Comme chaque année depuis 73 ans, le Japon a célébré le souvenir des deux bombardements atomiques survenus le 6 et le 9 août 1945 à Hiroshima et à Nagasaki. Bilan de Little boy et de Fat man : entre 150 000 et 250 000 morts. Dans sept villes françaises, dont Tours, Paris et Dijon, des militants d’associations antinucléaires viennent de jeûner pendant quatre jours pour demander l’abolition de ces armes.
Retour sur cette page d’histoire : 15 août 1945, 15e jour du 8e mois de la vingtième année de l’ère Showa. Une chaleur étouffante écrase Tokyo, dévastée par les raids des B-29 américains. Les Japonais sont encore sous le choc des deux bombes atomiques lâchées quelques jours plus tôt sur Hiroshima et Nagasaki. Ce mercredi, à midi, dans les casernes, les hôpitaux, sur les places publiques des villages, tous se figent, debout, la tête baissée, autour des postes de radio pour écouter une voix qu’ils n’ont jamais entendue : celle de l’empereur Hirohito. La voix d’un dieu vivant, selon la mythologie japonaise, descendant direct de la déesse du soleil, Amaterasu.
« En dépit des vaillants combats menés par nos forces militaires, la guerre a suivi son cours, mais pas nécessairement à l’avantage du Japon, commence l’auguste voix. L’ennemi a mis en œuvre une bombe nouvelle d’une extrême cruauté, dont la capacité de destruction est incalculable. Si nous continuions à combattre, cela entraînerait non seulement l’effondrement et l’anéantissement de la nation japonaise, mais encore l’extinction complète de la civilisation humaine. »
Le monarque de 44 ans, qui a donné l’ordre d’accepter les conditions de l’ultimatum des Alliés, lancé le 27 juillet, appelle ses sujets à « ouvrir la voie à une ère de paix grandiose pour toutes les générations à venir en endurant ce qui ne saurait être enduré et en supportant l’insupportable », lâche-t-il d’une voix triste et nasillarde.
Les parasites rendent inaudibles la fin de l’allocution. Et beaucoup ne comprennent pas les paroles de l’empereur qui s’exprime dans un japonais classique, avec des formules alambiquées. Il n’a pas prononcé les mots de « défaite » ou de « capitulation », mais il s’agit bien d’un discours de reddition, comme le précise en termes clairs un speaker après les propos du souverain.
Matsuo Kato, alors correspondant de l’agence Domeï, se rappelle des passants aux « regards éteints, hébétés » : « Des gens se blottirent ensemble dans les ruines. Il n’y avait plus de chefs pour aider la masse à surmonter son inertie. » (*)
Mais Kato note aussi du soulagement, tout comme le cinéaste Akira Kurosawa, alors jeune réalisateur contraint de faire des films de propagande : « L’atmosphère était tendue et affolée. Il y avait même des commerçants qui avaient sorti leur sabre du fourreau et qui restaient assis, l’œil fixé sur la lame nue », raconte le futur auteur des « Sept Samouraïs », qui décrit une tout autre ambiance après le discours : « Les gens s’affairaient avec des visages joyeux comme s’ils préparaient une fête pour le lendemain ».
Arrêter la guerre ? Hors de question, pour le tout-puissant ministre de la guerre, le général Anami. Le gouvernement, à qui il revient de prendre une décision aussi lourde, se noie dans ses divisions. Alors Hirohito tranche, dans la nuit du 9 au 10 août, lors d’une conférence impériale dans son bunker, creusé sous la bibliothèque du Palais.
Sa déclaration est enregistrée le 14 août et gravée sur disques. Ce discours scelle la fin de la guerre mais aussi de l’idéologie ultranationaliste du Japon impérial. L’armée peine à encaisser le choc. Sur une base militaire du nord de Nagasaki, seize aviateurs américains sont sortis de prison et passés au sabre. De nombreux généraux et officiers choisissent de se suicider. Quelques soldats, isolés dans les îles du Pacifique, refusent de se rendre. Mais la volonté de l’empereur s’impose. Comme elle se serait imposée s’il leur avait demandé de se battre jusqu’à la mort.
La figure impériale est un élément si fort pour la stabilité de la société japonaise que Douglas Mac Arthur, commandant suprême des forces alliées, n’inquiète pas le souverain sur son implication dans la guerre et ses crimes. Mais plus rien ne sera pareil. Le 1er janvier 1946, Hirohito s’exprime une nouvelle fois sur les ondes pour renoncer au caractère divin de son statut. Le dieu vivant – qui s’éteindra le 7 janvier 1989 après 62 ans de règne – est devenu mortel.
Le 8 août 2016, l’empereur Akihito, qui avait succédé en 1989 à son père Hirohito, a brisé un tabou. Dans un message lu à la télévision (sa deuxième intervention publique après celle de 2011, au moment de la catastrophe de Fukushima), le souverain, alors âgé de 82 ans, a fait part de sa volonté de quitter le pouvoir.
Evoquant son « énergie déclinante », l’empereur disait craindre qu’il lui soit « de plus en plus difficile de remplir ses obligations comme symbole de l’Etat. » Or, l’abdication n’est pas prévue dans la Constitution où l’empereur est défini comme « symbole de l’Etat et de l’unité du peuple ».
En juin 2017, le Parlement a donc voté une loi d’exception permettant à Akihito de céder le trône à son fils aîné, Naruhito, 58 ans. Ce dernier devrait prendre le relais le 30 avril 2019.
(*) Edward Behr : « Hirohito, l’empereur ambigu », Robert Laffont.
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