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L’Inuk Piita Irniq a offert le tambour avec lequel il venait de jouer au pape François.
Photo :  (Evan Mitsui/CBC)
Quelques centaines de personnes se sont réunies devant l’école Nakasuk pour assister à un événement culturel d’abord, puis écouter le pape qui a terminé à Iqaluit, la capitale du Nunavut, son voyage au Canada.
La dernière étape du pape aura été à bien des égards différente des précédentes à Edmonton et à Québec. Dans une ville d'environ 7500 habitants où il n'est possible de venir que par avion, il s'est retrouvé devant une foule qui s'est tarie au fur et à mesure de la visite.
Cependant, la culture inuit a été au cœur de l'évènement.
Alors que le pape s'entretenait avec des survivants lors d’une rencontre intime à l’intérieur de l’école et à l’abri du public et des médias, les chants de gorge et le son des tambours ont résonné au cœur de la ville. La musique a de nouveau retenti devant le pape, symbole que la culture inuit est toujours bien présente.
À Iqaluit, de nombreuses personnes sont venues assister à la venue du pape François.
Photo : Evan Mitsui / CBC
Une nouvelle fois, le pape François a réitéré ses excuses dans un discours qui a été traduit en anglais puis en inuktitut.
« Aujourd’hui encore, ici même, je voudrais vous dire que je suis très attristé et que je désire demander pardon pour le mal commis par un certain nombre de catholiques qui, dans ces écoles, ont contribué aux politiques d’assimilation culturelle et d’affranchissement. »
Son long discours était d’ailleurs empli de nombreuses références à la culture inuit. Il a par exemple évoqué à plusieurs reprises le qulliq, cette lampe à huile traditionnelle qui permettait d’apporter de la lumière et de la chaleur. Une cérémonie d’allumage de qulliq a eu lieu à l’intérieur de l’école.
Aujourd’hui encore, il reste un beau symbole de vie, d’une vie lumineuse qui ne se laisse pas vaincre par les ténèbres de la nuit, a-t-il lancé.
« Ainsi, vous êtes un témoignage constant de la vie qui ne s’éteint pas, d’une lumière qui resplendit et que personne n’a réussi à étouffer. »
Il a parlé aussi du temps avant que les enfants soient enlevés à leurs parents pour les envoyer de force dans ces pensionnats.
Les familles ont été désagrégées, les enfants emportés loin de leur milieu; l'hiver est descendu sur tout, a-t-il dit, répétant ce qu’une aînée lui avait raconté.
Le pape a conclu son dernier discours au Canada en bénissant la foule et lançant qujannamiik! [merci !].
Enveloppé dans une couverture blanche pour se réchauffer, Andre Tautu, 79 ans, qui a accueilli le pape lors de son arrivée à l’aéroport d’Iqaluit, a dit que la rencontre avec ce dernier a été comme il l’espérait.
Ce survivant de pensionnat pour Autochtones a attendu ce moment toute sa vie et a affirmé se sentir bien, mieux, vraiment beaucoup mieux après avoir entendu le pape présenter ses excuses sur sa terre, devant lui. Sa femme, Elizabeth, a eu les mêmes mots.
Andre Tautu et le pape François se sont serré la main puis ont discuté. Pour cet Inuk de 79 ans, c’était un moment fort.
Photo :  (Evan Mitsui/CBC)
Les survivants étaient assis devant le pape dans un espace protégé pour vivre tranquillement ce moment.
Mary Lee Aliyak était venue avec sa petite-fille et son amie pour les enfants disparus et ceux qui sont rentrés chez eux abîmés. Beaucoup de familles n’arrivent toujours pas à être des familles normales depuis, a-t-elle précisé, réclamant la justice pour les enfants autochtones.
« C’est un jour important que nous reconnaissions ce qui est arrivé à notre peuple. Mais on a encore besoin de beaucoup de ressources pour des centres de guérison, par exemple. »
Mary Lee Aliyak, sa petite-fille Tuuta, 10 ans, et son amie Alexandra, 11 ans, sont venues voir le pape et soutenir les survivants. Elles voulaient aussi envoyer un message fort pour les enfants autochtones.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Les bras en l’air en prière, les yeux fermés, Pauline Ammaaq s’est jointe à la prière finale même si elle n’est pas catholique.
Visiblement très émue, les larmes aux yeux, elle a dit être reconnaissante que le pape soit venu à Iqaluit, c’est une marque de respect pour les survivants, mais aussi pour tous les Inuit.
Comme plusieurs personnes dans l’assemblée, Pauline Ammaaq et Alexina Kublu ont prié juste avant que le pape quitte la place.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Même discours de la part d’Annie Manning, dont la mère a fréquenté un pensionnat pour Autochtones. Elle ne sait pas encore comment réagir aux excuses et au discours du pape, elle doit prendre le temps d’y penser, mais selon elle, le pape a fait un effort pour venir.
C’est le temps d’aller de l’avant, a lancé Eva Groves, qui se tenait à ses côtés.
Les pensionnats étaient surréalistes, douloureux, dramatiques. Nous ne voulons plus être bloqués là-dedans, et devons laisser aller et laisser Dieu faire. Comme croyante, je dis qu’il est temps d’aller de l’avant pour nous-mêmes, car nous méritons la joie et le bonheur. Nous sommes importants.
Il y a eu beaucoup d’émotions, a reconnu le président de l'organisme Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, qui a aimé que son peuple ait pu envoyer le message, sur les différentes performances culturelles, que les Inuit sont toujours ici, que leur culture est toujours vivante.
Probablement l’un des moments les plus forts a été justement lorsque Piita Irniq, 75 ans, survivant de pensionnat, qui lutte depuis des décennies pour faire connaître les horreurs vécues dans les pensionnats, a joué du tambour devant le pape.
Le pape François a reçu un tambour traditionnel avant de prononcer son allocution à Iqaluit
Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette
Il a ensuite fait un long discours en inuktitut, qui s’est soldé par une salve d’applaudissements, puis a offert un tambour au pape François afin qu’il se souvienne d’eux quand il retournera au Vatican.
Piita Irniq s’est entretenu avec le pape à l’intérieur de l’école. Il avait indiqué qu’il lui parlerait du cas de Johannes Rivoire, accusé de pédocriminalité dans les années 1970 et qui s’est évadé en France, où il a réussi à échapper à la justice jusqu’à présent.
Publiquement, aucune évocation n’a été faite.
Piita Irniq n'a pas été le seul à montrer toute l'étendue de la culture inuit, il y a eu des chants de gorge, des danseurs, des joueurs de tambour et une chanteuse d'opéra, tous venus de différentes régions du Nord canadien.
Pendant le discours du pape, quelques personnes ont brandi des pancartes évoquant notamment la question des compensations.
Finalement, le pape sera resté un peu plus longtemps que prévu au Nunavut. Il est parti avec au moins une heure de retard.
En marge de la visite du pape à Iqaluit, des manifestants se sont rassemblés, demandant plus d’action pour avancer vers la réconciliation.
Photo : Marie-Laure Josselin
À l’aéroport était présente une délégation composée notamment de la gouverneure générale Mary Simon, du premier ministre du Nunavut, Pauloosie Joseph (P.J.) Akeeagok, du ministre des Relations Couronne-Autochtones Marc Miller, du représentant des Premières Nations Gerald Antoine, de la présidente du Ralliement national des Métis, Cassidy Caron, et de Natan Obed.
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