Amazon licencie 18 000 employés
États-Unis : le républicain Kevin McCarthy mis en difficulté
Des documents révèlent le chaos chez Twitter après le 6 janvier 2021
L’ancien pape Benoît XVI est mort
La commission du 6 janvier renonce à assigner Donald Trump à comparaître
Hommage à Neil Peart, le batteur de Rush
Miley Cyrus annonce un nouvel album
Iron Maiden sur les enveloppes britanniques
Bruce Springsteen : Greetings from the Boss
Le chanteur d’Alien Ant Farm inculpé après un incident avec un fan
Judas Priest enflamme Vienne
Live Report : festival Iceland Airwaves
LIVE REPORT : Frank Carter & The Rattlesnakes à La Cigale
Festival de Nîmes 2023 : l’affiche s’étoffe
Festival Django Reinhardt : les premiers noms
Les acteurs du « Roméo et Juliette » portent plainte
Jeremy Renner reçoit des messages de soutien des acteurs de Marvel
« Evil Dead Rise » : la bande-annonce sanglante
Jamie Lee Curtis et Quentin Tarantino seront présents aux Golden Globes 2023
Hollywood a perdu en diversité en 2022
Les acteurs du « Roméo et Juliette » portent plainte
Jeremy Renner reçoit des messages de soutien des acteurs de Marvel
« Evil Dead Rise » : la bande-annonce sanglante
Bono : quarante ans de rock en une autobiographie
Jamie Lee Curtis et Quentin Tarantino seront présents aux Golden Globes 2023
A LIRE : Jim Morrison à Paris
Iggy Pop – Every Loser
Kid Kapichi – Here’s What You Could Have Won
The Murlocs – Rapscallion
Simple Minds – Direction of the Heart
Barton Hartshorn en live session Rolling Stone
Red Beans & Pepper Sauce en live session Rolling Stone
LIVE SESSION – Ben Harper au sommet de Paris
LIVE SESSION – Shakey Graves, l’étoile texane de la folk
« La première fois » avec Bruce Springsteen
Publié
Par
Au milieu des joyaux vintage et autres instruments de collection joués par les plus grands artistes, la guitare avec laquelle Edward Van Halen part conquérir le monde à la fin des années 70 est une sorte de mouton à cinq pattes. De près, l’instrument semble presque injouable, une sorte d’ersatz de guitare, bricolé par un enfant avec des pièces mal assorties (ce qui était à peu près le cas), bref, le genre de guitare dont on aime se moquer. Mais dans les mains de Van Halen, cependant, la révolution qu’elle a déclenchée a pris des proportions stratosphériques.
La « Frankenstrat » originale de Van Halen, de par sa nature même – un assemblage de pièces de provenance diverse –, n’est pas restée très longtemps d’origine : elle était donc bonne à être modifiée outrageusement. Et encore, le mot est faible. Sous sa forme première, elle a servi à enregistrer le premier album du guitariste, Van Halen, en 1978. C’est sur cette base qu’Eddie Van Halen forgera son jeu unique et novateur, ce qui fait de cette « Frankenstrat » la pierre angulaire de ce style qui a explosé les limites du solo rock.
« Pour le spectateur occasionnel, cependant, la caractéristique la plus remarquable de cette « Frankenstrat » est sa finition rayée. »
Quatre principaux ingrédients composent cette mythique « Frankenstrat » : un corps en frêne et manche en érable, deux pièces achetées auprès de Wayne Charvel (avant qu’il ne devienne lui-même un luthier réputé sous son propre nom), un micro double bobinage en position chevalet et un cordier-vibrato. Si Van Halen a lui-même monté ce chevalet – un vibrato Stratocaster vintage –, il le change par un système plus efficace à double verrouillage Floyd Rose aussitôt après sa mise sur le marché en 1977. Et l’on découvrira par la suite l’importance du vibrato dans le jeu du jeune guitar hero. Le micro est un Gibson PAF humbucker original trouvé sur une ES-335 dont l’une des bobines a souffert d’un court-circuit.
Van Halen, en tant que bricoleur de génie, rebobine le micro (cependant, certains racontent que c’est Seymour Duncan qui aurait refait ce micro, alors que l’artiste maintient l’avoir fait lui-même). Comme il n’a aucun moyen de compter avec exactitude les tours de fil autour de la bobine, les deux bobinages sont déséquilibrés, mais cela contribue à sa sonorité vive et animée (qui sonne d’ailleurs de manière plus lumineuse sur une Strat au diapason de 25,5 pouces que sur celui de 24.75 pouces des Gibson). Enfin, il scelle les bobines par trempage dans un bain de paraffine pour éviter tout accrochage et autre effet larsen à volume élevé.
Pour le spectateur occasionnel, cependant, la caractéristique la plus remarquable de cette « Frankenstrat » est sa finition rayée. Au début, la guitare présentait un corps blanc et des bandes noires. Puis la guitare est entièrement repeinte en noir et à l’aide de caches placés de manière semi-aléatoire, elle est repeinte en blanc, créant un effet de rayures après avoir enlevé les caches. En 1979, Van Halen repeint le corps, mais en rouge cette fois, en laissant l’effet des rayures noir et blanc sur le corps rouge.
Sa sonorité est inversement proportionnelle à son état de délabrement et comme en témoigne les solos hallucinés de Van Halen dans ses premiers disques. Le premier single, une reprise explosive du « You Really Got Me » des Kinks, obtient un succès considérable, et les titres suivants, « Runnin’ with the Devil » et « Jamie’s Cryin », imposent rapidement Van Halen comme un nouveau dieu de la guitare. Le court instrumental « Eruption » est emblématique de l’association magique Van Halen/Frankenstrat.
Belkacem Bahlouli
Arrêtez-tout : AC/DC est de retour avec son premier single en six ans : « Shot in the Dark »
The War On Drugs annoncent leur tout premier album live
Steve Vai fait vrombir les moteurs
Flashback : David Lee Roth chante « Jump » dans un possible dernier concert solo
Les lives fulgurants de Stevie Ray Vaughan
Sammy Hagar and the Circle annoncent un nouvel album
Jeff Beck à Paris : places disponibles
Une tournée hommage à Van Halen avec Joe Satriani en préparation ?
Publié
Par
50 ans de carrière. En voilà un anniversaire. En publiant son tout premier opus, Bruce Springsteen entrait dans la légende. Et bien qu’il devra attendre son troisième opus pour enfin atteindre la stratosphère du rock, ce tout premier effort reste plus qu’un témoignage d’un artiste en devenir, il en a tracé l’avenir. Car il faut le dire d’emblée, Greetings From Asbury Park, N.J. trace avec une force et une évidence rare ce que sera la carrière de celui qu’on surnommera affectueusement «le boss». Sur ce premier album, Bruce Springsteen présente des dehors proches d’un hybride parfait entre Bob Dylan, Roy Orbison et Elvis Presley. Bruce incarne tout cela, et plus même. Le baryton du New Jersey en quelque sorte qui doit encore faire ses preuves, après des années de groupes plus ou moins éphémères, lancés lorsqu’il était encore lycéen ou étudiant. Certains atteindront une certaine notoriété locale, mais sans jamais faire le break. Cependant, il faut d’abord et surtout reconnaître que le son général de ce premier effort montre un Springsteen quelque peu brouillon mais talentueux, tentant encore de trouver sa voie… Et sa voix !
“Bruce Springsteen est un nouveau talent audacieux qui a beaucoup de choses à dire”, s’est d’ailleurs extasié Lester Bangs dans sa critique publiée chez Rolling Stone. “Il a été beaucoup influencé par le Band, ses arrangements ont tendance à prendre une teinte de Van Morrison de temps en temps, et il fait une sorte de grognements un peu comme Robbie Robertson sous Quaaludes avec Dylan vomissant dans sa nuque. C’est une combinaison difficile, mais ce n’est que le début. Parce que ce qui rend Bruce totalement unique et cosmiquement excitant, ce sont ses mots. Bon sang, quel verbiage !”
En effet, Greetings from Asbury Park, N.J. est surgavé de rimes endiablées, d’apartés humoristiques, de personnages vivants et d’images à flux tendu, la plupart directement tirées des expériences personnelles de Springsteen. « La plupart des chansons [de Greetings] étaient des autobiographies tordues « , a-t-il écrit dans ses mémoires de 2016, Born to Run. « ‘Growin’ Up’, ‘Does This Bus Stop’, ‘For You’, ‘Lost in the Flood’ et ‘Saint in the City’ trouvaient leur graine dans des personnes, des lieux, des lieux de rencontre et des incidents que j’avais vus et des choses que j’avais vécues. J’ai écrit de manière impressionniste et j’ai changé les noms pour protéger les coupables. Je me suis efforcé de trouver quelque chose qui puisse m’identifier. »
Cet opus contient cependant certaines des meilleures chansons jamais écrites par Bruce Springsteen. Pas moins. Emblématique de ce travail de jeunesse du Boss, “Lost in the Flood”, peut-être le titre le plus sombre de l’album, met en particulier en évidence son talent d’auteur-compositeur. Cette ballade lancera même une forme que bon nombre de ses chansons les plus mémorables adopteront tout au long de sa carrière : une manière lente avec une histoire forte et émouvante qui gagne en intensité tout en s’articulant sur un lyrisme d’une puissance étonnante ; ce même lyrisme servant de structure et même de colonne vertébrale à son travail, qu’il soit très produit et à l’orchestration surchargée ou au contraire, sous la forme de ballades au piano, à l’image de “Mary Queen of Arkansas” et “The Angel”. La majorité des chansons de Greetings from Asbury Park, N.J. présentent un jeune homme incertain, inquiet même. En revanche, Bruce Springsteen ici, n’affiche pas encore l’énergie infatigable qui caractérisera plus tard ses deux opus suivants, notamment Born To Run.
Mais il y a aussi beaucoup de légèreté, dans le sens aérien, dans les compositions de Greetings from Asbury Park, N.J.. “Spirit in the Night”, précurseur du matériel musical que l’on trouvera sur The Wild, Innocent & the E. Street Shuffle ; ou encore “Blinded by the Light”, chanson amusante intégrant également une certaine influence proto-funk-R’n’B, genre musical qui gagnera rapidement une place prépondérante tout au long de la carrière de Springsteen. “For You”, “Does This Bus Stops at 82nd Street ?” et “It’s Hard To Be A Saint In The City” montrent également une certaine vision de ce qui singularisera plus tard l’écriture du Boss.
Mais le point le plus factuel et partant, le plus passionnant de Greetings from Asbury Park, N.J., bien qu’inégal parfois, c’est qu’il n’y a pas de mauvaise chanson. Ni de réel chef d’œuvre non plus. Mais de vraies réussites, dont une chanson qui finira premier du Hot 100 du Billboard entre les mains de Manfred Mann (“Blinded By The Light”). Et c’est là que l’on saisi toute la complexité de ce que sera le parcours du taureau du New Jersey: Bruce Springsteen montre qui il est, sans détour. Il vient du l’un des coins les plus paumés de cet Etat de l’Est des Etats-Unis, à côté de New York, mais la Grosse Pomme est encore trop loin pour y aller. Un gars venu de sa province, mais qui déjà manipule des mots à la manière d’un magicien – ses assonances sur “Growin’Up” sont sidérantes –, sur un son croisé de Van Morrison, Dylan période The Band et bien sûr Otis Redding et les pionniers du rock’n’roll.
Bruce Springsteen ici est donc l’un de ces nouveaux talents à l’audace exacerbée, talentueux en diable, brillant même, et surtout, gorgé d’une énergie unique, de celle qui peuvent déterminer d’emblée ce que sera le futur d’un artiste dont la carrière sera détonante et qui s’imposera comme l’une des plus grandes stars planétaires. Il a des choses à dire, et il sait les dire, les envoyer loin, avec une poésie unique faite de chocs de mots et d’assonances surprenantes, obligeant l’auditeur à tendre l’oreille. Déjà y point le chantre des blue collar, mais aussi l’amuseur public, l’homme qui aime faire danser les filles et guigner les mecs.
Belkacem Bahlouli
Publié
Par
4 janvier 1967 : sortie du premier album de The Doors.
« Chacun de nous est libre d’explorer et d’improviser dans les limites d’un cadre de travail », expliquait Ray Manzarek à la sortie du premier album des Doors. Un discours très sérieux, à l’image des ambitions du groupe, qui veut se distinguer des autres formations qui fourmillent alors à Los Angeles et se réclamer d’influences culturelles plus profondes.
Pour John Densmore (batterie), Robbie Krieger (guitare), Ray Manzarek (claviers) et Jim Morrison (chant), l’objectif des Doors est toujours allé au-delà du simple rock’n’roll.
De quoi intriguer Jac Holzman, le directeur du label Elektra. C’est Arthur Lee, le leader de Love, qui lui a recommandé de s’intéresser aux Doors. Très rapidement, il leur propose un contrat. S’il se méfie de Morrison, il croit en son aura scénique, en la singularité orchestrale du groupe (pas de bassiste, quelle drôle d’idée !) et en l’intellect de ses membres. Les Doors n’écoutent pas que du rock simpliste, ils se nourrissent de jazz, de blues, de classique, de pop psychédélique et de musique indienne. Ils lisent beaucoup, s’intéressent à l’actualité, sont engagés pour les droits civiques et le pacifisme. Et comptent bien faire passer leurs idées dans leur musique… mais sans utiliser le format de la protest song. Morrison préfère jouer de la métaphore poétique, interpeller les divinités païennes et ressusciter les hallucinations chamaniques.
« On a trouvé le son dès le premier jour (…) Tout était enregistré live »
Enregistré en moins de trois semaines aux Sunset Sound Records d’Hollywood, situés au 6650 Sunset Boulevard, The Doors est remarquablement abouti pour un premier album. D’abord parce que les musiciens jouent les titres depuis des mois sur scène, et que Jim Morrison, malgré ses frasques habituelles (arroser le studio en étant ivre, balancer un poste de télévision contre une vitre) prend très au sérieux son rôle de chanteur charismatique. A la production, Paul Rothchild, 38 ans, fils d’un businessman anglais et d’une chanteuse d’opéra. Il est chargé par Holzman, peu confiant en cette bande d’hurluberlus qui n’inspirent pas franchement confiance, de mettre en boîte The Doors.
Très vite, Rothchild sait qu’il tient là quelque chose de légendaire. « Je voulais que le son soit neuf, expliquait-il au magazine BAM en 1981. Je ne voulais pas d’un style plein d’astuces et de trucs à la mode. » Par exemple, il interdit à Krieger d’utiliser une pédale wah-wah. “On a trouvé le son dès le premier jour (…) Tout était enregistré live. On n’a même pas rajouté d’effets par la suite”, commente l’ingénieur du son fétiche des Doors, Bruce Botnik, dans Les Doors, La vraie histoire de Jean-Noël Ogouz. D’ailleurs, à cause d’un défaut de fabrication sur le magnétophone du studio, l’album est enregistré avec un léger ralenti… ce dont Botnik se rendra compte des décennies plus tard.
A sa sortie, le 4 janvier 1967, le disque ne connaît pas immédiatement un succès fou, même si la critique est acquise au groupe. Mais l’explosion du bien-nommé “Light My Fire” quelques mois plus tard permet de placer The Doors sous le feu des projecteurs. Qu’il ne quittera plus, y compris après la mort de Morrison en 1971.
« Soul Kitchen »
Voici un clin d’œil au quotidien de Morrison qui, le midi, allait souvent déjeuner chez Olivia’s, à Santa Monica – très fréquenté par les étudiants de l’UCLA. On lui servait un steak, des haricots et du pain de maïs à des prix modiques, une cuisine typiquement sudiste, de la “soul food”. Une fois son repas avalé, le chanteur des Doors passait des heures à table, à écrire dans son carnet tout en regardant par la fenêtre. Apprenait-il à oublier, comme il le demande dans la chanson ? Dans les documents biographiques promotionnels des Doors, il indiquait alors être orphelin. Une manière d’oublier son passé, en effet, et d’embrasser pour de bon sa vie d’artiste. Appuyant les accent blues de sa voix, Morrison fait de “Soul Kitchen” un titre partagé entre le rock et le funk : cette drôle de fusion est servie par le solo off-kilter de Krieger et le clavier groovy de Manzarek.
« Alabama Song (Whisky Bar) »
“Oh, show me the way / To the next whisky bar/ Oh, don’t ask why” : cet air de cabaret rock décadent allie quête de l’alcool, poétique lunaire et mort aux alentours. En cela, il s’inscrit parfaitement dans le répertoire des Doors. Egalement reprise par Marianne Faithfull ou Boris Vian, le titre est tiré de l’opéra de Kurt Weill et Bertolt Brecht, Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny – qui traite de la grandiose décadence de l’Allemagne d’avant guerre. Enregistré pour la première fois en 1930 par Lotte Lenya, la chanson connaît une nouvelle jeunesse, fou- traque et insolente, portée par le Dionysos Morrison. On pense alors à ces mots de Kim Fowley : “C’étaient des stars du rock mais ce n’était pas un groupe de rock’n’roll. Leur musique, c’était Kurt Weill + Chess Records.”
« Light My Fire »
C’est la première démonstration du talent de songwriter de Robbie Krieger, auteur d’autres hits du groupe, comme “Love Me Two Times” ou “Touch Me”. Morrison serait vaguement intervenu sur le second couplet, mais ce drôle de manifeste sexuel et psychédélique vient bien des chakras, particulièrement à l’affut, de Krieger. Quant à l’ouverture à l’orgue qui devient le mantra de “Light My Fire”, elle sort tout droit de l’imagination de Manzarek, qui en parle comme d’“une sorte de spirale de Fibonacci enroulée sur elle-même.” S’il s’agit d’un tube immédiat, sa longueur déraisonnable (7 minutes et 8 secondes) l’empêche d’être programmé à la radio en tant que single. Ni une ni deux, Holzman demande à Rothchild de trancher dans le vif de la bande d’enregistrement. Dont acte, malgré la colère des Doors.
Or, le sacrifice en vaut la peine : désormais rentrée dans la case des 3 minutes réglementaires, “Light My Fire” sort en single, avec “The Crystal Ship” en face B, au mois d’avril 1967. Succès foudroyant : plus d’un mil- lion de copies vendues en moins d’un mois ! Le 29 juillet, le single est n°1 des ventes. Malheureusement, le titre fut aussi à l’origine d’une brouille irrémédiable, qui contribua à briser l’harmonie régnant jusqu’alors au sein du groupe. En 1968, alors que Morrison était en voyage, ses trois camarades décidèrent d’accepter une offre de la marque de voitures Buick, à qui ils vendirent les droits de “Light My Fire”. Pour le chanteur, qui réussit à faire annuler le contrat, c’était une trahison dont il leur garda rancune. De plus, si le groupe affirma n’avoir jamais joué le morceau de la même manière en live, c’était toujours celui-ci qu’on lui réclamait. D’où une grande lassitude provoquée par un tube qui lui collait à la peau sans vraiment être si cohérent avec le reste de la discographie des Doors. Ironie du sort, c’est la dernière chanson que Morrison interpréta sur scène avant sa mort.
Sophie Rosemont
Publié
Par
28 décembre 1968 : Le « White album » de The Beatles est n°1 aux États-Unis
Le livre de Rob Sheffield, Dreaming the Beatles: The Love Story of One Band and the Whole World est une véritable célébration du groupe, de la part du chroniqueur de longue date de Rolling Stone. Il raconte cette saga étrange et la façon dont quatre gars de Liverpool sont devenus le plus grand groupe de pop au monde, puis se sont séparés – tout en continuant en popularité. Dreaming the Beatles, sorti en livre de poche le 19 juin, suit la ballade de John, Paul, George et Ringo, de leurs pics des années soixante à leur vie après la fin de l’obsession culturelle autour d’eux. Sheffield explore l’un des trésors inouïs des Beatles, The Esher demos de mai 1968 qu’ils ont enregistrées sur le matériel de George Harrison alors qu’ils se préparaient pour l’Album Blanc, sans se douter que leur amitié allait basculer.
Fin mai 1968 : les Beatles se retrouvent à Kinfauns, nom du bungalow que George Harrison possédait à Esher. De retour d’Inde, prêts à aller frapper Abbey Road et à lancer leur prochain album, les Beatles ont mixé des morceaux acoustiques rugueux dans le nouveau magnétophone à bobines Ampex de George. Le résultat est l’un de leurs enregistrements inédits les plus étranges et les plus beaux nommé les démos d’Esher. Il n’y a rien de comparable dans leur musique. La plupart des 27 chansons ont fini sur l’Album Blanc, mais il n’y a surtout aucune tension ni effroi dans ce disque. À Esher, ils s’amusent et ne réalisent pas toutes les tortures qu’ils s’infligeront mutuellement en faisant l’Album Blanc. Pour presque la dernière fois, c’est un moment de chaleur joviale et intime où l’on entend leur joie d’être encore ensemble.
Cinquante ans plus tard, les démos d’Esher restent l’un des plus étranges artefacts des Beatles. Quand les garçons se sont rassemblés chez George dans les derniers jours de mai – personne n’est sûr de la date exacte – ils avaient d’excellentes raisons de se sentir arrogants à propos de leurs nouvelles compositions. Ils ont écrit ces chansons lorsqu’ils étaient en retraite avec le Maharishi à Rishikesh, en Inde, un endroit sans instruments électriques. Ils n’avaient pas non plus de liens avec les drogues, ce qui pourrait expliquer pourquoi ils avaient trouvé leur musique la plus riche depuis des années. Comme John Lennon l’a dit des années plus tard : « Nous nous sommes assis dans les montagnes en mangeant de la nourriture végétarienne moche et en écrivant toutes ces chansons. Nous avons écrit des tonnes de chansons en Inde. » John, le Beatle le plus distrait, sortait d’une période chaude de sa vie pendant ses trois mois à Rishikesh, ce qui explique pourquoi le White Album est l’album le plus intensif pour John. (L’album précédent avec les plus grandes et les meilleures chansons de John était A Hard Day’s Night, quatre ans plus tôt.)
Quand les Beatles se sont regroupés en Angleterre, ils ont décidé de se réunir et d’enregistrer des démos entre eux, avant d’entrer dans Abbey Road. Une innovation qu’ils n’avaient jamais essayé auparavant et qu’ils n’ont jamais retenté. Ils se sont donc rencontrés dans le bungalow hippie de George dans la campagne du Surrey, décoré dans le style indien le plus groovy. John s’est présenté avec 15 morceaux, plus que Paul (7) ou George (5). Sur la bande, vous pouvez les entendre se détendre dans un cadre informel – ils s’assoient autour du salon, jouent de la guitares ou sur des tambourins ou des shakers, respirant dans le bâton d’encens. Les démos d’Esher sont un vrai trésor. Ces chansons que l’on retrouve sur l’album sont jouées comme s’ils étaient assis autour d’un de feu de camp, avec des guitares acoustiques et des claquements de mains. Quelques tentatives à moitié achevées ont été enregistrées pour Abbey Road (Polythene Pam, Mean Mr. Mustard), d’autres pour leurs disques solo comme Junk pour Paul, Not Guilty et Circles de George, Child de John, qu’il a réécrit plus tard pour Jealous Guy. Ils chantent à travers les chansons des autres – même sur Honey Pie. Ils ont l’air si excité d’avoir monté ce studio improvisé et de composer en seulement quelques jours, comme ils le faisaient à leurs débuts. Personne ne sait encore que les sessions d’Abbey Road seront un cauchemar interminable pour reproduire la sincérité des démos. Des chansons comme Ob-Li-Di, Ob-La-Da nécessiteront 47 prises. Not Guilty nécessitera 102 prises et ne figurera même pas sur l’album.
Facebook officiel (@thebeatles)
Sur la bande, ils parlent parfois à Mal Evans et Derek Taylor, probablement là pour faire du thé ou rouler des joints. Ringo à l’air tranquille, même si vous pouvez l’entendre brayer sur Bungalow Bill. Pourtant, l’ambiance est sympathique – c’est comme l’Album Blanc sans l’hostilité, ce qui pourrait signifier que ces démos n’ont rien de l’Album Blanc. Certaines chansons sont encore en cours de réalisation – dans Yer Blues, John est « peu sûr » plutôt que « suicidaire« , alors que les « Piggies » de George mangent des côtelettes de porc au lieu de bacon. George chante l’excellent Sour Milk Sea, qu’il a transformé en succès en 1968 pour son compagnon de Liverpool Jackie Lomax, avec Paul à la basse et Ringo à la batterie. Les gars continuent jusqu’à la rupture, comme quand John fait son faux monologue doo-wop dans I’m so Tired : « Quand je vous tiens dans vos bras, quand vous montrez chacun de vos charmes, je me demande si je devrais me lèver pour aller dans cette drôle de ferme? Non, non, non! »
À la fin de Dear Prudence, John raconte l’histoire de Prudence Farrow, bien que la folie dont il parle soit vraiment la sienne. « Rishikesh, India« , dit-il sur le dernier coup de guitare, alors que les autres gloussent. « Personne ne devait savoir que tôt ou tard, elle allait devenir complètement folle sous la garde de Maharishi Mahesh Yogi. Tous les gens autour étaient très inquiets pour la fille, parce qu’elle devenait incontrôlable. » Il prend une profonde inspiration. « Alors nous avons chanté pour elle. »
C’était un moment incroyable pour les Beatles – toute leur vie a changé en quelques jours. À la mi-mai, John et Paul se sont rendus à New York pour annoncer la création de leur nouvelle entreprise Apple Corps. Ils ont fait une visite désastreuse le 14 mai au Tonight Show avec la diva d’Hollywood Tallulah Bankhead, qui n’était pas fan de I’m the Walrus. Ce fut une expérience majeure pour NBC – la première fois que John ou Paul donnait une interview sur un talk-show américain. Malheureusement, Johnny Carson était en vacances. Au lieu de cela, ils ont dû faire une petite conversation avec l’hôte invité Joe Garagiola, le receveur de l’équipe de baseball des Cardinals devenu commentateur sportif, qui ne savait rien à leur sujet et a profité de l’occasion télévisuelle de l’année. (Garagiola: « Qu’est-ce que tu vas faire quand la bulle éclatera? » Lennon: « Je n’en ai aucune idée, tu sais, je suis toujours à la recherche de la bulle. ») Bankhead, 66 ans, a fait de son mieux. « Je suis resté huit ans en Angleterre et je n’ai jamais vu un match de cricket, je n’ai pas compris un mot, alors comment voulez-vous qu’ils comprennent le baseball? » Leurs commentaires sur le Maharishi ont été anéantis par Garagiola – le seul Yogi auquel il ait jamais cru a terminé 10 ème sur 24 dans les World Series 55.
Mais le changement vraiment massif s’est produit quelques heures après le retour de John en Angleterre. Il a enregistré Two Virgins avec Yoko Ono lors d’une session nocturne où ils se sont retrouvés au lit pour la première fois, surpris par la pauvre Cynthia Lennon au petit-déjeuner et mettant fin au mariage instantanément. Le 30 mai, le premier jour des sessions du White Album, les trois autres ont été stupéfaits de voir Yoko dans la salle de contrôle d’Abbey Road à côté de John, où elle est restée en permanence, jusqu’au micro dans la première version de Revolution. 1. À partir de maintenant, ils avaient seulement accès à John à travers elle. De tous, Paul était le seul à l’accueillir chaleureusement. « Paul a été très gentil avec moi« , a-t-elle songé dans son journal de bord du 4 juin. « Il me traite avec respect, j’ai l’impression qu’il est mon petit frère ou quelque chose comme ça, je suis sûr que s’il avait été une femme ou quelque chose, il aurait été une bon amie ».
Les Beatles ont passé cinq mois agonisants à faire l’Album Blanc, se séparant souvent pour travailler dans des studios séparés. Les combats ont été si laids que Ringo est parti pendant une semaine. À bien des égards, les démos d’Esher sont le dernier moment enregistré des Beatles en tant que groupe. Pour les sessions Get Back / Let It Be, ils ont essayé de recréer cet esprit des sous-sols, mais cela n’a fait que montrer leur triste disparition. Sept des chansons d’Esher sont apparues sur Anthology 3 – Happiness is A Warm Gun, Glass Onion, Junk, Honey Pie, Piggies, Mean M. Mustard et Polythene Pam. Le reste est inédit.
L’un des moments les plus émouvants est Child of Nature de John, à propos de l’Inde. (« Sur la route de Rishikesh / Je rêvais plus ou moins.« ) Trois ans plus tard, il a recyclé la mélodie pour faire Jealous Guy – une chanson d’amour à Yoko. Mais ici, John chante « Je ne suis qu’un enfant de la nature », dans le même esprit que Paul chantant Mother Nature’s son. Pour ces deux garçons de la ville, la nature n’était qu’un fantasme qu’ils partageaient, une famille qu’ils pouvaient rejoindre pour redevenir frères. Enfant de la Nature et Fils de la Mère Nature n’ont pratiquement rien à voir avec la nature – mais parlent beaucoup des uns avec les autres, et le rêve que tout ce qu’ils avaient brisé pourrait guérie. Sur les démos d’Esher, ce lien d’amitié maintient toujours les Beatles ensemble. Ils n’ont plus jamais été aussi proches.
Ecrit par Rob Sheffield, traduit par Baptiste Manzinali
Publié
Par
Année foisonnante s’il en est, 1966 aura marqué l’émergence de disques qui font encore référence un demi-siècle plus tard.
Lorsque démarre 1966, les Beatles sont en vacances. Leur plus long break – trois mois – depuis presque quatre ans. Des congés que chacun va consacrer à voyager, décorer sa nouvelle maison, étrenner sa nouvelle voiture. Et surtout réfléchir à de nouvelles idées, développer de nouveaux intérêts qui auront des répercussions directes sur les prochains enregistrements calés au début avril.
Ainsi George Harrison va-t-il peaufiner sa passion de plus en plus dévorante pour la musique indienne, marotte que l’on retrouvera sur “Love You To” (où il sera crédité à la sitar sans que personne ne soit réellement certain de sa réelle implication) ou sur quelque référence en filigrane des textes à la fin de “I Want to Tell You”.
C’est à la musique classique que Paul McCartney va, de son côté, se consacrer – quand il ne fera pas la tournée des nouveaux clubs de Londres, une appétence que “Eleanor Rigby” symbolisera à merveille le moment venu, avec la bienveillance (bénédiction ?) de George Martin. Macca n’en oubliera pas pour autant son amour de la soul music américaine avec ce “Got to Get You Into My Life” presque pastiche des productions en rafale de la Motown d’alors.
John Lennon, lui, est en plein trip depuis plusieurs mois. En plein trip LSD. Avec les lectures qui vont avec selon lui, comme les ouvrage de deux psychologues américains, Timothy Leary et Richard Alpert. Et si les connotations à ces trips vont sillonner des chansons comme “And Your Bird Can Sing” ou “She Said She Said” (voire “Rain”, future face B de “Paperback Writer”), Lennon n’a depuis le début qu’une seule idée en tête : illustrer musicalement une expérience LSD en trois minutes. Ce sera la raison d’être de “Tomorrow Never Knows”, définitivement le morceau le plus ambitieux de l’album – le dernier dans l’ordre mais le premier enregistré – où, par exemple, le solo de McCartney sur “Taxman” est ici joué à l’envers. Celui qui traduira au mieux sur Revolver la soif d’expérimentations de sons et d’arrangements d’un groupe qui ne semble désormais plus avoir de limites.
L’histoire est désormais connue, à force d’être rappelée, ici ou ailleurs : Brian Wilson découvre l’album Rubber Soul des Beatles et ne s’en remet pas. La découverte va surtout lui servir de grand détonateur pour tenter de mener à bien les orchestrations complexes et luxuriantes qui lui traversent l’esprit, et ainsi se libérer de cette (fausse ?) superficialité que les Beach Boys incarnent depuis leurs débuts et dont ile ne peut se contenter. Avec ses frères et cousin – et la “pièce rapportée” Al Jardine – en guise de pate à modeler vocale, il va concocter un kaléidoscope sonore et mélodique qui va ni plus ni moins s’établir comme mètre-étalon en matière d’arrangements et d’instrumentation pop. Les hits de la trempe de “Wouldn’t It Be Nice” et “Caroline No” – et surtout le chef d’œuvre absolu “God Only Knows” – feront le reste…
Un morceau excepté, (“One of Us Must Know (Sooner or Later)” fruit de sessions infructueuses quelques mois plus tôt), le premier double album rock de l’histoire est le fruit de sept petits jours d’enregistrements dans les studios Columbia de Nashville en mars 1966. Sept jours durant lesquels Dylan tire la sève de ses acolytes Al Kooper à l’orgue et Robbie Robertson à la guitare et de musiciens de studio locaux. Il va surtout montrer quel troubadour il demeure quel que soit la trame musicale de ses chansons – folk, blues ou rock – et combien l’urgence lui va bien au teint (une seule prise pour les onze minutes de “Sad Eyed Lady of the Lowlands”). Son meilleur album rock pour certains, des ballades immortelles (“Visions of Johanna”, “Just Like a Woman”, “I Want You”) : Dylan met – encore – tout le monde d’accord !
Pour leur troisième album, les Byrds de Roger McGuinn, David Crosby et Gene Clark s’émancipent pour de bon ! Ils s’émancipent notamment du country-folk-rock qui les a mis sur la carte du monde un an plus tôt avec Mr. Tambourine Man, un folk-rock qui se retrouve ici sciemment “infusé” d’effluves psychédéliques, tant au niveau des textes pas vraiment… terre à terre que des sonorités de guitare – six ou douze cordes. Émancipation encore quant au choix des reprises : plus de Bob Dylan au programme – il est vrai qu’ils ont bien donné sur les deux premiers albums (huit fois !) et qu’ils y reviendront plus tard – mais deux de Joan Baez et une version “oubliable” malgré l’insistance de David Crosby d’un “Hey Joe” qu’un certain Jimi Hendrix va très vite et définitivement s’approprier. Un autre oyseau dans son genre…
Avec Aftermath, les Stones ont fini leurs devoirs. Fini de rendre hommage à ces anciens (Chuck Berry, Muddy Waters, Willie Dixon, Bo Diddley et consorts). Désormais, ce sera Jagger-Richards et rien d’autre entre parenthèses sous les titres des chansons. Sans rien oublier non plus, comme sur cet “Under My Thumb” plus R&B que nature ou ce “Doncha Bother Me” bluesy frondeur. Désormais, ce sera… mauvais garçons à la première occasion, provocateurs avec ces dames pour mieux les attirer dans leurs filets. Et désormais, si connotations musicales il doit encore y avoir, ce sera du côté d’un certain psychédélisme qu’on ira le chercher – pour ce qui est du jeu de sitar “à l’occidentale”, Brian Jones reste le meilleur à l’époque. De toute façon, c’est marqué à la fin : “Take It or Leave It”, c’est à prendre ou à laisser !
Dans l’esprit de Ray Davies, Face to Face se concevait comme ce que l’on appellera plus tard un “concept-album”. L’une de ses envies premières était d’ailleurs que toutes les chansons – quatorze à l’arrivée – s’enchaînent sans le moindre répit (sinon celui de retourner le vinyle). Pye en décidera autrement. Façon pour Davies de faire passer le message : The Kinks ne peuvent être qu’un groupe à singles (même si “Sunday Afternoon” sera un hit). Dans ses textes, le message est aussi on ne peut plus clair : regarder l’Angleterre et ses différentes classes droit dans les yeux et les dépeindre sans concessions, sino avec une affection indéfectible pour la middle-class. Musicalement, le spectre s’élargit également, entre brit-rock racé et R&B bon teint, quitte à se montrer moins rêche dans les tonalités.
Un an plus tôt, il était encore dans les Yardbirds. Dans quelques semaines, il sera parti fonder Cream. Autant capter l’instant tant qu’il est encore là. Il ? Eric Clapton, talent prometteur devenu Dieu de la guitare après ce bref passage à… l’école John Mayall. Capter l’instant, graver la magie, c’est précisément ce que vont permettre ces sessions de mars 1966 aux studios Decca où, derrière la voix et l’orgue de Mayall ainsi que l’imperturbable section rythmique composée par John McVie (basse) et Huggie Flint (batterie), la guitare du futur Slowhand va s’en donner à cœur joie – il a toute liberté pour le faire – le temps de revisiter Otis Rush, Freddie King, Robert Johnson, Ray Charles (un “What I’d Say” agrémenté du motif phare du “Day Tripper” des Beatles). Le meilleur album de british blues de tous les temps, “indeed”.
Premier super-groupe de l’histoire ou pas (le degré de notoriété des différents protagonistes au moment de la création du trio étant source de débats sans fins), et s’il s’affirmera définitivement sur Disraeli Gears l’année suivante, Cream va symboliser dès ce premier album la synthèse parfaite entre blues, pop et psychédélisme, quand il n’ira pas – sur scène – s’inspirer des “méthodes” du jazz cher à son batteur Ginger Baker en étirant ses morceaux le long de jams orgiaques. Le chant clair et la basse feutrée de Jack Bruce, les riffs et les solos lumineux d’Eric Clapton, la batterie tour à tour martiale et ouatée de Baker : le plus ambitieux des scénaristes n’aurait pas oser y songer, pas plus qu’il aurait pu imaginer les… séquelles de l’assemblage sur les musiques qui lui survivront dans les années 70, le heavy metal en tête.
“Mister America, try to hide the emptiness that’s you inside”. D’entrée de jeu, dès ce “Hungry Freaks, Daddy”, premier morceau de son premier album, Frank Zappa pose les débats : il va lui en mettre plein la tronche à cette Amérique ! Un “mojo” dont il ne s’écartera plus jusqu’à sa mort en 1993. Avec ses Mothers of Invention qu’il dirige à la baguette, il pose aussi les bases de ce que seront ses obsessions musicales par la suite, à savoir défricher sans cesse, ne jamais rien s’interdire. Une immense tambouille qui passe ici par le blues, le rhythm & blues, le doo-wop, le psychédélisme, l’avant-garde, avec en fil rouge permanent l’ironie, acerbe et cinglante. Suivez le guide, quitte à ce que, parfois, le périple paraisse un brin chaotique… Après tout, les voyages forment (et entretiennent ?) la jeunesse !
River Deep-Mountain High est un peu l’histoire d’un mariage raté. Non, pas celui d’Ike et Tina Turner à qui on laisse le soin d’en juger – s’ils ne l’ont pas déjà fait. C’est bien sûr de l’union des époux et de Phil Spector qu’il est question ici, en tout cas de l’échec “public” de ladite union qui conduira Spector à sabrer son label Philles en 1967, déçu et vexé de l’accueil mitigé du titre-album, et à ne pas mener tout à fait à bien cet album (quatre morceaux seulement sont passés au tamis de son Wall of Sound démesuré, voire carrément “cathédrale” ailleurs). Ike Turner ira puiser dans quelques “vieux” titres du duo et dans une production personnelle plus classiquement R&B pour sauver les meubles. Comme imperturbable à toutes ces pérégrinations, Tina règne en maîtresse absolue au-dessus de la mêlée !
Xavier Bonnet
Publié
Par
En avril 1990, le groupe Guns N’ Roses donnait son dernier concert à l’occasion du festival caritatif Farm Aid retransmis à la télévision : une représentation désastreuse comprenant plusieurs temps forts bizarres comme Steven Adler plongeant, ivre, vers sa batterie et la ratant de quelques centimètres et Axl Rose terminant le concert avec « Good fuckin’ night ». C’était le signe d’un groupe qui se divisait.
https://www.youtube.com/watch?v=O1fHxPY3TJo
Étrangement, malgré l’implosion du groupe, ses membres étaient à leur plus haut niveau artistique. L’une des chansons interprétées lors du festival Farm Aid (dans une version ralentie par l’incapacité d’Adler à l’apprendre) était « Civil War », une chanson qui sera le premier morceau du deuxième album de l’opus composé de 30 chansons et long de deux heures et demie sur lequel ils ont travaillé en 1990 et en 1991. Slash comparera plus tard Use Your Illusion I et II à l’album The Beatles des Beatles (même s’il n’était « peut-être pas aussi bon »). « Trente-cinq des chansons les plus décadentes de Guns N’ Roses, a déclaré Slash. Pour la plupart des groupes, ça aurait pris entre quatre et six ans pour enregistrer autant de chansons ». Comme The Beatles, ces deux albums sont un éclat créé au milieu d’un effondrement.
Le groupe a sérieusement songé à enregistrer un nouvel album pour faire suite à Appetite for Destruction lors de l’été 1989, durant une session d’écriture fructueuse à Chicago. Izzy Stradlin, qui avait récemment arrêté de boire et voyageait souvent séparément des autres membres du groupe, était particulièrement productif. « Izzy a écrit au moins huit chansons, a déclaré Axl Rose en 1990. Slash a écrit tout un album. Moi aussi. Duff [McKagan] connaît les chansons de tout le monde. On a, genre, 35 chansons qu’on aime bien et on veut qu’elles figurent toutes sur un album ». « Je venais d’atteindre un moment dans ma vie où je me disais « Je vais me suicider. Pourquoi mourir pour cette merde ? » », a déclaré Izzy Stradlin à propos de sa récente sobriété.
La session d’écriture à Chicago a fait naître, entre autres, « Estranged » (qui parle du divorce entre Rose et Erin Everly, la fille de Don Everly), « Bad Apples » et « Pretty Tied Up ». Les membres du groupe ont également étoffé « Get in the Ring », « Dead Horse », « So Fine » (l’hommage de McKagan au défunt Johnny Thunders) et « Coma », une chanson longue de 10 minutes, notable pour les paroles les plus dramatiques et les plus littérales de Rose parmi le catalogue de Guns N’ Roses : « Pleeease understaaand me ».
https://www.youtube.com/watch?v=sFbujpjmTzs
GN’R a commencé à enregistrer en janvier 1990, un peu plus d’un an après la sortie de Lies, avec « Civil War », un morceau qu’ils avaient écrit en 1988 et plus tard offert pour qu’il apparaisse sur une compilation dont les revenus iraient aux orphelins roumains. Les problèmes de drogue d’Adler sont immédiatement devenus un obstacle insurmontable. Accro à l’héroïne, il a commencé à piquer du nez sur sa batterie. « J’ai dit à Slash, « Mec, je ne me sens pas bien. Je ne peux pas le faire maintenant », se souvient le batteur. Et il m’a répondu « On ne peut pas tout foutre en l’air. On doit le faire maintenant » ».
Après en avoir parlé avec des avocats, les membres du groupe ont mis Adler sur la touche et, quelques mois plus tard, ils l’ont complètement viré du groupe. « Il était tellement paumé qu’il ne pouvait même pas jouer ses parties de batterie, a déclaré Slash. Et il nous mentait [sur sa sobriété]. On allait chez lui et on trouvait de la drogue derrière les toilettes et sous l’évier ».
Le groupe a tout de même continué à aller de l’avant. Ses membres ont engagé Matt Sorum, le batteur de Cult, un groupe dont les affinités pour les paroles psychédéliques le mettait, à l’époque, dans le même panier que GN’R. « Il était incroyable », a écrit Slash dans son autobiographie, se souvenant d’un concert de Cult auquel il a assisté en avril 1990.
Au même moment, Rose engageait le claviériste Dizzy Reed. Reed connaissait le groupe depuis ses débuts : l’un des groupes dont il a fait partie enregistrait près des studios de GN’R. Au début de l’année 1990, il a appelé Rose, paniqué. Reed, qui avait déjà auditionné pour GN’R, a déclaré au chanteur qu’il se retrouverait bientôt à la rue. Rose lui a offert un emploi. « Ils m’ont sauvé la vie », a déclaré Reed. Il allait devenir le seul musicien, avec Rose, à rester dans le groupe durant les années menant à sa reformation actuelle.
Avec les nouveaux membres, le travail a continué sans incident. Le premier morceau que le groupe a enregistré avec Sorum était une reprise de « Knockin’ on Heaven’s Door » de Bob Dylan, pour la bande originale de Jours de tonnerre, un film de course automobile dans lequel jouait Tom Cruise, sorti en 1990. « On arrivait au studio à midi, se souvient Sorum. On prenait l’éthique du travail au sérieux. On enregistrait une chanson puis on faisait une pause dans l’un de nos bars préférés pour boire un verre ou deux avant de retourner enregistrer une ou deux autres chansons. On ne faisait pas beaucoup de prises pour une chanson. Deux ou trois maximum ». Ils ont également enregistré quelques reprises dont certaines figurent sur The Spaghetti Incident?. Parmi elles se trouvait une version de « Live and Let Die », l’hymne de James Bond interprété à l’origine par les Wings. Rose a une fois appelé cette chanson « Welcome to the Jungle 2 ».
Guns N’ Roses ont également revisité plusieurs vestiges datant de Appetite for Destruction et même d’avant. Si Slash a plus tard déclaré que la chanson « You Could Be Mine » rappelait trop Appetite pour figurer sur les albums Illusion, on peut l’entendre dans Terminator 2 sorti en 1991 et elle aura finalement droit à son single. Il y avait également « Perfect Crime », un titre punky de deux minutes et demie que Stradlin avait amené lors de leur toute première session pré-production.
Viennent ensuite les ballades de Rose, apparemment écartées de Appetite afin de ne pas adoucir l’image de Guns N’ Roses. Rose a affirmé que « Don’t Cry » était la première chanson qu’il avait écrite pour le groupe. « Elle parlait d’une fille avec qui Izzy était sorti. J’étais très attiré par elle et ils se sont séparés. J’étais assis à l’extérieur du Roxy. J’étais très amoureux et elle réalisait que ça ne fonctionnerait pas. Elle voulait faire autre chose, elle me disait au revoir. Je me suis assis et j’ai commencé à pleurer. Elle m’a dit « Ne pleure pas ». La nuit suivante, on s’est retrouvés avec les membres du groupe et on a écrit la chanson en cinq minutes ».
Guns N’ Roses ont fini par mettre différentes versions de « Don’t Cry » sur chacun des albums Use Your Illusion, une version avec les « paroles originales » sur le premier volume et une autre avec les « paroles alternatives » enregistrée de façon impromptue en studio et dans laquelle la rupture est traitée plus énergiquement. « Je préfère la nouvelle version parce que, pour moi, l’originale est nostalgique », a plus tard déclaré Rose.
Une autre chanson qu’Axl Rose avait dans son escarcelle depuis au moins 1986 était « November Rain ». En 1988, il a affirmé à Rolling Stone qu’il était fier de ce morceau, déclarant que « s’il n’est pas enregistré tout de suite, je quitte le monde de la musique ». Le chanteur expliquera plus tard que « November Rain » parlait de ne « pas vouloir être dans un état où on doit gérer un amour non réciproque ». Durant les années menant aux sessions de Illusion, ils ont enregistré des démos de cette chanson avec une guitare et un solo de piano (l’une de ces versions faisait 18 minutes) mais le morceau ne les satisfaisait pas jusqu’à ce que Rose la retravaille en studio afin de reproduire une symphonie complète sur ses claviers.
« On a écouté Elton John pour nous inspirer pour la batterie et pour le ton général, déclare Sorum. Je me souviens m’être assis avec Axl pour écouter « Don’t Let the Sun Go Down on Me » et il m’a fait remarquer le style de la batterie ».
Pour les parties parlées de « The Garden », les membres de Guns N’ Roses se sont tournés vers un vieil ami. Alice Cooper avait demandé au groupe de l’accompagner lors de sa tournée Nightmare Returns en 1986 et Rose, Slash et Stradlin ont travaillé avec lui lors d’un ré-enregistrement de « Under My Wheels » en 1988. Quelques années plus tard, Cooper a reçu un appel de Rose a deux heures du matin.
« J’ai l’habitude de faire les choses en une heure, déclare Cooper. Je sais qu’Axl aime prendre son temps, mais si vous n’arrivez pas à enregistrer les paroles en une heure, il y a quelque chose qui cloche. Je l’ai donc prévenu, « J’ai le temps demain à sept heures. On va le faire en une heure environ ». Je l’ai fait en deux prises. Je ne sais pas combien de temps ça lui a pris pour faire toutes ses prises mais au final, ça sonnait vraiment bien ».
Tel un présage de l’obscurité entourant le groupe, la police a découvert un bras et une tête arrachés dans la benne à ordures derrière le studio où Guns N’ Roses enregistrait. Stradlin fera référence à l’incident dans « Double Talkin’ Jive ». « Izzy était retourné dans l’Indiana et quand la police a trouvé le bras et la tête, il est revenu et a chanté les premières et les dernières paroles », se souvient Sorum.
La violence semblait poursuivre Guns N’ Roses en dehors du studio, durant leur tournée, alors qu’ils travaillaient encore sur les albums. La femme de Rose a demandé le divorce en plein milieu de l’enregistrement de Use Your Illusion, l’accusant de l’avoir agressée, et le groupe créait souvent des émeutes en quittant la scène, comme l’avait fait Rose à St. Louis après s’être battu avec un fan. « On s’est tous rassemblés dans la loge…on ouvrait une porte et ils étaient tous en train de hurler, on en ouvrait une autre et on voyait des gens sur des brancards, des flics avec du sang plein leurs uniformes et de l’agitation partout », se souvient Slash.
« Quand nous avons quitté la scène, la foule s’est énervée, se souvient Sorum. Les personnes qui travaillaient pour nous nous protégeaient des chaises qui volaient et des débris jetés un peu partout tandis que les équipes anti-émeutes arrivaient avec des gaz lacrymogènes. On a essayé de retourner sur scène mais on s’est finalement retrouvés dans un van en direction de Chicago, toujours avec nos vêtements de scène, pas vraiment sûrs de la façon dont ça allait se terminer. Je n’oublierai jamais. Le lendemain, quand j’ai regardé les informations à la télé, j’ai vu les dégâts et c’est là que j’ai réalisé ce qui s’était passé et la folie qui avait blessé beaucoup de nos fans ».
Lorsqu’ils sont sortis en septembre 1991, une semaine avant Nevermind de Nirvana, les albums Use Your Illusion ont été des succès immédiats, se vendant à plus de 14 millions d’exemplaires. « On avait plein de chansons à sortir mais le problème, c’est de savoir comment faire, a déclaré Slash à propos du format inhabituel de l’opus. Vous ne pouvez pas demander aux gens d’acheter un album 70 dollars si c’est votre deuxième album ».
La tactique est entrée dans l’histoire : aucun autre artiste n’avait sorti deux albums le même jour et hissé ces deux albums au sommet du classement Billboard auparavant. « Nous avons tout mis dans ces albums, a déclaré Sorum. Tout ce qui comptait, c’était la musique ».
Les 100 meilleurs batteurs de tous les temps
Interview culte – AC/DC : Rencontre avec Angus Young
Comment Led Zeppelin s’est formé
Plongez aux origines du White Album des Beatles
Elton John : sa vie en dix chansons
27 décembre 1969 : Led Zeppelin II n°1 aux États-Unis
Billy Gibbons : ma vie en 15 chansons
Mick Fleetwood & Friends rendent hommage à Peter Green
S’Inscrire à la Newsletter
© Copyright Rolling Stone France 2022. Rolling Stone est un magazine édité par RS FRANCE SAS sous licence de Rolling Stone, LLC, filiale de Penske Corporation