unilever) et d’industries biochimiques (Monsanto, Syngenta, Dupont,…).
Au-delà des questions et interrogations que ces relations peuvent nous poser, on peut se demander si, en dehors des objectifs de réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, la révolution verte n’est-elle pas un moyen d’assurer la promotion du secteur privé et des multinationales de l’industrie agroalimentaire afin de contrôler le système alimentaire mondial ?


1.1.1. L’EBA : Améliorer le climat des affaires dans l’Agriculture :

Ainsi, un des éléments à analyser que nous avons déjà succinctement abordé dans notre partie précédente (Chapitre II, 2.2) est l’EBA (‘Enabling the Business of Agriculture’ – ‘Améliorer le climat des affaires dans l’Agriculture’).
Fusion du ‘Doing Business’ (‘Faire des Affaires’) et du ‘Benchmarking Business of Agriculture’ (‘Analyse comparative du marché des affaires dans l’agriculture’), deux projets précédents de la Banque mondiale, l’EBA « vise à identifier et surveiller les politiques et les règlements qui influencent la manière dont fonctionnent les marchés dans le secteur agricole » autour de six axes principaux : « l’enregistrement des terres agricoles ; l’accès aux services financiers ; le renforcement des systèmes semenciers ; l’amélioration de l’approvisionnement en engrais ; le transport et la commercialisation des produits agricoles » et de trois axes secondaires : « la production agricole sous contrat ; l’électrification des zones rurales ; la connexion des agriculteurs à l’information » [1].
Si l’EBA élargit son champ d’études à trente pays dès 2014, pour le moment, seuls dix pays ont été étudiés par l’EBA, au sein desquels nous retrouvons pour l’Afrique subsaharienne, l’Éthiopie, le Mozambique, l’Ouganda, ou le Rwanda, tous engagés dans la nouvelle révolution verte.
En fait, l’EBA consiste surtout à fournir un outil aux entrepreneurs pour savoir s’il est aisé ou non d’investir dans un marché au sein d’un pays selon un classement constitué par l’EBA et la BM, autrement dit, le cadre législatif est-il contraignant pour une entreprise ‘X’ d’investir sur un marché ‘Y’ ?
Ainsi les critiques à son égard sont nombreuses et pour certains l’EBA est davantage un outil encourageant la compétition et la dérégulation des cadres gouvernementaux afin d’attirer les investisseurs qu’un outil de développement à proprement dit.
Mélissa Moore de l’Institut d’Oakland voit à travers l’EBA une manière d’inciter les États à utiliser plus d’intrants Intrants Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations. agricoles par l’intermédiaire de semences améliorées, d’engrais chimiques et surtout à déstabiliser le marché semencier africain en introduisant la notion de Intellectual Property Rights – ‘Droits de Propriété Intellectuelle’ (IPR) [2]. A cet effet, on remarque pour l’axe de renforcement des systèmes semenciers plusieurs questions afin de savoir si le pays en question autorise ou non le droit de propriété intellectuelle sur les semences, ou encore si les semences doivent être officiellement cataloguées pour pouvoir être commercialisées. À propos de l’axe sur l’enregistrement des terres agricoles, l’étude s’intéresse essentiellement sur le fait de savoir avec quelle facilité est-il possible de procéder à un transfert des terres entre exploitants locaux et investisseurs privés, savoir si le droit coutumier prévaut ou non sur le cadre gouvernemental [3]. On peut à ce titre légitimement se poser la question de savoir si cela entraînera des expropriations des populations locales et/ou si cela entraînera une dépossession des moyens de production des exploitants locaux.
Des remarques similaires peuvent être soulevées à propos de la promotion et de l’utilisation massive des engrais chimiques à travers l’analyse de la capacité d’une entreprise de pouvoir importer ses propres intrants ou encore de repérer si le pays en question est un utilisateur convaincu ou non de ces produits.
Concernant, les petits producteurs, la BM y fait référence dans son rapport 2015 sur l’EBA. Elle considère officiellement leur rôle comme central et primordial, notamment en s’assurant qu’ils puissent participer aux « chaînes de valeur agricole » [4], mais peu d’informations sont divulguées sur la manière de les intégrer dans cette chaîne de valeur. Pourtant, la réalité semble toute autre. Ainsi, on peut regretter qu’il n’y ait pas un axe spécifique « petits producteurs », ou une rubrique « petits producteurs » qui serait transversale à l’ensemble des axes de l’EBA. Cela aurait permis d’aborder certaines questions telles que la prépondérance des petits producteurs au sein du bassin agricole visé, leur mode d’organisation ou encore les différentes cultures agricoles qui y sont privilégiées. Cela aurait pu probablement permettre aux éventuels investisseurs de dresser un « cahier des charges » en adéquation avec les problématiques et modes de fonctionnement locaux et nationaux. Par ailleurs, la BM se positionne en faveur d’une absorption des petits producteurs par la chaîne agro-industrielle plutôt qu’en faveur d’un renforcement de leurs moyens de subsistance et de production puisqu’elle souhaite que ces derniers transitent vers « des exploitations commercialement viables » [5]. Cette « absorption des petits producteurs par la chaîne agro-industrielle » nous pose très clairement la question du pouvoir de négociation et du rapport de force entre les paysans d’une part, et la Banque mondiale de l’autre dans un tel cadre.
En définitive, l’EBA est un outil qui consiste à influencer les politiques et les règlements agricoles des pays [6]. En effet, en établissant un classement des pays basé sur la facilité d’investir pour une entreprise, celui-ci incite les pays à libéraliser au maximum leurs marchés et leurs différents cadres législatifs afin d’attirer les investisseurs privés, tout en entraînant les gouvernements africains dans une compétitivité accrue. La Banque mondiale elle-même le relate indirectement puisqu’elle se positionne en faveur d’un « système juridique et réglementaire fondé sur des règles et qui évite d’imposer aux entreprises des charges excessives » [7]. De même, on retrouve cet objectif au sein du programme de la NASAN, qui demande à ses pays partenaires d’être parmi les cent pays les plus compétitifs de l’EBA [8].
Par ailleurs, l’EBA est un soutien de poids à la nouvelle révolution verte, puisque d’une part, l’EBA promeut la transformation technologique agricole des pays africains (enregistrement des terres, utilisation de semences améliorées, recours aux intrants chimiques), et d’autre part, l’EBA a été créé à la demande des pays du G8 G8 Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002. (NASAN – Grow Africa) et par la fondation Bill & Melinda Gates (AGRA).

1.1.2. Le PPP : (Public-Private-Partnership — Le ‘Partenariat Public Privé’) :

Lorsque nous avons abordé les divers acteurs présents au sein de la nouvelle révolution verte, nous avons à de nombreuses reprises évoqué le ‘PPP’. En effet, celui-ci s’avère être un point central des divers programmes engagés en faveur de la nouvelle révolution verte (AGRA, NASAN, Grow Africa), mais aussi des institutions financières internationales telles que la Banque mondiale. C’est d’ailleurs cette dernière qui a promu pour la première fois le ‘PPP’ en 1990 [9]. Il est donc « logique » d’y retrouver une position favorable de la BM dans son ‘Rapport 2008 pour le développement’. Elle considère le ‘PPP’ comme un outil à fort potentiel pour encourager la recherche et le développement aussi bien du secteur privé que du secteur public, et qu’à ce titre le ‘PPP’ pourrait d’une part, promouvoir les « biotechnologies en faveur des petits producteurs », et d’autre part, permettre une « chaîne de valeur plus innovante » permettant des gains de productivité agricole .
Pourtant, à la question de savoir si les ‘PPP’ sont positifs sur la chaîne de valeur agricole en Afrique, d’autres estiment que le ‘PPP’ a peu de chance d’être une réponse adéquate au problème de la faim et de la pauvreté. Pour cela, ils se basent notamment sur les retours d’expériences de la Chine des années 1980, au sein desquels il a été prouvé que l’accroissement de la production agricole était davantage lié à la manière dont les facteurs de productions et de travail étaient organisés plutôt que le recours à un transfert de technologie en tant que tel [10]. Cette position est partagée par Raj Patel dans un article écrit pour ‘The Journal of Peasant Studies’ (‘Le journal des études paysannes’) qui considère que dans le cadre de la NASAN, le ‘PPP’ est avant tout un moyen pour promouvoir les intérêts des investisseurs étrangers plutôt que nationaux [11].
Nous souhaitons donc apporter un regard critique vis-à-vis des ‘PPP’, en particulier lorsque l’on regarde les entreprises multinationales et les investisseurs privés qui sont impliqués dans les programmes de l’AGRA, de la NASAN ou encore de Grow Africa. Nous l’avons vu, les géants de l’industrie agroalimentaire et agrochimique sont très présents (Monsanto, Nestlé, Walmart, etc.) et c’est notamment en cela que nous pouvons émettre des réserves. En effet, comment être certains qu’un équilibre de pouvoir, d’engagements et de responsabilités sera respecté entre le secteur privé, le secteur public et la société civile, alors même que nous avons d’un côté des sociétés privées avec un pouvoir de négociation incomparable, et de l’autre des États en proie à des difficultés économiques récurrentes et une société civile qui éprouve bien souvent des peines à obtenir de la visibilité et de la représentativité ? À titre d’exemple, pour la promotion du maïs WEMA (‘Water Efficient Maize for Africa’), les fondations Bill Gates et Warren Buffet ont contribué à hauteur de 47 millions USD en 2008, tandis que Monsanto et BASF ont conjointement participé à hauteur de 1,5 milliard USD cette même année [12]. Est-il possible dans ce cas pour un gouvernement de se passer d’un tel investissement et de faire valoir sa souveraineté ? Si la société civile devait être en désaccord face à un tel projet, serait-elle entendue par son gouvernement ? Par les investisseurs privés ?
Pour ce faire, plusieurs éléments viennent mettre en exergue cette réflexion. D’abord, il y a l’achat en 2013 par l’AGRA de 500.000 actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
à Monsanto, pour une valeur totale de 23 millions USD [13]. De même, la fondation Gates a investi à hauteur de 3,1 milliards USD en 2012 dans des entreprises comme Coca-Cola, McDonald, Pepsico, BurgerKing, ou encore KFC [14], on peut légitimement se poser la question de savoir dans quelle logique de promotion agricole sont effectués ces investissements ? D’autant plus que l’ensemble des entreprises agroalimentaires susmentionnées représente déjà les leaders mondiaux incontestés de leurs secteurs d’activités respectifs. Il en est de même pour Grow Africa, qui mentionne très clairement dans son rapport annuel 2014 entretenir des relations étroites avec les leaders de la production de semences génétiquement modifiées que sont Monsanto et Syngenta. Pareillement avec l’entreprise Unilever, un des acteurs majeurs du marché agroalimentaire aux côtés de Nestlé ou encore Pepsico, afin de, officiellement, « contribuer à améliorer l’intégration de la chaîne d’approvisionnement par les petits exploitants » [15].
Pour étayer notre réflexion, la Via Campesina, principal réseau international de défense des droits des paysans déclarait le 9 juillet dernier que « les partenariats public-privé (PPP) où les entreprises remplacent les Etats dans des constructions obscures qui ne profitent qu’aux entreprises » [16].

1.2. Vers une relation de domination/subordination ?

À travers cette sous-partie, nous allons tenter de démontrer que le modèle soutenu par la nouvelle révolution verte tend à réitérer le modèle développementaliste de la seconde moitié du XXe siècle qui a été analysé et critiqué à plusieurs niveaux. Dans un premier temps, nous nous concentrerons sur les nombreux parallèles possibles avec la théorie de la modernisation développée par Walt Whitman Rostow en 1960. Ensuite, nous verrons qu’en dépit des volontés affichées par les acteurs de la nouvelle révolution verte de mettre au centre de leur programme la paysannerie, nous verrons qu’en réalité, c’est une approche de type « Top-Down » (Approche ‘verticale’ ou ‘descendante’) qui y est appliquée.

1.2.1. Vers une poursuite de la modernisation ?

En 1960, l’économiste américain Walt Whitman Rostow dressait sa propre vision de la théorie du développement dans son ouvrage intitulé ‘Les étapes de la croissance économique’. Cet ouvrage servira de base à ce que l’on appellera par la suite, dans un cadre plus large, la théorie de la modernisation. Théorie vivement critiquée puisque Rostow y décrit que le développement et la modernisation d’un État, d’une société, d’une civilisation, sont un processus universel qui passe nécessairement par cinq étapes transformant la société traditionnelle vers une société modernisée (« La société traditionnelle ; Les conditions préalables au démarrage ; Le démarrage ; La marche vers la maturité ; L’ère de la consommation de masse ») [17]. Plus largement, à la simple lecture de ces étapes, on se rend compte que la théorie de la modernisation considère que le développement passe nécessairement par un abandon progressif des valeurs et systèmes traditionnels vers un soutien accru à la croissance économique à travers l’essor de l’industrialisation. En d’autres mots, la vision qu’il n’y aurait qu’un seul type de développement, nécessairement capitaliste.
Ainsi, à l’heure où l’on ne cesse d’entendre, avec raison, que l’Afrique doit créer son propre développement [18], on peut légitimement se demander si la nouvelle révolution verte ne s’inscrit pas dans cette théorie de la modernisation. Plusieurs éléments viennent nous questionner sur ce sujet. À titre d’exemple, prenons le diagramme d’évolution de l’exploitant agricole africain proposé par la société agrochimique Syngenta (Figure 1) [19] engagée dans la nouvelle révolution verte :
Fig. 1 : — « Les stades additionnels d’une intensification agricole ».

Ainsi ce diagramme renvoie à la théorie de la modernisation à plusieurs titres.
D’abord, comme pour les étapes de Rostow, on voit ici que le petit producteur passe d’un statut de « petits exploitants de subsistance » (« subsistence smallholders »), qui nous rappelle la notion « d’ État traditionnel », pour parvenir à l’issue de trois étapes intermédiaires (« stages of progression ») à un statut « d’agriculteur avancé » (« advanced farmers »).
Ensuite, on voit que pour effectuer cette transition, l’exploitant agricole se doit d’introduire et d’appliquer les outils technologiques et biotechnologiques qu’il a sa disposition afin de « gagner en productivité ». Ce point nous rappelle sensiblement l’importance du recours aux technologies industrielles évoqué par Rostow pour procéder à un transfert de technologie qui, selon lui, devrait être bénéfique aussi bien pour la production en tant que tel, que pour le producteur en soi, puisque cela devrait lui permettre de dégager un revenu plus important, tout en rendant son activité agricole moins contraignante.
Par ailleurs, un autre élément qui attire notre attention est la vision très linéaire de ce diagramme, pareillement à la vision linéaire du développement et de la modernisation explicitée par Rostow, cette idée que pour parvenir à une société modernisée, une seule voie est possible. C’est bien cela qui est représenté ici, une voie linéaire, unique, sans alternatives, qui permettra, dans ce cas présent, « aux petits producteurs de subsistance » de « migrer en dehors de l’agriculture » (« migration ouf of agriculture »). Ainsi, et c’est sur ce dernier élément que nous allons nous concentrer, le petit producteur agricole, d’après Syngenta, serait destiné (ou condamné ?) à quitter son secteur d’activité, après avoir appliqué et franchi toutes les étapes nécessaires à son émancipation.
Devons-nous voir à travers ce diagramme de Syngenta le rôle qui est destiné aux petits paysans au sein de la nouvelle révolution verte ? D’autres éléments viennent confirmer que le petit exploitant agricole issu de l’agriculture familiale et/ou vivrière n’ait pas un rôle central et durable au sein de la nouvelle révolution verte.

1.2.2. Une approche de type « Top-Down » :

Ainsi, on peut percevoir ce sentiment d’un basculement vers une relation de domination ou de subordination au sein de la révolution verte à travers ce schéma tiré du rapport annuel 2013 de l’AGRA (Figure 2) [20], concernant la structure de diffusion des semences en Afrique subsaharienne.
Fig. 2

Dès lors, on constate la vision très verticale et linéaire de l’AGRA, à travers une structure ‘Top-Down’, où les petits producteurs se retrouvent tous en bas de l’échelle, et où aucune dynamique participative et collaborative n’est présente. Nous avons délibérément ici fait le choix de prendre l’exemple de l’AGRA. Néanmoins, cette analyse est tout à fait similaire pour les autres programmes développés (Grow Africa et NASAN), puisque ces trois programmes appliquent « la même vision du productivisme » et de la « modernisation » que nous avons expliqués précédemment [21].
En définitive, suite à l’examen des implications de l’EBA et des moyens de mettre en œuvre une transformation technologique agricole par la promotion de l’investissement du secteur privé à travers le ‘PPP’, on s’aperçoit que l’exploitant agricole, et en particulier ceux provenant de l’agriculture à petite échelle, se retrouve comme le dernier maillon de la chaîne de valeur. Ce constat se renforce par le fait que les acteurs et les programmes de la révolution verte promeuvent une approche descendante, c’est-à-dire verticale, qui implique par conséquent que les changements, les transformations, les prises de position s’effectueront par les représentants se trouvant au sommet de la pyramide hiérarchique et décisionnaire.

1.3. Quelle(s) vision(s) par rapport aux petits paysans et aux autres protagonistes ?

Par rapport aux petits paysans, de nombreuses sources estiment que la nouvelle révolution verte ne leur est pas spécifiquement destinée, et ce pour plusieurs raisons.
D’une part, la vision avancée par la révolution verte nécessite l’utilisation de semences hybrides fournies par le programme. Cependant, ces semences ont un coût important. De surcroît, ces variétés ne produisent pas de graines pouvant germer l’année suivante. C’est notamment le cas avec le brevet ‘Late embryogenesis adondant’ adopté depuis octobre 2005 ou encore avec le maïs WEMA dont un scientifique de l’industrie semencière admet qu’en raison du coût important pour cultiver cette espèce, les exploitants agricoles à petite échelle n’en tiraient aucun bénéfice, mais en réalité un déficit [22].
D’autre part, la révolution verte impose une logique de type monoculture Monoculture Culture d’un seul produit. De nombreux pays du Sud ont été amenés à se spécialiser dans la culture d’une denrée destinée à l’exportation (coton, café, cacao, arachide, tabac, etc.) pour se procurer les devises permettant le remboursement de la dette. , ce qui entre en contradiction avec les techniques locales et qui nécessite une utilisation intensive de fertilisant. Pourtant, pour la grande majorité des agriculteurs africains, le coût important des semences et des intrants chimiques les rend « inaccessibles et inabordables » en plus d’être trop risqué [23].
Ces deux premières contraintes, en plus du fait que les petits paysans ne soient pas consultés dans le processus d’élaboration du programme (Chapitre II-2.9 voir Partie 1), nous informent que ces derniers sont en situation de forte dépendance vis-à-vis des programmes et des acteurs de la révolution verte.
De plus, la prépondérance des industries agrochimiques (Monsanto, Syngenta, DuPont,…) et des industries agroalimentaires (Heineken, Nestlé, Unilever, Walmart,…) au sein de l’ensemble des programmes relatifs à la nouvelle révolution verte, plaide largement en faveur de l’agrobusiness. Pourtant, la libéralisation des marchés sous-jacente à l’agrobusiness entraîne une volatilité des prix des denrées alimentaires qui doit être absorbée par les exploitants agricoles que ceux-ci ne peuvent se permettre, ainsi qu’un rapport de force très inégal face aux firmes multinationales qui essayent toujours d’obtenir leurs produits au prix le plus faible possible.
En définitive, la nouvelle révolution verte n’est pas destinée aux petits exploitants agricoles, puisqu’on estime que celle-ci ne serait bénéfique que pour une infime proportion d’entre eux [24].
De plus, on peut se poser la question de savoir en combien de temps les semences hybrides et autres intrants vont tenir en efficacité avant que des résistances naturelles et des maladies se développent au sein des cultures ? D’autre part, cela ne vont-t-il pas accentuer encore davantage la césure entre petits paysans et grands exploitants ?

2. Quel(s) impact(s) sur les savoirs agricoles culturels locaux ?

À travers la partie précédente, nous avons analysé comment les paysans à petite échelle étaient exclus de la chaîne de valeur par l’imposition d’un modèle développementaliste modernisateur. Désormais, nous allons nous concentrer sur les éventuels impacts que pourrait avoir la nouvelle révolution verte sur les savoirs agricoles culturels locaux.

2.1. La transformation des lois foncières et semencières : vers une standardisation contrôlée

Au cours du second chapitre, nous avons analysé les divers acteurs majeurs présents dans la nouvelle révolution verte. Nous nous sommes intéressés à leurs fonctions, leurs engagements, mais aussi en particulier aux divers liens qui existaient entre eux. Ce dernier point est important puisque nous avons remarqué d’une part, que l’ensemble de ces acteurs était tous relié directement ou indirectement, que ce soit sous forme de partenariat, de prise de décision dans des comités, de financement, de donation, et ce, aussi bien au sein des institutions (gouvernementales, continentales, financières, centre de recherches…) que d’associations ou encore d’organisations paysannes telles que la FANRPAN (‘Food, Agriculture and Natural Resources Policy Analysis Network’). D’autre part, ces interconnexions à divers niveaux d’implémentations leurs permettent d’avoir une influence sur les prises de décisions politiques et économiques des gouvernements afin de tenter promouvoir une stratégie agricole propre, celle de l’agrobusiness. Pour cela, ces mêmes acteurs tentent à l’heure actuelle de faire pression sur deux niveaux en Afrique subsaharienne, d’une part les lois foncières, et d’autre part, les lois semencières. On notera par ailleurs que ni la société civile ni les petits producteurs n’ont été consultés pour la mise en œuvre d’un tel cadre législatif semencier [25].

2.1.1. Vers une standardisation sous contrôle des lois foncières…

Un des problèmes récurrents pour les investisseurs du secteur privé en Afrique subsaharienne se concentre autour des lois foncières, qui relèvent bien souvent d’un pluralisme juridique, avec d’un côté la promotion des lois foncières traditionnelles appelées lois coutumières, et de l’autre côté le cadre légal gouvernemental classique. Ainsi, les investisseurs se retrouvent confrontés à une absence de cadastre qui ne leur permet pas de racheter les terres auprès des populations en place sans obtenir un accord gouvernemental au préalable. Cette situation foncière constitue un obstacle pour ces investisseurs, qui, s’ils ne disposent pas de la garantie de pouvoir acquérir de grandes exploitations foncières, ne pourront s’insérer dans le territoire concerné. C’est pourquoi, nous constatons diverses manœuvres afin d’inciter les gouvernements à adopter des lois foncières permettant d’obtenir une délimitation officielle des exploitations agricoles et par conséquent de pouvoir procéder à une titrisation Titrisation Technique financière qui permet à une banque de transformer en titres négociables des actifs illiquides, c’est-à-dire qui ne sont pas (ou pas facilement) vendables. Initialement, cette technique a été utilisée par les établissements de crédit dans le but de refinancer une partie de leurs prêts à la clientèle. Les prêts sont cédés à un véhicule juridique qui émet en contrepartie des titres (généralement des obligations) placés sur les marchés financiers. Avec la titrisation, les risques afférents à ces crédits sont transférés des banques aux acheteurs. Cette pratique s’étend aujourd’hui à d’autres types d’actifs et d’acteurs (portefeuilles d’assurances, immobilier, créances commerciales).

(extrait de Adda, p. 101, t. 1, 1996, p. 101-102)
Cette notion décrit la prépondérance nouvelle des émissions de titres (obligations internationales classiques émises pour le compte d’un emprunteur étranger sur la place financière et dans la monnaie du pays prêteur, euro-obligations libellées dans une monnaie différente de celle de la place où elles sont émises, actions internationales) dans l’activité des marchés. A quoi s’ajoute la transformation d’anciennes créances bancaires en titres négociables, technique qui a permis aux banques d’accélérer leur désengagement à l’égard des pays en voie de développement après l’irruption de la crise de la dette.
La caractéristique principale de cette logique de titrisation est la diffusion du risque qu’elle permet. Diffusion numérique tout d’abord, puisque le risque de défaut des emprunteurs cesse d’être concentré sur un petit nombre de banques transnationales en relation étroites les unes avec les autres. Diffusion qualitative ensuite, puisque chacune des composantes du risque afférent à un titre particulier peut donner lieu à la création d’instruments spécifiques de protection négociables sur un marché : contrats à terme pour se prémunir du risque de change, contrats de taux d’intérêt pour faire face au risque de variation des taux, marchés d’option négociables, etc. Cette prolifération des instruments financiers et des marchés dérivés donne aux marchés internationaux l’allure d’une foire aux risques, selon l’expression de Charles Goldfinger.
de ces dernières, facilitant dès lors, les transactions foncières et modifiant par la même la gouvernance des terres en Afrique [26].
À cet effet, la NASAN a conclu un accord en juillet 2014 avec dix pays africains, les « accords-cadres de coopération ». La Banque mondiale en a fait de même par l’élaboration des « AgDPO » (‘Opération de Politique de Développement de l’Agriculture’) qui offrent des subventions aux gouvernements africains sous respect de trois conditions visant à libéraliser le marché foncier et les lois foncières.
Cette idée similaire a été implantée par le programme américain Millenium Challenge Corporation (MCC) en vue de remplacer la gestion coutumière actuelle. Enfin, l’Union africaine (UA), la BAD, la Banque mondiale et la ‘Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest’ (CEDEAO) ont conjointement élaboré les « Initiatives sur les Politiques Foncières » (IPF) pour faciliter et diffuser l’application des « Investissements Fonciers à Grande Échelle » (IFGE) dont on comprend directement l’intérêt des investisseurs pour la mise en place d’un tel cadre réglementaire.
Par ailleurs, ces diverses manœuvres viennent nous informer sur le type de système agricole privilégié par la nouvelle révolution verte, puisque par l’intermédiaire d’acquisition de terre à grande échelle, c’est avant tout une agriculture de type agro-industrielle s’appuyant sur la monoculture qui est imposée. De plus, il convient de rester vigilant quant à la possibilité que ces nouvelles lois foncières n’entraînent pas de déplacement de population sans consentement, voire que cela ne soit pas une incitation à la problématique très actuelle des accaparements de terre où la Banque mondiale a déjà reconnu son implication [27].

2.1.2. … et des lois semencières en Afrique

Les lois semencières africaines sont aujourd’hui l’autre élément central sur lequel les protagonistes de la nouvelle révolution verte font pression. En effet selon eux, afin d’atteindre l’objectif de réduction de la faim et de la pauvreté en Afrique par la révolution verte, l’ensemble de ces protagonistes prône l’utilisation et la diffusion de semences améliorées et/ou génétiquement dans les exploitations agricoles subsahariennes. Cependant, on estime qu’à l’heure actuelle, entre 60 et 100 % des semences plantées dans les pays en développement proviennent du secteur informel par l’intermédiaire des petits exploitants agricoles qui s’échangent leurs semences les plus résistantes et/ou productives années après années [28].
Ainsi, afin d’inciter l’adoption de ces semences par les agriculteurs, il faut nécessairement au préalable obtenir l’accord des gouvernements pour leurs diffusions. Pour cela, des pressions sont effectuées à deux niveaux, l’un pour définir une loi sur la propriété intellectuelle des semences « améliorées » qui seront utilisées, dans le but que celles-ci ne se répandent sans que les sociétés qui les ont développées n’obtiennent de contrepartie financière ; l’autre niveau pour définir une loi sur la commercialisation des semences afin de pouvoir dresser un catalogue des semences qui seront autorisées sur les marchés semenciers (les semences « améliorées ») et de celles qui seront interdites ou marginalisées (les semences issues du secteur informel).
D’une part, parmi les mesures actuelles développées afin que les pays africains adoptent une loi sur la propriété intellectuelle des semences, nous retrouvons trois accords, déjà en application ou encore en projet. D’abord, deux projets « de protocole de protection des obtentions végétales », celui de ‘l’Organisation Régionale Africaine de la Propriété Intellectuelle’ (ARIPO) et celui de la ‘Communauté de Développement de l’Afrique Australe’ (SADC). Ensuite, une révision de l’accord de Bangui de l’année 1997 par ‘l’Organisation Africaine pour la Propriété Intellectuelle’ (OAPI) en vigueur depuis 2006. À la base de ces mesures, nous retrouvons à tour de rôle, l’AGRA, l’USAID, la Banque mondiale, ou encore les industries agrochimiques tels que Pionner, Monsanto, etc. [29].
Qu’est-ce que ces modifications impliquent ? En réalité, par ces nouveaux cadres législatifs et réglementaires cela va contraindre les exploitants agricoles à petite, moyenne et grande échelle à ne pouvoir utiliser leur propre semence que dans leur propre exploitation (ce qui inclut par conséquent l’interdiction d’échange de semences entre eux et de vente à l’extérieur), et en ce qui concerne les semences améliorées les contraindre à payer des « royalties », c’est-à-dire des droits d’exploitations de ces mêmes semences. C’est donc l’ensemble du système semencier informel qui est remis en cause et mis en danger par de telles mesures.
D’autre part, des mesures sont développées en parallèle afin que les gouvernements africains fixent un cadre réglementaire pour la commercialisation des semences. Pour ce faire, l’AGRA a mis en place le ‘Programme pour les Systèmes Semenciers en Afrique’ (PASS) [30] auquel la Banque mondiale, la NASAN, différents ministères de la Coopération au Développement et de nombreuses industries agrochimiques sont parties prenantes [31]. De même, la COMESA – ‘Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe’ – et la CEDEAO ont défini un nouveau cadre réglementaire qui rend illégal le transfert de semences non-répertoriées dans le catalogue entre États et qui classe comme non réglementaires les semences paysannes locales par l’intermédiaire du ‘Programme Semencier pour l’Afrique de l’Ouest’ (PSAO) développé par l’USAID. Enfin, la ‘Communauté de Développement de l’Afrique Australe’ (SADC) œuvre elle aussi dans l’élaboration d’un catalogue de semences autorisées à la commercialisation au détriment du système semencier informel.
Par conséquent, ces nouveaux cadres législatifs et réglementaires semenciers agissent en faveur d’une libéralisation du marché semencier afin que celui-ci entre en adéquation avec les règles internationales en vigueur que nous connaissons notamment en Europe avec la ‘Politique Agricole Commune’ (PAC). De même, c’est aussi une manière de reléguer au second plan le système semencier traditionnel et la biodiversité qui sont pourtant deux éléments essentiels à la survie des agriculteurs à petites échelles [32]. Enfin, on peut légitimement se demander si ces mesures visent réellement à réduire la faim et la pauvreté en Afrique, alors que dans le même temps, Olivier De Schutter, ex-rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation affirmait en 2009 que « les droits sur la propriété intellectuelle encouragent la standardisation et l’homogénéité, alors que c’est l’agrobiodiversité qui devrait être promue, en particulier face à l’émergence de la menace du changement climatique et de la nécessité de renforcer la résilience en encourageant les agriculteurs à s’appuyer sur une diversité de cultures » [33].
Ainsi, l’ensemble des inquiétudes susmentionnées semblent prendre tout leur sens à travers cette déclaration de la Via Campesina à propos des transformations semencières et foncières imposées par les États occidentaux et les programmes de la nouvelle révolution verte : « La terre, l’eau, les semences et nos terroirs, biens communs gérés par les communautés, deviennent des marchandises sous le diktat du titre foncier, du brevetage du vivant via des lois foncières et semencières diligentées, dépossédant les peuples de leurs droits, qui sont les garants de l’avenir de la planète et de l’humanité » [34].

2.2. Promotion des techniques agraires de la révolution verte au détriment des pratiques locales

Tout d’abord, comme nous l’avons vu, les semences hybrides et intrants chimiques implantés à travers la révolution verte sont tous produits par les leaders de l’industrie agrochimique et biochimique tels que Monsanto, Seed-Co ou encore Syngenta. À ce titre, un rapport de Grain nous renseigne sur la dangerosité pour la préservation des techniques locales d’avoir recours aux biotechnologies et autres organismes génétiquement modifiés (OGM OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.

- Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.

- Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.

- Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante. ). En effet, cela « transfère le contrôle sur la recherche-développement en agriculture vers les firmes multinationales et perturbe un processus collectif de sélection des plantes qui existe depuis des temps immémoriaux » [35].
De même, la marge de manœuvre des agriculteurs est très limitée voire inexistante face à la mise en œuvre de programme tels que l’AGRA ou encore SG 2000 [36]. Comment peut-on préserver les techniques et savoirs locaux alors même que les détenteurs de ces connaissances ne sont pas consultés dans le processus d’élaboration des programmes relatifs à la nouvelle révolution verte ? [37]
Ainsi, cela se concrétise sur le terrain, par un remplacement d’envergure des semences utilisées et améliorées de génération en génération par les agriculteurs locaux, par des semences hybrides financées par les programmes tels que l’AGRA ou la NASAN . Ces mêmes semences qui sont primordiales pour assurer aux producteurs africains une sécurité alimentaire annuelle suffisante dans une logique de polyculture sont donc discréditées ; au profit de ces nouvelles semences hybrides au service d’un modèle agro-industriel occidental aussi destructeur qu’inapproprié.
Pour terminer sur ce point, en plus de pertes de savoirs culturels locaux uniquement sur le plan des semences, la diffusion d’un modèle agro-industriel basé sur la monoculture va inexorablement provoquer des changements importants au niveau de la répartition et du partage des terres. Alors que le système foncier est une question particulièrement délicate en Afrique en raison du pluralisme juridique, avec un entremêlement entre la réglementation officielle et l’organisation coutumière, cette transformation de l’espace foncier ne va-t-elle pas engendrer des conflits entre les exploitants, ou pire encore accroître davantage l’accaparement massif des terres de la part des investisseurs privés ?

2.3. Quel avenir pour les exploitations familiales ?

Alors qu’en Afrique subsaharienne les exploitations familiales représentent 90 % de la production alimentaire, on peut se demander quel sera le devenir de ces populations et exploitants agricoles dans ce modèle agro-industriel ? Comment mettre en valeur leurs modes et leurs conditions de vie dans cette nouvelle révolution verte qui n’en a que le nom ?
Tout d’abord, analysons la définition de ce qu’est une exploitation familiale en Afrique subsaharienne. Elle est « une unité ou entité humaine de production et de création de richesses matérielles et immatérielles, dans laquelle l’exploitant ou les exploitants mettent en œuvre un système de production agricole, [… l’agriculture familiale] s’oppose au modèle de l’agriculture industrielle basée sur la promotion de la rentabilisation des capitaux financiers » [38].
Ainsi, de par cette définition, on remarque instantanément l’absence de deux notions primordiales afin d’assurer le devenir des exploitations familiales dans la nouvelle révolution verte.
D’une part, cette définition nous montre l’importance et la nécessité pour une exploitation familiale de « mettre en œuvre un système de production agricole ». Or, comme nous l’avons vu dans la partie précédente, les petits exploitants agricoles ne sont pas consultés, ni dans le processus d’élaboration de la révolution verte ni dans sa diffusion.
D’autre part, cette définition nous affirme très clairement qu’il y a une incompatibilité entre les deux modèles de productions, celui du modèle de l’agriculture familiale, et celui du modèle de l’agriculture industrielle. En outre, l’hypothèse que nous dressions au sein du chapitre II, où nous mettions en opposition le modèle productiviste de Paul Collier et la nouvelle révolution, et le modèle agroécologique de « polyculture extensive » soutenue par Olivier de Schutter (voir Partie 1), semble se confirmer.
En définitive, le devenir des exploitations familiales en Afrique subsaharienne est sérieusement remis en cause. Mais au-delà des transformations profondes que la nouvelle révolution verte va engendrer au détriment de l’agriculture familiale, cela risque dans un second temps de mettre en péril la production alimentaire africaine à moyen terme.

3. Conséquences écologiques

Un des autres éléments importants dont nous n’avons pas encore parlé se situe au niveau des conséquences et impacts écologiques que les techniques agricoles prônées par la nouvelle révolution verte soulèvent.
À ce titre, la nouvelle révolution verte reposant sur les mêmes techniques et technologies que la première révolution verte, il semble que les conséquences écologiques soient similaires à celles déjà constatées dans la seconde moitié du XX siècle.
D’une part, l’utilisation intensive de l’eau entraîne « l’érosion ou le lessivage des terres cultivées », ainsi que « l’épuisement des sols en oligo-éléments », « l’abaissement des nappes phréatiques », la « salinisation des terrains mal irrigués ». D’autre part, l’utilisation massive d’intrants (pesticides, herbicides, fertilisants) entraîne à moyen terme « une prolifération d’insectes prédateurs » qui s’adaptent au fur et à mesure, de même qu’une multiplication de mauvaises herbes. De même, on relate une « pollution chimique des eaux de surface et souterraines », une « contamination de l’air par les pesticides » ou encore une « propagation involontaire de maladies ou de parasites véhiculés par les eaux d’irrigation » [39].
Ces conséquences nombreuses ne sont toutefois pas exhaustives, et à celles-ci on peut y ajouter des conséquences néfastes sur la santé des exploitants agricoles qui sont en contact permanent avec ces divers produits chimiques. À titre d’exemple récent, on peut mettre en avant la reconnaissance par l’OMS (‘Organisation mondiale de la Santé’) du désherbant ‘Round-up’ comme un produit cancérogène pour les êtres humains. Cet herbicide, produit par la société Monsanto, elle-même partie prenante de la révolution verte, est aujourd’hui le plus utilisé dans le monde [40].
Pour finir, ces répercussions néfastes sont de plus en grande partie imputables au modèle de production de la nouvelle révolution verte, qui par sa propension à mettre en avant des monocultures, agit directement sur la biodiversité existante, et détruit par la même les mécanismes naturels d’autorégulation de la chaîne alimentaire.
Si l’agriculture familiale paysanne n’est également pas exempte d’impacts écologiques (déforestation ou encore une exploitation intensive des ressources végétales pour nourrir le cheptel, etc.), elle n’a pas pour vocation de bouleverser l’environnement naturel et est à ce titre plus adaptée à un modèle agricole durable, de type « polyculture extensive » que nous avons précédemment abordé (voir Partie 1).
Par ailleurs, dans une perspective à court et long terme, l’agriculture familiale est beaucoup moins énergivore que les techniques apportées par la nouvelle révolution verte. En outre, là où les engrais naturels utilisés dans l’agriculture familiale participent à la préservation et au renouvellement de la biodiversité, les intrants chimiques nécessitent la transformation de 1,5 litre de pétrole pour obtenir 1 kg d’azote synthétique [41] en plus de leur coût et de leur impact sur la biodiversité, la régénération des sols, et la santé des êtres vivants.
Autrement dit, il serait beaucoup plus approprié d’optimiser l’agriculture familiale afin qu’elle embrasse pleinement une agriculture écologique, agroécologique. Notamment, en s’appuyant sur ses savoirs notamment au niveau des semences traditionnelles et en y greffant des savoirs scientifiques tels que les techniques dites du « push-pull » ou en permettant aux paysans d’avoir la possibilité d’acquérir un meilleur outillage mécanique.
En définitive, à travers ce troisième chapitre intitulé « La préservation des savoirs et techniques agraires locaux », on constate que la nouvelle révolution verte n’offre pas de perspectives aux petits paysans de l’agriculture familiale et vivrière.
D’abord, nous avons analysé comment ces derniers étaient relégués au dernier rang de la chaîne d’information et d’intronisation de la nouvelle révolution verte. En effet, autant à travers l’EBA (‘Améliorer le climat des affaires dans l’Agriculture’) de la Banque mondiale que le modèle d’investissement participatif que représente le ‘PPP’ (Public-Private-Partnership), nous avons vu que ces outils étaient avant tout l’occasion pour les investisseurs (locaux et étrangers) des grandes multinationales d’acquérir de nouvelles parts de marché plutôt qu’une réelle opportunité de développer un marché local profitable aux populations environnantes.
Nous l’avons vu, cela se traduit par la reproduction d’un modèle modernisateur pourtant inadapté, où l’approche « Top-Down » ne permet pas d’intégrer les paysans au centre des problématiques agricoles locales et nationales.
Plus encore, par la transformation des lois semencières et des lois foncières, la nouvelle révolution verte dans son ensemble est déterminée à remettre en cause l’ensemble des savoirs agraires locaux et de marginaliser par la même les paysans à petite échelle, qui sont pourtant les acteurs de 90 % de la production agricole en Afrique subsaharienne.
Enfin, les acteurs de la nouvelle révolution verte négligent l’importance des impacts écologiques de cette dernière. En outre, au-delà des effets précédemment cités, alors que les effets du changement climatique se font déjà sentir, ces acteurs ne prennent pas en compte l’urgence de mettre en place une transition écologique et sociale à la fois viable et durable, non dépendante des énergies fossiles.
Dans ce dernier chapitre, nous allons en premier lieu nous concentrer concrètement sur l’utilisation de deux semences hybrides déjà implantées en Afrique subsaharienne dans le cadre de la nouvelle révolution verte et analyser quels en sont leurs apports et leurs limites. À travers le maïs ‘WEMA’, et le riz ‘NERICA’, nous verrons s’ils sont ou non une solution viable et envisageable pour l’ensemble des paysans à petite échelle de l’Afrique subsaharienne. Dans une perspective plus large, nous analyserons comment la nouvelle révolution peut, ou ne peut pas, représenter un modèle agricole adapté aux problématiques géographiques, humaines culturelles, écologiques et économiques. Afin d’apporter une analyse plus large des techniques agricoles existantes, nous aborderons dans un dernier point, une des alternatives existantes, le modèle agro-écologique, à travers deux études de Pretty.

1. Études de cas

Après nous être intéressés aux diverses stratégies politiques, économiques et agricoles qui sont appliquées par les différents acteurs de la nouvelle révolution verte pour parvenir à l’objectif de réduction de la faim et de la pauvreté en Afrique, nous allons désormais analyser concrètement sur un plan qualitatif quels aboutissants peuvent offrir la culture de semences hybrides. Pour cela, nous étudierons particulièrement deux types de semences améliorées qui ont été développés, d’une part le maïs ‘WEMA’, et d’autre part le riz ‘NERICA’. Nous observerons et analyserons les résultats obtenus dans leur champ d’application en Afrique.

1.1. Le ‘WEMA’ – ‘Maïs Économe en Eau pour l’Afrique’

Le continent africain est un espace géographique qui est soumis à un large éventail de climats parmi lesquels nous retrouvons un climat de type aride et semi-aride en particulier dans les régions sahéliennes, dans la corne de l’Est de l’Afrique, et à l’extrême sud du continent. Les agriculteurs de ces régions devant faire face à des périodes de sécheresse plus ou moins importantes suivant les saisons voient le manque d’eau impacter négativement leurs rendements agricoles. C’est donc pour cette raison que le projet du maïs ‘WEMA’ a été lancé en 2008, afin d’effectuer les premiers essais en plein air au sein de cinq pays : l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie et le Mozambique [42]. Par ailleurs, l’ensemble de ces pays participe au programme de l’AGRA, tandis que la Tanzanie et le Mozambique font de plus partie des programmes de la NASAN et de Grow Africa. Le ‘WEMA’ qui n’est pas encore commercialisé pour le moment est un projet de ‘PPP’ dirigé par l’AATF, fondation en faveur des biotechnologies créée conjointement par l’USAID, le DFID, la fondation Rockefeller [43] et aussi supportée financièrement par les fondations Gates et Buffet à hauteur de 47 millions USD et par les sociétés agrochimiques Monsanto et BASF à hauteur de 2,5 milliards USD [44]. Le ‘WEMA’ inclut plusieurs semences développées par différentes sociétés dont le ‘Droughtgard’ ou ‘MON 87460’ produit par Monsanto fait partie.
En conséquence, de par ses caractéristiques propres de résistance à la sécheresse, le ‘WEMA’ est censé assurer un rendement de 20 à 35 % supérieur aux cultures classiques et conventionnelles en situation de manque d’eau. L’objectif théorique est donc d’assurer la sécurité alimentaire des pays concernés par l’intermédiaire du ‘WEMA’ qui promet deux millions de tonnes de maïs supplémentaires qu’en temps normal [45]. Pourtant, d’après le rapport comparatif de la société Syngenta consécutif aux premiers essais du ‘MON 87460’, le rendement ne serait supérieur que de 4 à 7 % aux semences de maïs traditionnelles [46]. Par ailleurs, l’Union européenne a publié un rapport suite à l’autorisation de sa commercialisation sur le vieux continent, au sein duquel elle fait état qu’en condition de sécheresse, le gain en productivité du ‘MON 87460’ peut être nul et qu’il est égal voire légèrement inférieur aux semences traditionnelles en situation de stress hydrique modéré [47]. Ainsi, avant même le début des essais en Afrique, le ‘WEMA’ ne tient pas ses promesses et ne présente pas d’intérêts sur le plan des rendements agricoles et sur le plan économique. Ces premiers résultats décevants se sont d’ailleurs confirmés puisqu’en Ouganda et au Kenya le ‘MON 87460’ a été considéré comme non adapté pour le contexte géographique [48]. S’il est possible d’obtenir certains résultats par rapport au ‘WEMA’, il est cependant intéressant de noter que la grande majorité des rapports sur le site de la ‘WEMA’ annonçant des résultats positifs quant à sa viabilité ne sont en réalité pas disponible, les liens internet renvoyant vers « une impossibilité de trouver la page ». En effet, malgré plusieurs essais différés sur le site officiel du maïs ‘WEMA’, il nous a été impossible de consulter les rapports visant à déterminer les apports en terme de rendements du maïs ‘WEMA’. À ce jour, seuls deux rapports sont disponibles sur le site officiel (WEMA Project Report – May 2012 et WEMA Progress Report – March 2008–March 2011), mais aucun d’entre eux ne fournissent d’études quantitatives chiffrées nous permettant d’analyser les potentiels effets du maïs ‘WEMA’ sur les rendements maïsicoles ou sur des externalités positives pour les producteurs.
Pourtant, les acteurs du ‘WEMA’ continuent à tenter de le promouvoir auprès des gouvernements africains, et ce par tous les moyens, puisque deux rapports font références à des ‘pressions’ sur les élus pour que ces derniers suppriment les barrières empêchant la commercialisation du ‘WEMA’ et dans un cadre plus large des cultures GM [49]. De même, il y est fait le constat pour le cas de l’Afrique du Sud, que les petits producteurs n’ont pas du tout été consultés quant au fait que des essais seraient réalisés en plein champ à côté de leurs champs traditionnels [50]. C’est pourquoi, la société civile sud-africaine a fait part de ces réserves quant au développement du ‘WEMA’, considérant d’une part, que plusieurs de variétés de maïs, mais aussi d’autres cultures (sorgho, mil…) résistantes à la sécheresse existaient déjà, et que par conséquent, ils considéraient le ‘WEMA’ comme un « cheval de Troie » visant à entrouvrir les portes à la commercialisation des cultures GM pour ensuite obtenir un accord total sur les cultures GM. D’autre part, ces petits producteurs considèrent que de telles cultures vont entraîner le déplacement des systèmes agricoles existant qui ne pourront cohabiter avec des champs de culture GM sans risque de « contaminer » leurs propres cultures [51].
Des conclusions similaires ont été faites sur le ‘MON 810’, semence développée par Monsanto, censée résister aux attaques des ravageurs, aussi bien sur le plan de la (non-) consultation de la société civile, que sur le plan de l’inefficacité de son gène puisque celui-ci ne s’est pas avéré concluant [52]. Cela a conduit la société civile sud-africaine à faire une demande officielle au gouvernement pour qu’il interdise les cultures GM, au sein duquel un petit producteur affirme que « L’introduction de biotechnologies comme le maïs résistant à la sécheresse en Afrique du Sud et dans l’Afrique subsaharienne porte atteinte à la souveraineté de la population et des agriculteurs sur les semences et l’alimentation. La conservation des semences est très importante pour les agriculteurs subsahariens et pour ceux d’Afrique du Sud en particulier. En outre, cette technologie risque de disqualifier et de détruire les méthodes agricoles des agriculteurs noirs pauvres » [53].
En définitive, le projet ‘WEMA’ ne répond pas d’une part aux objectifs officiels, et d’autre part, ne rencontre pas de succès ou d’avis favorable auprès des petits producteurs. De surcroît, ces variétés sont soumises au ‘royalty free’ c’est-à-dire au droit de propriété intellectuelle qui implique que ces variétés ne sont pas réutilisables gratuitement d’une année à une autre [54]. Dès lors, est-il possible de participer à la réduction de la pauvreté et de réduire la dépendance des petits producteurs aux facteurs externes dans ces conditions ?

1.2. Le ‘NERICA’ – ‘New Rice for Africa’

Les premières recherches pour développer un riz qui rassemblerait les capacités de rendement élevé du riz asiatique (‘Oryza sativa’) et les capacités d’adaptation géographique et météorologique du riz africain (‘Oryza glaberrima’) ont été lancées au début des années 1990. Développé par l’Africa Rice Center (anciennement ‘WARDA’), on retrouve parmi les fondateurs et les financeurs, le CGIAR, la Fondation Rockefeller, l’USAID, les Nations unies ou encore la Banque mondiale [55]. Implanté dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne à l’exception d’une grande partie de l’Afrique Australe et de l’Afrique de l’Est.
Après plusieurs phases d’essais, le ‘NERICA’ a obtenu l’autorisation à sa culture et sa commercialisation en Afrique. À propos de l’augmentation des rendements à proprement dit, il est délicat de s’avancer en faveur ou en défaveur du ‘NERICA’, puisqu’un rapport du CGIAR fait état d’une part, de corrélations positives entre l’utilisation du ‘NERICA’ et l’augmentation des rendements dans quelques cas, mais reconnaît majoritairement d’autre part, une absence de corrélation dans de nombreux autres cas [56].
Par rapport à son adoption par les producteurs, là encore les résultats sont très mitigés puisqu’une étude du ‘Centre Africain du Riz’ (ARC) considérait que le ‘NERICA’ continuait à être utilisé par 4 % à 58 % des producteurs l’ayant testé, aussi bien au Bénin, en Côte d’Ivoire, qu’en Guinée [57]. Ces résultats sont d’autant plus mitigés que les producteurs disposent à l’heure actuelle de subventions pour utiliser le ‘NERICA’. Quelles seraient les conséquences si le ‘NERICA’ ne l’était plus à l’avenir ? De plus, au contraire des semences traditionnelles, le NERICA ne fait pas l’objet d’échange entre les producteurs comme cela est le cas dans un système agricole traditionnel [58]. Malgré tout, la question de la préservation du système semencier traditionnel et de la préservation des savoirs locaux est entière, puisqu’une étude en partie réalisée par ‘ARC’ considère que « la diffusion à 100 % du ‘NERICA’ pourrait entraîner la perte de variétés traditionnelles » [59].
Mais au-delà des difficultés évidentes du ‘NERICA’ sur le plan des rendements et de son adoption par les producteurs locaux, d’autres points inquiètent plus encore. D’abord, les producteurs se retrouvent en net déficit de pouvoir de négociation puisque la littérature nous informe à ce sujet que la production des semences ‘NERICA’ est concentrée dans les mains d’une poignée de compagnies financières pour les cas du Mali, de la Gambie ou encore de l’Ouganda [60]. Par ailleurs, cette situation d’oligopole Oligopole La situation d’oligopole tient à l’interdépendance entre firmes qu’il comporte, « les firmes ne réagissant plus à des forces impersonnelles en provenance du marché, mais personnellement et directement à leurs rivales » (Pickering, 1974). L’oligopole mondial est un « espace de rivalité », délimité par les rapports de dépendance mutuelle de marché reliant le petit nombre de grands groupes qui parviennent, dans une industrie (ou dans un complexe d’industries à technologie générique commune), à acquérir et à conserver le statut de concurrent effectif au plan mondial. L’oligopole est un lieu de concurrence féroce, mais aussi de collaboration entre groupes (Chesnais, 1996). de production et de distribution des semences ‘NERICA’ confirme l’idée de la promotion d’une agriculture de type agrobusiness. Il y est démontré que les investissements actuels sont « strictement orientés vers l’agriculture industrielle, soit dans le cadre de projets de production à grande échelle, soit dans le cadre de programmes de production contractuelle avec des paysans » [61] . Ainsi, comme nous l’avons vu à travers l’exemple de Syngenta (Chapitre III – 1.2), le petit producteur actuel ne reste pas exploitant agricole en tant que tel, mais est contraint à devenir un « ouvrier agricole » au sein d’une usine agroalimentaire par l’intermédiaire d’un contrat.
De plus, on peut s’interroger sur la capacité du ‘NERICA’ à entrer dans les objectifs de la réduction de la faim et de la pauvreté. En effet, il s’avère que la majeure partie de la production de ‘NERICA’ en Afrique subsaharienne est en réalité une culture de rente destinée à l’exportation, notamment pour l’Asie. En outre, quant à son objectif de réduire la pauvreté, on constate que les investissements actuels à destination de l’export (Cameroun, Mozambique, Ouganda, Tanzanie) sont d’une part, effectués par des entreprises étrangères, et d’autre part, que ces mêmes entreprises apportent dans certains cas (Mozambique) leur propre main d’œuvre pour effectuer les transformations technologiques et logistiques nécessaires [62].
Enfin, et ce dernier point comporte un autre réel danger pour la pérennité des cultures et des producteurs à petites échelles, comme nous l’avons évoqué dans la partie sur la transformation des lois foncières et semencières (Chapitre III – 2.1), le NERICA est d’une part, soumis au droit de propriété intellectuelle, et d’autre part, joue un rôle pour obliger les variétés à être autorisées à la commercialisation par l’intermédiaire de l’élaboration d’un catalogue de semences certifiées [63].
En définitive, ces deux études de cas sur le ‘WEMA’ et le ‘NERICA’ ne plaident pas en leurs faveurs. Premièrement, on l’a vu, la question de l’augmentation des rendements est très discutable, tout autant que leurs capacités à résister aux facteurs pour lesquels leurs gènes ont été modifiés (‘Résistance à la sécheresse et aux ravageurs’). Ensuite, comment répondre aux objectifs de réduction de la pauvreté et de la faim alors même que l’on assiste au développement de culture de rentes, destinées à l’exportation, et qui plus est, détenue par un monopole industriel qui dispose de droits de propriétés intellectuelles sur leurs semences, accentuant encore plus la relation de dépendance des exploitants agricoles, et en particulier ceux à petite échelle ? Enfin, quid de l’avenir des petits paysans dans ce schéma de type agrobusiness qui leur est proposé ? On assiste en réalité à la promotion de l’ouvrier agricole, employé par de grandes industries par l’intermédiaire de « contrats fermiers ». Nous allons aborder dès à présent la question des opportunités que peut ou non offrir ce type de contrat pour les agriculteurs à petite échelle dans notre point suivant sur les limites du modèle promu par la nouvelle révolution verte.

2. Quelles limites à la nouvelle révolution verte ?

À travers l’ensemble des recherches menées dans cette étude sur la nouvelle révolution verte, nous avons vu que le modèle agricole qui y était promu était un modèle agro-industriel. En effet, aussi bien de par les acteurs présents, que de par le transfert technologique promu par le recours aux semences améliorées et/ou génétiquement modifiées, le recours aux intrants chimiques ou encore à travers les dynamiques d’investissements mis en avant par les ‘PPP’.
D’une certaine manière, nous assistons par la mise en place de la nouvelle révolution verte à la transposition du système alimentaire que nous pouvons connaître en Europe ou encore en Amérique du Nord qui s’est traduit d’une part, par une concentration accrue des entreprises et par une standardisation des produits au détriment de la biodiversité, et d’autre part, par la promotion d’un secteur parallèle à l’agro-industrie, l’agrobusiness.
Bien sûr, le contexte africain n’est pas comparable aux autres contextes continentaux, et son modèle agricole comportera nécessairement ses propres spécificités. Pourtant, nous l’avons vu précédemment, le modèle agrobusiness est incompatible avec les exploitations agricoles familiales et vivrières Vivrières Vivrières (cultures)

Cultures destinées à l’alimentation des populations locales (mil, manioc, sorgho, etc.), à l’opposé des cultures destinées à l’exportation (café, cacao, thé, arachide, sucre, bananes, etc.). à petite échelle, et alors que ces dernières assurent près de 90 % de la production agricole en Afrique, la question de leur devenir est primordiale. À ce titre, nous avons vu que les programmes de la révolution verte voient au sein des petits exploitants agricoles, non pas une possibilité de les soutenir dans leur mode de production, mais plutôt une possibilité de les inclure au sein de la chaîne de valeur agricole industrielle. Ainsi, le devenir des petits paysans passe par la signature de contrats agricoles avec les exploitants industriels, symbole d’une prolétarisation des exploitants agricoles à travers une agriculture contractuelle [64].
Néanmoins, cette transformation d’un paysan ‘classique’ vers un « ouvrier agro-industriel » (au sens où la matière première appartient au secteur primaire, mais sa transformation et sa diffusion appartiennent au secteur secondaire) pose plusieurs problèmes.
D’abord, une étude sur le système alimentaire mondial démontre qu’en France, la promotion du modèle agro-industriel, la concentration des entreprises et la standardisation des produits qu’elle sous-tend ont entraîné une baisse des emplois dans l’agriculture [65]. Cela pose clairement la question du devenir de l’ensemble des exploitants agricoles à petite échelle, d’autant plus qu’il est souligné que la population active du système alimentaire a diminué de 12 % entre 1980 et 2003 [66], alors que celle-ci avait déjà chuté vertigineusement depuis la fin de la première guerre mondiale en parallèle de la fin de la seconde révolution industrielle. De même, si d’après ce modèle, les paysans seront à terme destinés à sortir du secteur agraire, les autres secteurs d’activités seront-ils capables d’absorber cette nouvelle main d’œuvre ? Sans oublier la nécessité de créer de nouvelles entreprises et de mettre en place un système de formation professionnelle accessible et disponible pour l’ensemble des paysans à petite échelle.
Ensuite, ce glissement vers une agriculture contractuelle n’est en aucun cas une garantie pour les (futurs) salariés de sortir de la pauvreté. En effet, dans un rapport sur le Malawi en tant que rapporteur spécial des Nations unies, Olivier de Schutter fait état de salaires insuffisants, dépendant des rendements, et l’emploi de 78.000 enfants dans le secteur du tabac . Des conclusions similaires sont tirées à propos d’une étude sur l’agrobusiness à Madagascar. Il y est fait référence à des salaires inférieurs à ce que les agriculteurs dégagent habituellement par leur activité, et dans le cas contraire, que ces salaires n’étaient pas suffisants pour leur permettre de sortir de la pauvreté. De même, sont relevés des problèmes visant à la reconnaissance des droits fonciers coutumiers qui ont conduit à une insécurité foncière générale [67].
Par conséquent, les opportunités bénéfiques de l’agriculture contractuelle ne sont pas évidentes, ce qui amène Olivier de Schutter à encourager au minimum la création d’un cadre légal pour l’agriculture contractuelle visant à assurer aux agriculteurs à petite échelle le respect de leur droit à l’alimentation, tout en les incluant au centre des négociations. Par ailleurs, il insiste néanmoins sur l’existence de modèles économiques plus inclusifs pour les petits exploitants où ces derniers seraient leurs propres gérants d’entreprises, ou encore la promotion de la vente directe aux consommateurs [68].
Ainsi, à travers ces premiers points, la nouvelle révolution verte n’est pas en mesure de permettre aux agriculteurs à petite échelle de sortir de la pauvreté. Nous souhaitons maintenant apporter plusieurs autres limites à la nouvelle révolution verte à moyen et long terme. En effet, dans l’hypothèse où la révolution verte serait effectivement un succès dans le contexte de l’Afrique subsaharienne (ce dont nous doutons très fortement), plusieurs éléments viennent nous interroger quant à sa pérennité.
D’abord, nous l’avons vu, la promotion et l’utilisation des semences hybrides, améliorées et/ou génétiquement modifiées ainsi que des herbicides et pesticides sont au centre de la nouvelle révolution verte. Pourtant, nous l’avons vu précédemment, leurs utilisations n’engendrent pas nécessairement de meilleurs rendements agricoles. De plus, il s’est avéré, aussi bien dans le cas des semences, que dans le cas des herbicides, que les gènes censés s’attaquer aux ravageurs, insectes, ou encore à la sécheresse ne faisaient pas obstacle à l’adaptation des organismes naturels pour s’implanter, les rendant par la même inefficaces. Ainsi, aussi bien dans le cas de l’utilisation de l’insecticide Round-up que dans l’utilisation du ‘WEMA’, ces derniers ont été rendu obsolète après une période plus ou moins longue [69].
D’autre part, la mécanisation agricole, tout autant que la production d’engrais et de pesticides sont très dépendante des énergies fossiles puisque celle-ci sont produites par l’intermédiaire du pétrole. Alors que l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA) annonce un déclin très net de la production pétrolière d’ici à 2035 [70], quel sera l’avenir des exploitants agricoles de petites et grandes échelles alors même qu’ils se retrouvent en situation de grande dépendance face à l’utilisation des intrants et des pesticides dans un tel modèle agricole ? Alors que dans les années 1970, la crise pétrolière a eu pour effet d’augmenter les coûts de production tout en faisant chuter le prix des céréales [71], un manque de disponibilité du pétrole à l’avenir entraînerait inévitablement une hausse du prix des intrants avec des conséquences que l’on peut imaginer négatives et importantes pour les agriculteurs. De même, à l’heure du réchauffement climatique et de la raréfaction de la disponibilité de l’eau, alors que le continent africain sera particulièrement impacté sur ce point, est-il viable sur le long terme de promouvoir un mode de production agro-industriel dont on sait qu’il est un grand consommateur d’eau ?
Par ailleurs, la nouvelle révolution verte et la promotion de l’agro-industrie et de l’agrobusiness entrent en contradiction avec la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement’ (OMD), désormais Objectifs de Développement Durable (ODD) jusque 2030. Par exemple, l’OMD 7 « Préserver l’environnement » ne peut pas être réalisé par les techniques agro-industrielles. De même, les nouveaux règlements visant à définir un catalogue de semences commercialisables sont en opposition avec le sous-objectif de l’OMD 7 de réduire la perte de la biodiversité. Aussi, nous l’avons vu à travers notre étude, il sera très difficile d’être en accord avec l’OMD 1 pour « Éliminer l’extrême pauvreté et la faim » avec de telles réglementations. En effet – au-delà du revenu minimum de 1,25 USD par jour par personne fixé par la Banque mondiale qui nous paraît très discutable – les techniques employées ne permettent pas aux petits paysans d’obtenir un meilleur revenu. En outre, il n’y a pas de liens réels entre l’augmentation de la production agricole et la réduction des inégalités de richesses et de la pauvreté dans le monde [72].
Enfin, dans cette recherche, nous avons plusieurs fois fait référence à l’absence remarquée des organisations paysannes reconnues – telles que la ROPPA, la PROPAC ou encore la Via Campesina – dans la nouvelle révolution verte, tout autant au fait que les paysans n’aient pas été consultés avant que des transformations foncières et semencières ne soient mises en place. Il nous semblait important de souligner une nouvelle fois cet éloignement volontaire de ces dernières vis-à-vis de la nouvelle révolution verte. Ainsi, deux pétitions ont été lancées par la société civile africaine, l’une expressément contre l’AGRA en 2012 [73], et une autre contre l’AGRA et la NASAN qu’ils considèrent comme de « nouveaux colonisateurs » [74]. Parmi les instigateurs et les signataires de ces pétitions, sans être exhaustif, nous retrouvons la ROPPA, la PROPAC, l’AFSA, le ‘Centre Africain pour la Biosécurité’ (ACB) ou encore la Via Campesina. Ainsi, une grande interrogation subsiste, si la nouvelle révolution verte est censée être à destination des agriculteurs à petite échelle, pourquoi l’ensemble des réseaux les représentants n’en sont-ils pas parties prenantes ?

3. Quelles alternatives ?

Alors que nous venons de voir que la révolution verte comportait de nombreuses limites autant dans sa propension à réduire la pauvreté et la faim, que dans sa capacité à offrir de réelles perspectives pour les agriculteurs à petite échelle, nous allons désormais mettre en avant un système agricole alternatif qui constitue une solution aussi bien en termes de rendements agricoles que d’opportunités pour les petits paysans, le modèle agroécologique.
Pour ce faire, nous appuierons notre analyse à travers d’une part, deux études de 2006 et de 2003 menées par Jules Pretty, que nous mettrons d’autre part en rapport avec les recommandations d’Olivier de Schutter, ex-rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation.
Intéressons-nous dans un premier temps à ce qu’est l’agroécologie. Comme est-elle définie ? Quelle(s) logique(s) sous-tend-elle ? Quelle(s) mécanisme(s) ? Sur ce point, Miguel Altieri, professeur en Agroécologie à l’Université de Californie, nous indique que l’agroécologie est un modèle agricole « fondé sur les sciences modernes (écologie, anthropologie, économie écologique…), les connaissances traditionnelles des agriculteurs et la recherche participative dans les champs des paysans […] [et qu’à ce titre, l’agroécologie] répond aux besoins et aux aspirations des agriculteurs » [75]. Par conséquent, l’agroécologie répond bien plus aux problématiques paysannes que le modèle représenté par la nouvelle révolution verte. À titre d’exemple, on retrouve les sciences au service de l’agriculture et de la paysannerie et non l’inverse comme présenté précédemment à travers le modèle « Top-Down ». En outre, Altieri poursuit et considère que l’agroécologie est une « agriculture de processus [qui] intègre les processus naturels (régénération et oxygénation des sols, etc.) et sociaux (la paysannerie)  ; utilisant une approche holistique ; en évolution permanente (à plusieurs visages, s’adaptant aux contextes locaux) ; créant et renouvelant la connaissance » (permettant une application à court et long terme) [76].
Ainsi, dans son étude de 2006, Pretty part du principe que l’augmentation de la production agricole à elle seule n’est pas suffisante pour réduire la faim et la pauvreté, mais qu’il faut particulièrement s’intéresser aux personnes qui produisent et qu’il faut profiter de leurs connaissances pour ensuite apporter la technologie nécessaire à l’implantation d’un système agricole viable et durable. Afin de démontrer la viabilité de l’agroécologie, Pretty se base sur un total de 286 projets d’agriculture durable à petite échelle (inférieur ou égal à 2 hectares), au sein de 57 pays en voie de développement sur les continents africain, asiatique et sud-américain. Aussi, afin d’avoir la meilleure représentativité possible, ces projets comportent huit systèmes agricoles différents selon une classification faite par la FAO, on y retrouve des systèmes agricoles à petite échelle de type : « irrigué ; riz en zone humide ; pluviale en hauts plateaux ; pluviale sec/froid ; mixte ; côtière/littoral ; potager urbain » [77].
Par ailleurs, puisque l’agroécologie se définit comme une science réunissant de nombreuses pratiques agricoles diverses visant à reproduire les mécanismes naturels d’autorégulation et qu’elle est aussi la plus à même de répondre « aux besoins des petits producteurs » [78], ces 286 projets agroécologiques associeront au maximum de leurs possibilités suivant le contexte climatique et géographique, 7 systèmes agricoles différents. On retrouve trouve donc : « une gestion intégrée des ravageurs » par une biodiversité intégrée visant une consommation de pesticide nulle ; « une gestion intégrée des éléments nutritifs » visant à fixer l’azote sur les plantes par l’utilisation d’apports organiques et non organiques ; « une limitation du labour » des terres pour stopper l’érosion et favoriser la régénération des sols par l’intermédiaire de l’humus notamment ; « l’agroforesterie » c’est-à-dire associer des arbres spécifiques aux cultures pour bénéficier de leurs avantages (zones ombragées, rétention de l’eau, attire/repousse certains ravageurs…) ; « l’aquaculture » c’est-à-dire associer des organismes marins aux cultures dans le cas des rizicultures notamment ; « une meilleure collecte de l’eau », de pluie notamment ; « l’intégration de l’élevage » (bovins, volaille…) notamment pour bénéficier de leurs déjections comme engrais naturel, pour désherber, ou encore repousser des ravageurs.
Le but principal de cette étude est de démontrer que l’agroécologie a des impacts positifs sur la production agricole. Pour cela, elle comporte trois objectifs visant d’une part à adopter « une meilleure gestion de l’eau », d’autre part, avoir un impact positif sur la séquestration du carbone qui participe au réchauffement climatique, et enfin de lutter contre les ravageurs (insectes, maladies…) sans avoir recours aux pesticides, ou très peu si cela s’avère indispensable [79].
En définitive, les résultats obtenus sont très positifs. En effet, sur l’ensemble des 286 projets, la productivité des récoltes a augmenté en moyenne de 74 % tandis que dans le même temps, 77 % des projets ont réduit considérablement l’utilisation de pesticide tout en assurant un gain de productivité moyen de 42 %. L’étude conclut aussi que la meilleure gestion des eaux de pluie a eu un impact positif sur les rendements et qu’elle a conduit à une meilleure captation du carbone.
En conclusion de son étude, Pretty démontre la possibilité d’appliquer l’agroécologie afin d’une part, d’augmenter les rendements, et d’autre part, de permettre aux petits producteurs d’être moins dépendants à des facteurs externes tels que l’utilisation d’intrants chimiques. En outre, il conclut en insistant sur la nécessité d’entreprendre des politiques visant à assurer un revenu minimum pour les petits producteurs afin qu’ils puissent accéder à d’autres techniques agroécologiques pouvant améliorer davantage les résultats obtenus.
Par ailleurs, si cette étude nous informe sur la viabilité du modèle agroécologique, il est particulièrement intéressant de coupler ces objectifs avec les recommandations faites par Olivier De Schutter en 2013.
En effet, il considère que l’agriculture a besoin à l’heure actuelle de cinq changements majeurs parmi lesquels il se positionne en faveur d’une « diversification de l’agriculture », ainsi qu’une « révolution marron » couplée à une « révolution bleue » [80]. Par « diversification de l’agriculture », il entend notamment la production d’un plus grand éventail de fruits et légumes, ou encore le recours à l’agroforesterie. Ce premier point fait donc particulièrement écho à l’étude de 2006 de Pretty, puisque l’agroécologie englobe aussi bien une diversité de culture qu’une diversité de systèmes agricoles. De même, la « révolution marron » mise en avant s’accorde particulièrement sur l’amélioration de la santé et de la fertilité des sols, et notamment en ayant recours à une plus grande biodiversité, tout en stoppant les intrants non organiques au profit des intrants organiques. Là encore, nous retrouvons un point essentiel de l’étude de 2006. Enfin, Olivier De Schutter est favorable à une « révolution bleue » par une meilleure gestion des eaux, une meilleure conservation de celle-ci tout en améliorer les systèmes d’irrigation. Pareillement au point précédent, la gestion de l’eau est un des points centraux dans l’étude de Pretty. Que pouvons-nous déduire de cette comparaison entre le recours à l’agroécologie d’une part, et les recommandations d’Olivier de Schutter ? Il semblerait que l’agroécologie puisse répondre à l’ensemble des prérogatives mises en avant ayant pour objectif d’assurer la sécurité alimentaire des producteurs tout en ayant une gestion durable des terres.
Parallèlement, dans une étude similaire réalisée en 2003 portant sur 208 projets, des conclusions analogues sont dressées quant à la possibilité de l’agroécologie d’augmenter les rendements. À titre d’exemple, l’emploi de l’agroécologie a permis dans la vallée d’Ansokia d’augmenter la production agricole de 50 % en l’espace de 6 ans ; à Bushenyi en Ouganda, le projet a permis aux petits producteurs de vendre chaque semaine des surplus de bananes et même de la viande alors que cela était impossible auparavant, assurant ainsi un revenu à ces mêmes producteurs ; enfin à Nahud au Soudan, les petits paysans étaient désormais en situation d’autosuffisance alimentaire [81].
De plus, ce qui retient particulièrement notre attention dans cette étude, ce sont les externalités positives de l’agroécologie sur les agriculteurs ruraux à petite échelle. En effet, Pretty regroupe les bénéfices de l’agroécologie pour les producteurs en trois entités : le « capital naturel », le « capital social » et le « capital humain ». Est inclus dans le « capital naturel » l’ensemble des 3 sous-objectifs que nous avons traité dans l’étude de 2006 (réduction de l’usage de pesticide, meilleure gestion de l’eau et meilleure absorption du carbone). Le « capital social » évoque ici l’impact positif sur l’organisation sociale et collective des agriculteurs participants à ces projets. Par-là, Pretty évoque les bénéfices de l’agroécologie au niveau d’une meilleure répartition des tâches agricoles ou encore une amélioration dans la gestion collective des ressources naturelles. Enfin, le « capital humain » fait lui référence aux effets bénéfiques pour les êtres humains directement, c’est-à-dire une réduction des maladies, une plus grande estime de soi qui est indispensable pour faire évoluer ingénieusement les systèmes agricoles, ou encore une amélioration du statut des femmes en général qui doivent généralement supporter en plus des tâches agricoles, des tâches ménagères et maternelles. Pour approfondir ce point, Isabel Yépez Del Castillo, Sophie Charlier et Hélène Ryckmans nous informent que l’amélioration du statut et des conditions de vie des femmes du Sud en milieu rural sont davantages liés à un problème d’accès, d’utilisation et de contrôle des ressources, tant sur le plan foncier que sur le plan culturel [82]. De plus, les conséquences positives de l’agroécologie sur le capital humain ont permis d’un côté de réduire les migrations dont est particulièrement victime le monde rural en Afrique subsaharienne, mais surtout d’offrir de nouvelles opportunités d’emplois localement [83].
En conclusion, quelles déductions peut-on tirer d’un système agroécologique ? Premièrement, nous avons vu que les pratiques agroécologiques permettent de sauvegarder les sols et même de les améliorer au fur et à mesure des années, ce qui laisse présager une augmentation croissante des rendements à courts, moyens et longs termes. De même, l’agroécologie renforce l’indépendance des agriculteurs à petite échelle puisqu’elle ne nécessite pas l’achat d’intrants ou de pesticides externes coûteux. De plus, nous avons vu qu’elle avait un impact positif sur l’estime de soi, ce qui aura probablement un impact positif sur le renforcement des systèmes semenciers traditionnels en plus d’inciter à l’innovation et à la réflexion collective.
Deuxièmement, l’agroécologie est un réel moyen d’assurer une autosuffisance alimentaire dans une localité qui la pratiquerait, et est en ce sens un réel outil pour éradiquer la faim. Aussi, elle permet de dégager un revenu supplémentaire en revendant les surplus, ce qui n’était pas forcément possible avant. Dans cette optique, il semblerait que l’agroécologie puisse permettre aux populations de sortir de la pauvreté puisque d’une part, elle permet de dépenser moins de ressources financières qu’un système basé sur des semences hybrides (dont les droits d’exploitations sont protégés) et des intrants chimiques, et d’autre part de dégager un revenu supplémentaire par la revente des surplus agricoles. Enfin, par la création d’emploi qu’elle semble engendrer, l’agroécologie paraît plus à même d’offrir un rôle central aux petits paysans que dans le modèle promu par la nouvelle révolution verte, où ces derniers se dirigeraient hors de l’agriculture voire d’une activité.
À travers cette recherche et cette analyse des évolutions entre d’une part, la première révolution verte de la seconde moitié du XXe siècle menée en Amérique Latine, en Asie, et en Afrique, et d’autre part la nouvelle révolution verte lancée depuis les années 2000 en Afrique subsaharienne, nous avons tenté de répondre à la question du rôle que peuvent ou vont jouer les petits exploitants agricoles, c’est-à-dire la paysannerie, au sein de cette dernière. Dès lors, plusieurs éléments que nous avons analysés nous interpellent et nous amènent à penser que ce rôle sera à la fois restreint, contraint et limité.
En premier lieu, une des raisons de l’échec de la première révolution verte était que les technologies mises en avant n’étaient pas adaptées au contexte africain, avec notamment pour conséquence un désengagement total des petits exploitants agricoles, qui entre autres, ne pouvaient pas supporter les coûts importants engendrés par l’utilisation de ces mêmes techniques (semences, fertilisants, herbicides…). Alors que nous l’avons vu, la définition des techniques utilisées par la nouvelle révolution verte est sensiblement la même que pour la précédente, ces conséquences se réitéreront irrémédiablement. Ainsi, notre première hypothèse – La nouvelle révolution verte a pris en compte les succès et limites de la première révolution verte du XXe siècle – est très nettement infirmée.
En second lieu, nous avons pu remarquer que de nombreux intérêts économiques (et politique) étaient liés entre les différents acteurs de la nouvelle révolution verte. Ainsi, la présence de la quasi-totalité des acteurs déjà présents lors de la première révolution verte annonce une répétition des échecs antérieurs. De même, alors que nous avons vu que l’exploitation agricole de type familiale s’opposée formellement à une exploitation de type agro-industriel, les intermédiaires privilégiés et convoqués pour la réalisation de cette nouvelle révolution verte rentrent en contradiction avec l’objectif premier d’irradier l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne. En conséquence, deux de nos hypothèses de départ – Les fondements (agricoles, économiques, géographiques) de la nouvelle révolution verte sont adaptés aux contextes de l’agriculture familiale et vivrière en Afrique subsaharienne – ainsi que – Les paysans sont intégrés au centre du processus de réflexion et d’intégration des programmes agricoles relevant de la nouvelle révolution verte – sont de nouveau réfutées. En outre, l’introduction d’un modèle agricole à monoculture intensive soutenu par la nouvelle révolution verte et la Banque mondiale entre en contradiction avec le modèle agricole de la paysannerie, c’est-à-dire, une agriculture familiale et/ou vivrière, qui rappelons-le, représente à l’heure actuelle 90 % de la production agricole subsaharienne. De même, l’absence de consentement et de participation des organismes de défenses des droits des paysans, autant que l’approche développementaliste adoptée par les programmes de la nouvelle révolution verte, symbolisée par une chaîne de valeur verticale (Top-Down) avec pour objectif de les amener à « l’échelon ultime » d’ouvrier agricole, ne laissent que peu d’espoir à une appropriation de la nouvelle révolution verte par ces derniers. En effet, comment trouver un équilibre de pouvoir de décision et d’action dans un tel schéma ? Avec d’un côté, des firmes multinationales leaders sur leurs marchés respectifs (Monsanto, Unilever, Syngenta, Dupont,…) et de l’autre côté, les exploitants familiaux, qui bien que majoritaire, n’ont, en raison de leur pauvreté, peu ou pas de pouvoir décisionnaire important à quelques niveaux que ce soit (national, régional, et local).
Enfin, le dernier point que nous aimerions mettre en avant, et celui des impacts écologiques et culturels. Alors que les conséquences écologiques, mais aussi sanitaires des productions agricoles industrielles sont très largement connues, aussi bien au niveau des populations, qu’au niveau des terres arables, nous pouvons légitimement nous poser la question de la pérennité de la nouvelle révolution verte. Comment ces populations vont-elles pouvoir réagir une fois que les programmes présents sur place ne financeront plus ces techniques et ne subventionneront plus ce secteur ? À cet effet, la dernière hypothèse que nous avions émise – La nouvelle révolution verte est un modèle adapté à la résolution des problèmes liés à la faim et l’extrême pauvreté dans le bassin subsaharien – est infirmée. Plus concrètement, – comment d’une part, la transformation des lois foncières, synonyme d’ouverture du rachat des terres paysannes par les investisseurs d’envergures et de dépossession des terres arables pour les populations locales ; et d’autre part, la transformation des lois semencières, synonyme à terme de disparition des cultures semencières traditionnelles libre de tout droit d’exploitation commerciale et par conséquent d’une dépendance accrue des paysans envers les semences commercialement protégées – comment un tel modèle peut-il à terme entraîner des perspectives positives en terme de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté pour cette catégorie de la population ?
Dans une perspective où nous considérerions que le but de la nouvelle révolution verte est d’attirer de nouveaux capitaux étrangers, d’inciter à l’investissement, de développer un modèle agricole sur un modèle productiviste, on peut effectivement penser que cela aura un impact positif sur des indicateurs économiques tels que le PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
ou encore la balance commerciale Balance commerciale
Balance des biens et services
La balance commerciale d’un pays mesure la différence entre ses ventes de marchandises (exportations) et ses achats (importations). Le résultat est le solde commercial (déficitaire ou excédentaire).
. Néanmoins, une progression de ces mêmes indicateurs économiques est-elle synonyme de réduction de la pauvreté et de réduction des inégalités ? La réponse est dès lors beaucoup plus discutable. En effet, toute chose égale par ailleurs, l’histoire contemporaine africaine est parsemée de telles initiatives, appelées « Programmes d’Ajustement Structurel » dans les années 1980, ou encore les « Documents Stratégiques pour la Réduction de la Pauvreté » au tournant des années 2000, qui en dépit d’une libéralisation de l’économie et d’une uniformisation des politiques employées, n’ont pas permis à l’Afrique subsaharienne et à l’Afrique toute entière de redresser son bilan économique, agricole, ou encore écologique, puisqu’au contraire les inégalités se sont accrues au sein des populations.
Ainsi, la nouvelle révolution verte est à réfléchir et analyser dans une perspective beaucoup plus large, une perspective globale, à la fois économique, politique, écologique, sociologique et financière. À l’heure actuelle, la nouvelle révolution verte est avant tout, un outil de dépossession des capacités de productions des paysans, et un outil de soumission de ces derniers à un modèle productiviste et extractiviste dont les petits paysans ont déjà affirmé leur refus lors de la première révolution verte, autant qu’un synonyme d’une perte de souveraineté des Etats sur leur propre sol.
[1World Bank. (2015 b). Enabling the Business of Agriculture – Fact Sheet. Disponible à : http://eba.worldbank.org/ /media/GIAWB/AgriBusiness/Documents/Misc/EBA-Fact-Sheet-2015.pdf. Page 1.
[2Moore, M. (2014). The World Bank’s Bad Business with Seed and Fertilizer in African Agriculture. The Oakland Institute. Disponible à : http://www.oaklandinstitute.org/sites/oaklandinstitute.org/files/OurBiz_Brief_Seedreport.pdf. Page 4.
[3Banque mondiale. (2015a). Améliorer le climat des affaires dans l’agriculture 2015. Disponible à : http://eba.worldbank.org/ /media/GIAWB/AgriBusiness/Documents/Report/Enabling-the-Business-of-Agriculture-2015-French.pdf.
[4Ibid. Page 3.
[5Ibid.
[6Désiré, Y. (2014). « Doing Business » et « Benchmarking Business of Agriculture » : même combat ! Disponible à : http://cadtm.org/Doing-Business-et-Benchmarking et Fraser, E. (2014). New Name, Same Game. World Bank’s Enabling the Business of Agriculture. The Oakland Institute. Disponible à : http://www.oaklandinstitute.org/sites/oaklandinstitute.org/files/New%20Name%2C%20Same%20Game_0.pdf. Page 3.
[7Banque mondiale. (2015a). Améliorer le climat des affaires dans l’agriculture 2015. Disponible à : http://eba.worldbank.org/~/media/GIAWB/AgriBusiness/Documents/Report/Enabling-the-Business-of-Agriculture-2015-French.pdf. Page 3.
[8NASAN. (2013). Country cooperation framework to support the new alliance for food security & nutrition in Malawi. UK Department for International Development. Disponible à : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/208059/new-alliance-progress-report-coop-framework-malawi.pdf. Page 5.
[9Schümperli Younossian, C., & Dommen, E. (2005). Les partenariats public-privé, enjeux et défis pour la coopération au développement. Annuaire suisse de politique de développement, 24(2), 9-19. Page 9.
[10Sulle, E. and Hall, R. (2013). Policy Brief : Reframing the New Alliance Agenda : A Critical Assessment based on Insights from Tanzania. Disponible à : http://www.future-agricultures.org/publications/research-and-analysis/policy-briefs/doc_download/1735-reframing-the-new-alliance-agenda-a-critical-assessment-based-on-insights-from-tanzania. Page 5.
[11Patel, R. (2013). The long green revolution. The Journal of Peasant Studies, 40(1), 1-63.Page 22.
[12ACB. (2010). Water Efficient Maize for Africa : Pushing GMO crops onto Africa. Disponible à : http://www.biosafety-info.net/file_dir/13096942934d521e230db9f.pdf. Page 7.
[13Grain. (2014). Comment la Fondation Gates dépense-t-elle son argent pour nourrir le monde ?. Grain, 17 novembre 2013. Disponible à : http://www.grain.org/fr/article/entries/5076-comment-la-fondation-gates-depense-t-elle-son-argent-pour-nourrir-le-monde. Page 7.
[14Ibid.
[15Grow Africa. (2014a). Agricultural partnerships take root across Africa. Grow Africa Association. Disponible à : http://www3.weforum.org/docs/IP/2014/GA/WEF_GrowAfrica_AnnualReport2014.pdf.
[16Via Campesina (2015). Non aux multinationales ! Le pouvoir des multinationales et leur impunité étouffent la voix des peuples. LVC. Disponible à : http://viacampesina.org/fr/index.php/actions-et-nements-mainmenu-26/non-aux-multinationales-mainmenu-72/1105-le-pouvoir-des-multinationales-et-leur-impunite-etouffent-la-voix-des-peuples.
[17Rostow, W. W., & Du Rouret, M. J. (1963). Les étapes de la croissance économique. Editions du Seuil.
[18CEA. (2005). Rapport sur la gouvernance en Afrique 2005. Commission Economique pour l’Afrique. Disponible à : http://repository.uneca.org/bitstream/handle/10855/776/bib.%2012106.pdf?sequence=1.
[19Zhou, Y. (2010). Smallholder Agriculture, Sustainability and the Syngenta Foundation. Syngenta Foundation for Sustainable Development. Disponible à : http://www.syngentafoundation.org/__temp/Smallholder_Agriculture__Sustainability_and_the_Syngenta_Foundation.pdf. Page 4.
[20AGRA. (2013a). Africa Agriculture Status Report. Focus on staple crops. AGRA. Disponible à : http://wwww.agra-alliance.org/download/533977a50dbc7/. Page 56.
[21McKeon, N. (2014). The New Alliance for Food Security and Nutrition : a coup for corporate capital. TNI Agrarian Joint Programmme. Policy Paper. TNI and Terra Nuova, Amsterdam. Page 8.
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[64Li, T. M. (2011). Centering labor in the land grab debate. The Journal of Peasant Studies, 38(2), 281-298. Page 296.
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[79Pretty, J. N. & al. (2006). Resource-conserving agriculture increases yields in developing countries. Environmental science & technology, 40(4), 1114-1119. Page 1114.
[80De Schutter, O. (2013). Mandate of the Special Rapporteur on the right to food. Mission to Malawi from 12 to 22 July 2013. Disponible à : http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20130722_Malawi_en.pdf. Page 6.
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19 novembre 2021, par Rémi Vilain

19 mai 2021, par Eurodad , Rémi Vilain , Jaime Atienza , Tirivangani Mutazu , Muchimba Siamachoka

9 décembre 2020, par CADTM , Eric Toussaint , Camille Chalmers , Maria Elena Saludas , Mireille Fanon-Mendès France , Omar Aziki , Stathis Kouvelakis , Tijana Okić , Rémi Vilain , Miguel Urbán Crespo , Eva Betavatzi , Gilles Grégoire , Mats Lucia Bayer , ReCommons Europe , Véronique Clette-Gakuba , Sara Prestianni

30 novembre 2020, par Sushovan Dhar , Maria Elena Saludas , Omar Aziki , ZinTV , Rémi Vilain , Broulaye Bagayoko

26 novembre 2020, par Eric Toussaint , CADTM International , Jean Nanga , Christine Vanden Daelen , Sushovan Dhar , Maria Elena Saludas , Omar Aziki , Rémi Vilain

2 septembre 2019, par Rémi Vilain , Camille Bruneau , Régis Essono

11 février 2019, par Emilie Tamadaho Atchaca , Adama Soumare , Rémi Vilain , Broulaye Bagayoko , Merlo

6 décembre 2018, par Rémi Vilain , Gilets Jaunes Liège

4 juin 2018, par Rémi Vilain

18 janvier 2018, par Victor Nzuzi , Chiara Filoni , Rémi Vilain
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