Officiellement “God save the king” a été imprimé en 1744 et interprété publiquement en 1745. Mais, une tradition qui circule toujours, soutient que le fondement de l’hymne britannique est à chercher en France sous Louis XIV.
Date clé : 1686, le roi subit une opération sur une fistule anale…
Lieu clé : le pensionnat de jeunes créé à St Cyr, pas loin de Versailles, où Louis XIV allait rejoindre Madame de Maintenon, maîtresse épousée en secret après la mort de la Reine.
“Que dieu sauve le roi”… Après l’opération, les jeunes filles de St Cyr auraient chanté un air pour le roi, qui aurait fortement inspiré l’hymne britannique.
Une seule source a suffi à répandre cette interprétation : la marquise de Créquy dont les papiers, assemblés on ne sait pas bien comment, ont servi à établir des Mémoires pleins d’esprit mais, il faut bien le dire, largement apocryphes. La marquise de Créquy était un personnage inusable qui, avant de s’éteindre en 1803, avait traversé tous les régimes du XVIIIe et, à l’en croire, frayé avec Jean-Jacques Rousseau, le comte de Saint Germain et aussi bien Casanova et Cagliostro. Il faut bien admettre néanmoins que, née en 1710, elle a eu peu d’occasions de connaître Madame de Maintenon, morte en 1719. En revanche sa grand’mère, si ! Cette aïeule allait et venait – postillonnait, dit la marquise – entre la cour et la ville. C’est elle qui aurait raconté le surgissement d’un “God save the king “dans une première version supposée française. Les demoiselles de Saint-Cyr venaient de s’installer dans la toute jeune Institution de Saint-Cyr, de naître, le souverain venait de ressusciter : elles lui firent entendre un chant qui était sublime.
“Une sorte de motet”, écrit la marquise de Créquy.
Ou celui qui se fait passer pour la marquise puisqu’on ne sait pas bien de qui est le texte. Le mot motet n’engage pas à grand’chose. C’est un chant à une ou plusieurs voix qu’on entonne par exemple à la fin de la messe. Avant même le règne du Roi Soleil, Louis XIII son père fut le dédicataire de motets rédigés en latin: “Domine, salvum fac regem”…. Ici en 1686, si on en croit la chronologie de la marquise, les paroles auraient été écrites en français par Madame de Brinon. “Je me les suis procurées”, écrit la marquise, sans plus de détails. Madame de Brinon était une de ses femmes par qui passa le renouveau de la mystique française. Mais elle ne fait pas preuve de la plus grande originalité quand elle écrivit “Sauvez le Roy/ Grand Dieu Vengez le Roi./ Vive le Roi/ Qu’à jamais glorieux/ Louis le victorieux/ voie ses ennemis toujours soumis”. Sa propre soumission se retournera contre Madame de Brinon : après avoir été longtemps proche de Madame de Maintenon, elle sera écartée de la direction de Saint-Cyr par lettre de cachet et finira sa vie, retirée à l’abbaye de Maubuisson… Est-ce pour cette raison ou pour d’autres qu’on ne trouve pas mention de son œuvrette dans les carnets de chants des demoiselles de Saint-Cyr qu’on a conservés ?
Sur une musique de Lully
Si on retient la datation de 1686, ce serait possible ou plutôt : à la rigueur possible. La guérison de Louis XIV est annoncée à Noel, Lully prépare un grand concert pour le 8 janvier 1687 dans lequel figure son Grand Te Deum pour 150 musiciens et nullement le modeste “Sauvez le roi”. C’est pendant les répétitions de ce concert que Lully se transperce le pied avec son bâton de direction. Il mourra le 22 mars. Il lui a fallu faire vite pour composer ladite musique ! Afin de s’accommoder avec les dates, on a parfois dit qu’il n’avait écrit que les premières mesures.
Le compositeur Haendel, né en Prusse devenu sujet anglais, s’est emparé de la musique
Pire, les mémoires de la marquise indiquent qu’il l’a achetée contre monnaie sonnante et trébuchante. Et l’éditeur en note dans la première édition du XIXe y va de son commentaire : “Quelle indigne effronterie de la part de cet Allemand. “Et que fait-il en suite de ce morceau de choix ? Il l’offre à George Ier de Hanovre qui va devenir roi à Londres ! Heureusement l’esprit français est assez subtil pour avoir le dernier mot face aux ennemis héréditaires. On prête à la marquise de Créquy cette saillie; “Que l’hymne des Anglais naquit d’un anus, voilà qui ne cesse de me faire rire sans toutefois un instant me surprendre”.
Une histoire chauviniste
Le soldat Chauvin est aussi une construction imaginaire du même premier XIXème siècle nourri des campagnes militaires de la Révolution et de l’Empire. Le soldat Chauvin y aurait accumulé les lauriers. En réalité, aucune vérification de son nom ne tient. Chauvin lui aussi est une invention et, avec lui, le chauvinisme .L’anecdote a des mérites en histoire. Pour mieux faire voir, elle monte sur les chaises, elle soulève les toits. Encore faut-il qu’elle soit exacte…
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