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La livre turque a perdu quasiment un cinquième de sa valeur la semaine dernière, sur fond de fortes tensions avec les États-Unis.Le président turc Recep Tayyip Erdogan tente par tous les moyens de calmer les marchés financiers, pour l’instant sans succès.
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La Turquie se bat pour défendre sa monnaie
Recep Tayyip Erdogan a exhorté ses concitoyens à changer leurs devises étrangères pour soutenir la livre turque.
Osman Orsal/Reuters
Il faut sauver la livre turque. Voilà ce que doivent se dire les autorités du pays depuis quelques jours. Après avoir baissé de plus de 5 % face au dollar jeudi 9 août, la monnaie a plongé de 16 % vendredi 10 août. Depuis le début de l’année, elle a perdu plus de 40 % de sa valeur face au dollar et à l’euro.
En cause, la grave crise diplomatique entre la Turquie et les États-Unis, au sujet d’un pasteur américain détenu par Ankara. Accusé par les autorités turques de « terrorisme » et d’« espionnage », Andrew Brunson a été placé fin juillet en résidence surveillée après un an et demi de détention. Début août, Washington ayant pris des sanctions contre deux ministres turcs. Ankara a réagi avec des mesures similaires.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté vendredi 10 août ses concitoyens à changer leurs devises étrangères pour soutenir la livre turque à l’agonie, affirmant qu’il s’agissait d’une « lutte nationale » contre la « guerre économique » déclarée selon lui à la Turquie. Loin d’avoir l’effet escompté, ce discours a accéléré l’effondrement de la devise.
Donald Trump a enfoncé le clou dans la foulée, en annonçant que les États-Unis allaient augmenter des taxes à l’importation. « Je viens juste d’autoriser le doublement des taxes douanières sur l’acier et l’aluminium en provenance de Turquie puisque leur monnaie, la livre turque, descend rapidement contre notre dollar fort», a affirmé le président américain dans un tweet.
« Derrière l’annonce de ces sanctions, les États-Unis font passer le message qu’ils veulent limiter leurs affaires avec la Turquie, analyse Fabien Tripier, professeur d’économie à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne. Dès lors, la priorité pour ceux qui ont des actifs dans des entreprises ou des banques turques est de les sortir du pays et de les changer dans une monnaie plus sûre, le dollar.»
La chute de la monnaie s’explique par une stratégie d’anticipation des cambistes. « Les investisseurs veulent vendre de la livre turque, car ils anticipent qu’elle va se déprécier très fortement dans les semaines qui viennent. »
Pour changer la perception des investisseurs, la banque centrale – contrôlée par Recep Tayyip Erdogan – a annoncé le 13 août la mise en place d’une série de mesures. Elle a révisé les taux de réserves obligatoires pour les établissements bancaires, dans le but d’éviter tout problème de liquidité. Elle va injecter plusieurs milliards de dollars de liquidités dans le système financier.
Mais pour Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management, « ces mesures ne suffiront pas à modifier dans la durée la perception que les investisseurs ont de la situation économique en Turquie ». Étant donné que Recep Tayyip Erdogan ne souhaite pas augmenter les taux d’intérêt, malgré une inflation qui a atteint près de 16 % en juillet, « ses marges de manœuvre sont limitées ». « La seule issue possible serait le contrôle des capitaux, c’est-à-dire le gel de tous les fonds basés en Turquie. »
Les annonces de la Banque centrale ont freiné un temps la spéculation. Mais la chute de la livre a repris, en milieu de journée, lorsque le président Erdogan a accusé les États-Unis de vouloir « frapper dans le dos » la Turquie.
Derrière cette affaire, c’est l’alliance historique entre la Turquie et les États-Unis qui est en jeu. Le pays est prêt à chercher « de nouveaux marchés, de nouveaux partenariats et de nouveaux alliés », a menacé Recep Tayyip Erdogan dimanche 12 août.
L’effondrement de la livre turque pourrait avoir un impact sur l’économie européenne. D’après un article du Financial Times publié vendredi, la Banque centrale européenne craint une contagion de la crise monétaire turque à certains groupes bancaires européens, très présents en Turquie.
« Les banques sont toutes très connectées entre elles, donc il y a forcément des effets de transmission », confirme Fabien Tripier. « L’économie turque reste particulière, nuance Philippe Waechter. Le pays est fortement endetté en dollars et a un véritable problème politique avec les États-Unis. Ce sont des risques et des contraintes auxquels tous les États européens ne sont pas soumis. »
PIB : 851 milliards de dollars (745 milliards d’euros) (17e rang mondial)
Population : 80,8 millions d’habitants (19e rang mondial)
Revenu par habitant : 10 592 dollars (9 276 €)
Taux de croissance : + 7,4 %
Taux de chômage : 9,6 %
Taux d’inflation : 15,39 %
Indice de développement humain (IDH) : 0,767 (71e rang mondial)
Principaux clients (en pourcentage des exportations turques) : Allemagne (9,6 %), Royaume-Uni (6,1 %), Émirats Arabes Unis (5,8 %)
Principaux fournisseurs (en pourcentage des importations turques) : Chine (10 %), Allemagne (9,1 %), Russie (8,3 %)
Source : Direction générale du Trésor.
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