La Grèce sort du « cadre de surveillance renforcée » où elle avait été placée en 2018. La dette publique décroît mais reste très élevée. Le pays doit diversifier son économie, au-delà du tourisme.
Par Vincent Collen
C'est un jour hautement symbolique pour la Grèce. Ce samedi, la 16e économie de l'Union européenne sort officiellement du « cadre de surveillance renforcée » où elle avait été placée en 2018. Une dernière étape vers un retour à la normale pour ce pays profondément affecté par la crise depuis plus d'une décennie, après la fin des derniers programmes d'aide de l'Union européenne et du FMI il y a deux ans.
Le satisfecit de Bruxelles est clair. « La Commission reconnaît que la Grèce a rempli l'essentiel de ses engagements de politique économique pris auprès de l'Eurogroupe », a déclaré l'exécutif européen dans un communiqué le 10 août dernier. Les réformes ont été mises en oeuvre malgré « les circonstances difficiles » créées par le Covid-19 et la guerre en Ukraine , se félicite-t-il.
Pour la Commission, « la résilience de l'économie grecque s'est substantiellement améliorée » et les risques d'effet domino sur le reste de la zone euro, qui avaient affolé les marchés au plus fort de la crise, ont « diminué de façon significative ». La Grèce avait alors perdu l'accès au marché des capitaux pour financer sa dette.
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« La sortie du cadre de surveillance est un signal important qui montre que la Grèce a finalement réussi à remplir les objectifs qui lui étaient assignés, après tant d'années de crise et d'austérité budgétaire, analyse Ploutarchos Sakellaris, professeur à l'Université d'économie d'Athènes et ancien vice-président de la Banque européenne d'investissement. Mais le pays doit continuer sur sa lancée, beaucoup reste à faire ».
Les signes d'amélioration sont nombreux. La dette publique recule rapidement, et devrait tomber aux alentours de 180 % du PIB cette année, selon les prévisions de l'OCDE. C'est encore énorme par rapport à la moyenne des pays de la zone euro (97 %), mais la décrue paraît désormais bien enclenchée, malgré la crise sanitaire qui a contraint la petite république à augmenter les dépenses publiques ces deux dernières années.
Le taux de chômage, qui avait tutoyé les 30 % au plus fort de la crise, en 2013, est tombé autour de 12 % (ce qui reste très élevé par rapport à une moyenne de 7 % dans les pays qui ont adopté la monnaie unique). Et la croissance, solide, est de retour, même si le PIB reste inférieur de plus de 15 % à son niveau de 2008. Après une forte baisse en 2020 – le Covid a durement pénalisé les revenus du tourisme -, il a bondi de plus de 8 % l'an dernier. La Grèce devrait croître plus vite que la moyenne européenne cette année et l'an prochain, si l'on en croit l'OCDE, notamment grâce aux revenus du tourisme qui battent tous les records cet été .
« Le tourisme au sens large représente le cinquième de la richesse nationale. La Grèce doit essayer de diversifier son économie pour améliorer sa croissance, encore trop faible », estime Ploutarchos Sakellaris. « Athènes vise un retour à la catégorie investissement auprès des agences de notation début 2023, pour ne plus être un cas particulier au sein de la zone euro, explique l'économiste Miranda Xafa, ancienne représentante de la Grèce au FMI. Pour y parvenir et atteindre les exigences de l'Union européenne, le pays doit dégager un excédent budgétaire en 2023 afin d'assurer une décrue régulière de sa dette. »
C'est là un défi, souligne cette économiste, d'autant que les élections législatives de l'an prochain n'inciteront pas le gouvernement conservateur de Kyriákos Mitsotákis à resserrer les dépenses publiques. Comme partout en Europe, il faut aider les ménages pénalisés par l'explosion des prix de l'énergie . Même si la Grèce, peu dépendante du gaz russe et moins dépendante du gaz en général que d'autres, est relativement protégée. Seul point positif de la crise actuelle, l'inflation élevée aidera le pays à réduire le poids de sa dette rapportée au PIB au cours des prochains mois, relève Miranda Xafa.
Vincent Collen
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