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Le nouveau ICBM fera prendre conscience au “monde entier (…) de la puissance de nos forces armées stratégiques”, la Corée du Nord est désormais “prête pour une confrontation de longue durée avec les impérialistes américains”. Alors que les yeux sont rivés sur la guerre russe en Ukraine, les propos tenus par le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un font froid dans le dos. Rapportées par KCNA, l’agence de presse d’Etat coréenne, ces menaces ont été proférées alors que la Corée du Nord a lancé jeudi, pour la première fois depuis 2017, un missile “à pleine portée”, qui est tombé dans la zone maritime économique exclusive du Japon, à moins de 200 kilomètres des côtes nippones. Kim Jong Un a personnellement ordonné et supervisé le tir du plus puissant missile balistique intercontinental (ICBM) du pays, qui a volé plus haut et plus loin que tous les précédents ICBM testés par le pays disposant de l’arme nucléaire. Baptisé Hwasong-17, le missile, qui est capable de frapper n’importe quelle partie du territoire américain.
“Le missile, lancé depuis l’aéroport international de Pyongyang, a atteint une altitude maximale de 6.248,5 km et a parcouru une distance de 1.090 km pendant 4.052 secondes avant de frapper avec précision la zone prédéfinie”, a précisé KCNA.
Surtout, « il peut potentiellement transporter des ogives multiples”, a expliqué l’analyste Ankit Panda à l’AFP. D’où son surnom de « missile monstre » qui lui avait été attribué par des experts quand il fut dévoilé en octobre 2020.
Ce tir a suscité une grande émotion. Les résolutions de l’ONU interdisent en effet à la Corée du Nord, frappée par de lourdes sanctions internationales pour ses programmes nucléaire et d’armement, de procéder à des essais de missiles balistiques. Par la voix de son secrétaire général Antonio Guterres, l’ONU a par conséquent “condamné” “avec force” ce tir et une réunion du Conseil de sécurité se tiendra ce vendredi à partir de 15H00 (19H00 GMT). “Le lancement d’un missile de longue portée fait courir le risque d’une escalade des tensions importantes dans la région”, a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général.
Pour le président de la Corée du Sud, Moon Jae, il s’agit “d’une rupture du moratoire sur les lancements de missiles balistiques intercontinentaux auquel le président Kim Jong Un” s’était engagé en 2017. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est entretenu jeudi soir avec le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Chung Eui-yong, affirmant que ce tir “démontre la menace que les programmes illégaux d’armes de destruction massive et de missiles balistiques de la RPDC font peser sur ses voisins et sur l’ensemble de la communauté internationale”, selon le porte-parole du département d’Etat, Ned Price.
Les Etats-Unis ont annoncé jeudi l’imposition de nouvelles sanctions sur des entités ou des personnalités russes et nord-coréennes après le tir, accusées de “transférer des éléments sensibles à destination du programme de missile de la Corée du Nord”, a indiqué le département d’Etat dans un communiqué. Elles concernent deux entités russes nommées Ardis Group et PFK Profpodshipnik, ainsi qu’un homme, Igor Aleksandrovich Michurin. En Corée du Nord, il s’agit d’un citoyen, Ri Sung Chol, ainsi qu’une entité, le bureau des affaires étrangères de la seconde Académie des sciences naturelles.
Selon Séoul, un essai de missile par la Corée du Nord le 16 mars s’est soldé par un échec. Depuis le début de l’année, les tirs se multiplient. En janvier, la Corée du Nord avait en effet effectué sept tirs, un nombre record en un mois, dont celui de son plus puissant missile depuis 2017, le missile balistique sol-sol à portée intermédiaire et longue Hwasong-12. Ceci alors que les négociations avec les Etats-Unis sont au point mort depuis l’échec, en 2019, de la rencontre entre Kim Jong-un et le président américain Donald Trump, alors président des États-Unis. Depuis l’investiture du président américain Joe Biden en janvier 2021, Pyongyang a rejeté les différentes propositions de dialogue faites par Washington. L’année 2021 a d’ailleurs été marquée par des avancées majeures en matière d’armement pour la Corée du Nord. Et pour cause, Pyongyang a affirmé avoir testé avec succès un nouveau type de missile balistique lancé par un sous-marin, un missile de croisière à longue portée et une arme lancée par un train et qu’elle a déclaré être une ogive hypersonique. Par ailleurs, en décembre, Kim Jong Un a réaffirmé que sa priorité était de moderniser l’arsenal du pays.
Le 20 janvier, Pyongyang avait menacé de reprendre ses essais nucléaires ou de missiles, s’y disant contrainte par la politique “hostile” des Etats-Unis à son égard.
La Corée du Nord a récemment jugé les Etats-Unis responsables de la guerre en Ukraine, dans sa première réaction officielle après l’invasion russe. “La cause profonde de la crise ukrainienne réside (…) dans l’autoritarisme et l’arbitraire des Etats-Unis”, a affirmé un message publié sur le site du ministère nord-coréen des Affaires étrangères. “La Corée du Nord n’allait pas faire plaisir à quiconque en restant tranquille pendant que le reste du monde s’occupe de l’agression de la Russie contre l’Ukraine”, a estimé pour sa part Leif-Eric Easley, professeur à l’Université Ewha de Séoul.
Selon un rapport confidentiel de l’ONU auquel l’AFP a eu accès en février, la Corée du Nord a continué depuis un an à développer son arsenal nucléaire et ses capacités de missiles en dépit des sanctions internationales imposées à Pyongyang,
“Les cyberattaques, en particulier sur les actifs de crypto-monnaie, restent une source de revenus importante pour le gouvernement de la Corée du Nord”, notait ce document annuel qui venait d’être remis aux 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU.
“La quantité d’importations illicites de pétrole raffiné a fortement augmenté” depuis un an “mais à un niveau bien inférieur à celui des années précédentes”, indiquait par ailleurs le rapport réalisé par les experts de l’ONU chargés de contrôler l’embargo sur les armes et les sanctions économiques internationales infligées à la Corée du Nord.
Sur le plan des armements nord-coréens que la communauté internationale tente de limiter, Pyongyang “a continué de maintenir et de développer ses programmes nucléaires et de missiles balistiques en violation des résolutions du Conseil de sécurité”, soulignent les experts.
“Bien qu’aucun essai nucléaire ou lancement de missile intercontinental n’ait été signalé, la Corée du Nord a continué de développer sa capacité de production de matières fissiles nucléaires”, ajoutaient-ils.
Depuis un an, Pyongyang “a démontré des capacités accrues de déploiement rapide, une grande mobilité (y compris en mer) et une résilience améliorée de ses forces dotées de missiles”, relève aussi le rapport.
“L’entretien et le développement de l’infrastructure nucléaire et de missiles balistiques de la Corée du Nord se sont poursuivis”, et ce pays “a continué de rechercher du matériel, de la technologie et du savoir-faire pour ces programmes à l’étranger, notamment par des moyens informatiques et des recherches scientifiques conjointes”, assurait-il.
Les experts déclaraient avoir aussi constaté un arrêt d’importation par les dirigeants nord-coréens de produits de luxe, notamment des voitures de haut de gamme, comme cela avait été dénoncé les années précédentes. La Corée du Nord est soumise à des sanctions internationales depuis 2006, qui ont été considérablement accrues à trois reprises en 2017 sous la présidence américaine de Donald Trump.
Les mesures prises cette année-là à l’unanimité du Conseil de sécurité pour contraindre Pyongyang à interrompre ses programmes d’armements nucléaire et balistique affectent notamment les importations de pétrole de la Corée du Nord et ses exportations de charbon, de fer, de textile et de pêche. Depuis 2017, le Conseil de sécurité n’a jamais retrouvé de consensus sur le dossier nord-coréen comme l’a encore prouvé une réunion à huis clos vendredi du Conseil de sécurité demandée par Washington pour condamner les derniers essais de missiles nord-coréens. Pour sortir de l’impasse, la Chine et la Russie avaient proposé un allégement des sanctions à des fins humanitaires, refusé par les Occidentaux.
(Avec AFP)
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