On ne va pas en vouloir aux Français de dormir à cette heure indue en semaine, mais ils ont raté un joli moment de gloire du sport tricolore aux JO de Tokyo. Prétendants affirmés à la médaille suprême, la paire française Matthieu Androdias-Hugo Boucheron a parfaitement répondu présent en prenant l’or en aviron, dans leur spécialité du deux de couple. Un troisième sacre pour les Bleus dans ces Jeux japonais, mais là où la victoire de Romain Cannone en escrime et le sacre de Clarisse Agbégnénou étaient regardables en début d’après-midi et en fin de matinée, les sept heures de décalage horaire ont condamné nos rameurs à n’être vus en direct que par une poignée de passionnés et de noctambules.
Sur les réseaux sociaux, quelques internautes tentent de tromper le sommeil en publiant des messages d’encouragements pour les deux athlètes. Membre de l’équipe de France d’aviron aux JO d’Athènes en 2004, Caroline Delas publie sur Instagram les heures des réveils programmés sur son téléphone. Un premier pour la finale B d’Élodie Ravera-Scaramozzino et Hélène Lefebvre, un dernier pour la demie du tandem Claire Bové-Laura Tarantola et, au milieu, le crucial rappel pour ne rien rater du duo, installé à Lyon.
Il est 9h30 à Tokyo, 2h30 à Paris, quand nos deux Bleus mettent le premier coup de rame dans l’eau. La donne est claire. Parmi les favoris de discipline, les champions du monde 2018 doivent se méfier du bateau chinois, mais aussi de l’embarcation néerlandaise, qui lui a chipé le record olympique gratté dès les séries vendredi. Lieu des explications : le canal de la forêt de mer, construit à l’occasion de ces JO, et un temps menacé par une invasion de 14 tonnes d’huîtres sur les flotteurs placés pour protéger les concurrents des vagues de la baie de Tokyo.
🇫🇷🥇 CHAMPIONS OLYMPIQUES !! La paire française Hugo Boucheron et Matthieu Androdias est médaillée d’or, en battant le record olympique !
🔝🤩 Quel pied ! Troisième médaille d’or pour la délégation française.
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En tribunes, une partie des consultants de France Télévisions pointe le bout de nez pour venir soutenir l’embarcation tricolore : l’ancienne handballeuse Valérie Nicolas, la voix de l’escrime Brice Guyart et aussi le spécialiste du skate Greg Poissonier. Quelques rangées plus haut, le manager de la haute performance à l’Agence nationale du sport, Claude Onesta, occupe une place de choix pour voir si Matthieu Androdias et Hugo Boucheron vont contribuer à l’objectif tricolore de 40 médailles.
Sur l’eau, Matthieu Androdias et Hugo Boucheron sont partis vite et passent en tête aux 500 des 2000 mètres qu’ils doivent parcourir. « On gicle fort. Mais derrière, je fais une énorme erreur qui nous ramène dans le paquet, raconte le premier. J’arrive pas vraiment à sortir ma palette (NDLR : le bout de la rame), elle reste dans l’eau. Ça nous casse le rythme.» Ça permet surtout aux rivaux des Bleus de revenir dans le coup, puis de les dépasser. A mi-course, la France pointe en troisième position avec 29 centièmes de retard sur la Chine et 12 sur les Pays-Bas.
Au poste commentateur de France Télévisions, le dernier champion olympique français de la spécialité Adrien Hardy, en 2004 à Athènes, reste optimiste. « Les Néerlandais nous avaient montré sur toutes les courses éliminatoires que sur le troisième 500, celui où la fatigue commence vraiment à s’installer, ils arrivaient à avoir une glisse vraiment efficace et ils faisaient l’écart par rapport à tous les concurrents pour être tranquille ensuite, lâche-t-il. Les Français étaient prévenus, ils ont su répondre à leur attaque et limiter l’hémorragie. »
Androdias et Boucheron restent à portée de tir des Néerlandais. A 500 mètres de la ligne, ils ont 68 centièmes dans la vue sur la paire Twellaar-Broenink. Mais les deux rameurs français ont commencé à augmenter en intensité et avalent leurs rivaux. A 200 mètres de la délivrance, le duo est « sur une autoroute pour ramener l’or », dixit Hardy. Mais une nouvelle erreur, de Boucheron cette fois, met un gros coup de frein au navire. « Là, je lève la tête et je vois les Hollandais revenus à notre hauteur, décrit son aîné. Là, c’était pas beau, mais on balance dix patates de l’espace. » Une obsession dans leur esprit embrumé par l’effort : que leur proue passe la première cette ligne qui se rapproche.
6′00′33′ pour la France, 6′00′53′ pour les Pays-Bas. Pour 20 centièmes, la France est championne olympique. « Quand on franchit la ligne, on ne sait même pas si on est premiers ou deuxièmes », décrit Hugo Boucheron. Son comparse lève la tête, voit le classement du bateau sur l’écran du canal et les Français crier leur joie en tribunes. Il souffle, et balance un cri bestial de joie. Soulagé. Ce titre olympique, « c’est une étoile qu’on a placée au loin et on voulait y croire, lâche-t-il. Il faut la foi, c’est ce qui nous a fait lever tous les matins pour aller au charbon ».
A près de 10 00 kilomètres de là, ceux qui les ont vu suer pour prétendre au Graal savoure. Au cercle aviron de Lyon, où ils sont licenciés on se chauffe la voix pour une Marseillaise qui retentira quand les deux hommes monteront sur le podium, à 3 heures dans le Rhône, à 10 heures au Japon.
« Tous nos français étaient debout. J’ai vu des images du club, il y avait énormément de monde, salue Matthieu Androdias. Ceux qui nous soutiennent ne dorment pas beaucoup depuis le début des Jeux (NDLR : les épreuves d’aviron sont programmés la nuit en France), je leur dis un immense merci. On a tout mis dans ce projet, nos proches ont fait autant de sacrifices que nous durant ce chemin. Ils nous ont apporté énormément de soutien. »
Le reste de la France dort encore. Elle se réveillera dans quelques heures avec les images de ses nouveaux champions olympiques pour accompagner son café et ses tartines.
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