La devise chinoise est tombée à un plus bas depuis 2008 face au dollar. Les marchés sont devenus pessimistes à l'égard du renminbi. La poursuite de sa chute l'expose à une intervention des autorités américaines.
Par Nessim Aït-Kacimi
La Chine ne manipule pas sa monnaie pour l'affaiblir et renforcer sa compétitivité, elle subit le pessimisme des marchés. C'est dans ce contexte que la devise chinoise a touché son plus bas niveau face au billet vert depuis 2008. Le dollar a atteint 7,1525 renminbis et 7,1919 sur le marché offshore, hors de Chine et sur des places comme Hong Kong.
De quoi irriter Washington, qui reproche à Pékin son peu d'empressement à soutenir le yuan. Selon les autorités américaines, la Chine, ne met pas autant d'empressement à faire remonter sa monnaie que par le passé, pour la faire baisser. Elle se satisferait d'une baisse graduelle et ordonnée.
Depuis le début de l'année, la devise chinoise a perdu autour de 5 % globalement, et 4 % face au billet vert. La banque centrale chinoise freine parfois le repli de sa monnaie quand elle le juge trop rapide. Elle établit un cours de référence plus fort qu'il ne devrait l'être selon sa méthodologie et autour duquel le renminbi peut varier de 2 % contre le dollar. Les grandes banques publiques chinoises sont, le cas échéant, priées d'aider les autorités en vendant des dollars contre des renminbis pour stabiliser la monnaie, et éviter que la banque centrale ne puise dans ses réserves de change.
La guerre commerciale persistante avec les Etats-Unis, qui pénalise les exportations chinoises, mine la confiance des entreprises, des consommateurs et des marchés, en particulier envers sa monnaie. Des tensions qui « renforcent les risques d'une guerre des changes (course aux dévaluations compétitives) », soulignent les stratèges de la banque Citi.
En désignant au début du mois d'août la Chine comme un pays manipulateur de sa monnaie, le Trésor américain, en charge de la politique de change des Etats-Unis, avait laissé planer la menace de représailles unilatérales. Sur Twitter, le président Donald Trump a ce week-end, republié la déclaration du Trésor du 5 août qui avait lancé les hostilités contre la Chine . Quand ce pays avait été qualifié de manipulateur de sa monnaie pour la première fois, en mai 1992, la devise chinoise avait perdu 4,2 % dans les 12 mois suivants. Les analystes de Morgan Stanley estiment que les marchés « sous-estiment la facilité avec laquelle les Etats-Unis peuvent intervenir. Ils ont 67,8 milliards de dollars à leur disposition sans avoir à solliciter la Réserve fédérale (Fed), le Congrès ou leurs partenaires économiques ».
Une intervention des autorités américaines sur les places financières de Hong Kong ou Londres pour affaiblir le dollar contre le renminbi serait toutefois perçue comme une déclaration de guerre monétaire. Avant toute action, l'administration américaine devrait menacer ouvertement Pékin de son intention d'intervenir sur le marché des changes, ce qui ferait chuter le billet vert. « La Fed tenterait alors de convaincre le Trésor qu'une telle intervention sur le dollar serait une dangereuse erreur politique. Cela signalerait que ce sont les Etats-Unis qui manipulent leur monnaie et cela affaiblirait la réputation du pays », estime Edwin Truman du Peterson Institute. « Depuis 1980, la Fed et le Trésor ont la plupart du temps coopéré en matière d'intervention sur les changes », rappelle-t-il. Une intervention sur la très sensible parité dollar-renminbi, outre qu'elle condamnerait toute résolution dans la guerre commerciale sino- américaine, ouvrirait une grave crise avec la Fed.
Nessim Aït-Kacimi
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