Entretien — Économie
Une transaction en Eusko, monnaie locale basque, en 2019. – © Chloé Rébillard/Reporterre
Une transaction en Eusko, monnaie locale basque, en 2019. – © Chloé Rébillard/Reporterre
Durée de lecture : 5 minutes
Une introduction plus importante des monnaies locales dans l’économie pourrait permettre de soulager le portefeuille des Français, défend le mouvement Sol qui promeut cette consommation alternative.
À l’heure où l’inflation atteint des niveaux records en France — la moyenne annuelle devrait ainsi s’établir à 5,5 % en 2022 d’après l’Insee, un taux que le pays n’a pas connu depuis 1985 — le mouvement Sol estime que les monnaies locales complémentaires (MLC) pourraient « permettre d’améliorer le pouvoir d’achat des Français ». Complémentaires de la monnaie officielle, l’euro, celles-ci sont utilisées sur des territoires restreints et ne concernent aujourd’hui que certains biens et services locaux [1]. Il existe 82 monnaies de ce type dans l’Hexagone, notamment en Loire-Atlantique et au Pays Basque.
Alors que le projet de loi pouvoir d’achat sera examiné à partir de ce lundi 18 juillet par l’Assemblée nationale récemment élue, cette fédération regroupant une trentaine de monnaies locales argue que ces MLC « servent à la fois à la résilience de nos économies locales et à la protection des plus démunis » [2]. Son argumentaire a été envoyé à plusieurs députés, de gauche comme de droite, afin que ceux-ci s’en saisissent par le biais de dépôt d’amendements. Charles Lesage, délégué général du mouvement Sol, a répondu à nos questions sur cette démarche.
Reporterre — En quoi une plus large introduction des monnaies locales dans l’économie pourrait permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des Françaises et Français ?
Charles Lesage — A contrario des euros qui génèrent d’importantes fuites monétaires — liées notamment à la spéculation, à l’évasion fiscale ou encore au fait que ces euros ne vont pas forcément être dépensés localement —, les monnaies locales ne peuvent être dépensées que dans l’économie de proximité, ce qui permet de réduire ces fuites monétaires. Par exemple, si vous avez de la monnaie locale dans les poches et que vous souhaitez acheter un livre avec, vous ne pourrez pas dépenser cet argent sur une grande plateforme en ligne qui ne paie pas ses impôts en France. Vous pourrez en revanche acheter ce livre à la librairie du coin utilisant elle-même cette monnaie locale, ce qui contribuera au pouvoir d’achat du libraire.
Une étude de 2020, menée sur deux territoires français où circulent des monnaies locales numérisées, montre en effet que l’injection de monnaie locale dans l’économie génère, à travers les cascades successives de paiements sur un territoire donné, davantage de revenus que les euros.
Vous proposez que des amendements soient intégrés au projet de loi sur le pouvoir d’achat afin de simplifier l’usage des monnaies locales par les collectivités territoriales.
Les collectivités territoriales sont des acteurs politiques majeurs des territoires. Leur soutien à l’égard des monnaies locales permettrait de crédibiliser celles-ci davantage, et a fortiori favoriserait leur appropriation par les entreprises locales et les habitants. Nous proposons donc de faire évoluer le cadre juridique de ces monnaies de façon à faciliter leur usage par les collectivités territoriales, notamment en permettant aux comptables publics d’ouvrir un compte au nom des collectivités territoriales auprès des émetteurs et gestionnaires de monnaies locales.
Par ailleurs, les collectivités territoriales font travailler de nombreuses entreprises. Il y a donc un intérêt à ce qu’elles puissent rémunérer en monnaie locale leurs prestataires et leurs fournisseurs, qui eux-mêmes devront trouver localement des structures auprès desquelles redépenser cette monnaie locale, et ainsi de suite. Cela aurait donc pour conséquence de créer un effet d’entraînement sur le tissu économique local.
Vous souhaitez mettre en œuvre un collectif parlementaire de veille et de soutien aux monnaies locales citoyennes à la rentrée. En quoi consisterait-il ?
Ce collectif, animé par le mouvement Sol, serait composé par des députés et des sénateurs. Suite à l’élection législative de juin 2022, nous avons envoyé un mail à tous les nouveaux élus de l’Assemblée nationale. Ils sont pour l’instant une petite dizaine à avoir répondu favorablement. Une première rencontre est prévue au Palais-Bourbon, au mois de septembre.
L’idée est de favoriser les liens entre les élus et la société civile sur cet enjeu. Nous souhaitons favoriser le partage d’expérience, l’interconnaissance, et ainsi une meilleure compréhension de la réalité des territoires par les élus. L’objectif est d’opérer une veille sur les textes de lois qui pourraient avoir des effets, positifs ou négatifs, sur les monnaies locales, de façon à être en capacité de défendre les intérêts des territoires. Ce serait aussi l’occasion de présenter des amendements ouvrant la voie à un cadre législatif plus favorable à l’essor de ces monnaies.
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Tribune — Économie
Pour relancer l’économie, choisissons les monnaies locales
[1] Le cadre légal de ces MLC a été fixé dans la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire
[2] Le mouvement a formulé une proposition législative et réglementaire aux côtés de Christophe Fourel, co-auteur en 2015 d’un rapport sur le sujet pour la Mission d’étude interministérielle sur les MLC.
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