Le pays s'engage sur des réformes économiques et politiques globales, qui restent encore à préciser. L'Egypte fait face à des difficultés économiques persistantes, aggravées par le conflit entre la Russie et l'Ukraine.
Par Mathieu Viviani
Après plusieurs mois de négociations, sur fond de difficultés économiques persistantes, l'Egypte a obtenu aujourd'hui la confirmation d'un prêt de 3 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI). Parmi les conditions essentielles réclamées par le FMI, le pays a dû dévaluer de 15 % sa monnaie nationale, la livre égyptienne.
« Ce programme va courir sur quatre ans » et « il sera soumis à l'accord du conseil d'administration du FMI en décembre prochain pour être approuvé », a précisé Mostafa al-Madbouly, le Premier ministre égyptien. Le FMI a de son côté confirmé « un accord au niveau des acteurs égyptiens pour des réformes et des politiques économiques globales », en échange de ce prêt « sur 46 mois ».
Outre les 3 milliards de dollars (2,99 milliards d'euros) du FMI, l'Egypte a également obtenu un milliard d'euros d'aide issu d'un autre fonds de l'instance internationale, consacré aux pays en développement, a indiqué son Premier ministre. Quelque 5 milliards de dollars provenant d'« organisations internationales et régionales », sans que ce soit précisé leur identité, ont aussi été bouclés. Ces derniers mois, plusieurs monarchies pétrolières du Golfe ont déposé des milliards de dollars dans les banques égyptiennes ou promis des investissements.
Selon l'agence de notation financière Moody's, l'Egypte fait partie des cinq pays du monde les plus à risque pour rembourser sa dette extérieure. Elle est estimée à plus de 150 milliards d'euros par les experts. En août, la banque américaine Goldman Sachs estimait qu'il manquait 14,9 milliards d'euros à l'Egypte pour qu'elle puisse rembourser l'ensemble de ses dettes.
La Banque centrale d'Egypte change de pilote en pleine tempête
La guerre en Ukraine a porté plusieurs coups durs à l'Egypte. Premier importateur de blé au monde, le pays a subi de plein fouet la flambée des prix des céréales. L'Egypte a aussi perdu une bonne part de ses touristes ukrainiens et russes. Ils représentaient 40 % de ses 8 millions de touristes en 2021.
Dans la foulée du conflit en Ukraine au mois de février, alors que des investisseurs retiraient des milliards de dollars des banques égyptiennes, Le Caire n'a cessé de voir sa monnaie perdre de sa valeur. Le 21 mars dernier, la livre a perdu en un jour 17 % de sa valeur. Avec la nouvelle dévaluation de ce jeudi, la monnaie nationale a plongé en sept mois de 46 %, passant de 15,6 à 22,75 livres pour un dollar.
Avec une monnaie locale aussi faible face au billet vert, de nombreux importateurs ont cessé de faire venir des biens. Les étals des magasins et des centres commerciaux égyptiens sont directement impactés. Certaines franchises internationales ont proposé tout l'été les collections d'habillement de l'automne-hiver précédent. Tandis que de nombreuses pièces électriques ou électroniques ne sont tout simplement plus disponibles dans le pays.
Le plus peuplé des pays arabes avait déjà dévalué sa monnaie de près de 50 % en 2016 dans le cadre d'un plan d'austérité décrété en échange d'un prêt de 10,8 milliards d'euros du FMI. L'inflation a atteint 15,3 % au mois de septembre, notamment portée par les prix des denrées alimentaires. Et les Egyptiens redoutent l'autre grande réforme réclamée par le FMI : la refonte des subventions, qui assurent le panier alimentaire de plus de 70 millions d'entre eux.
Face aux turbulences économiques, l'Egypte esquisse une ouverture politique
L'activité du secteur privé non pétrolier ne cesse de se contracter depuis 2017 alors que des économistes mettent en garde contre une bulle immobilière alimentée par des méga projets voulus par le président Abdel Fattah al-Sissi et menés en grande partie par l'armée, sans transparence financière.
L'Egypte n'est pas le seul pays de la région ayant demandé un soutien financier auprès du FMI. En avril dernier, le Liban limitrophe a obtenu un accord de principe de l'instance financière, en vue d'un prêt de 3 milliards de dollars sur quatre ans. Cet accord préalable est cependant conditionné à la mise en place de plusieurs réformes sur lesquelles les responsables politiques libanais demeurent divisés.
Début octobre, la Tunisie a obtenu un accord préliminaire du FMI pour un prêt de 1,9 milliard de dollars. Mais le montant est inférieur aux attentes des responsables politiques tunisiens, qui doivent convaincre d'autres bailleurs de fonds d'ici la fin 2022. A court de liquidités, ce pays du Maghreb subit en ce moment d'importantes pénuries de denrées alimentaires et de carburant.
Avec AFP
Mathieu Viviani
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