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DroitActualité du droit Publié le , Marie Cousin et Léopoldine Hua, étudiantes au sein du LL.M. Law and Tax Management, EDHEC Business School.
Si l’euro était d’abord uniquement utilisé sur les marchés financiers, ce n’est qu’en 2002 que la monnaie s’est incarnée dans les pièces et les billets. Vingt ans après, en 2022, dans un monde où la numérisation conditionne tous les aspects de notre vie, la BCE a lancé le projet sur l’euro numérique afin de doter l’Europe de sa propre monnaie numérique.
Les cryptomonnaies – ou plus précisément les cryptoactifs – connaissent un fort développement depuis plusieurs années. Il existe des milliers de cryptomonnaies qui misent sur les avancées technologiques constantes et profitent de l’engouement général pour fournir divers services et tenter de suppléer le Bitcoin, sans jamais véritablement parvenir à le détrôner.
Aujourd’hui, les banques centrales du monde entier s’inclinent devant la réalité : les monnaies numériques deviennent la norme. Celles émises par les États commencent à venir concurrencer les cryptomonnaies[1]. De la Russie au Chili, des tests de déploiement sont prévus pour 2022, tandis qu’au Japon et en Suède, les tests ont déjà été lancés. De leur côté, la Chine et l’Inde ont radicalement interdit les cryptomonnaies pour mieux développer leur propre e-monnaie.
L’euro numérique semble donc être une évidence. « Symbole de progrès et d’intégration européenne »[2], la monnaie numérique de la BCE est d’une importance primordiale face à la nécessité de s’adapter aux nouveaux besoins et nouvelles habitudes des citoyens de plus en plus tournés vers les monnaies digitales. En Europe, un groupe de travail a été lancé en 2021[3] pour décider de mettre au point ou non un euro numérique. Pour ce faire, une consultation publique a été conduite au travers de dix-huit questions posées aux citoyens européens afin de mieux cerner les enjeux liés aux avantages et défis que présenterait l’émission d’un euro numérique et aux modalités de son éventuelle mise en place.
Comme l’explique l’économiste et membre du directoire de la BCE, Fabio Panetta[4], l’euro numérique serait une sorte de monnaie souveraine fournie sous forme électronique. Pourraient l’utiliser aussi bien les particuliers que les d’entreprises.
La réalisation et la réception de paiement serait possible dans toute la zone euro, assurant ainsi aux citoyens les mêmes services que ceux qu’ils obtiennent actuellement avec les pièces et billets de banque. La seule différence : contrairement à l’argent liquide, l’euro numérique pourrait être utilisé pour les transferts d’argent et achats en ligne. Il viendrait donc en complément des espèces sans devenir une monnaie de substitution. Il s’agirait bien d’une monnaie parallèle constituant une solution de paiement supplémentaire.
L’euro numérique permettrait ainsi de proposer aux résidents de la zone euro une monnaie dite numérique, cette dernière reposant sur la même technologie que les cryptomonnaies privées en termes de circulation.
Néanmoins, là où les cryptoactifs ne sont que des instruments notionnels sans valeur intrinsèque qui ne génèrent pas de flux de revenus, la monnaie numérique européenne serait émise et contrôlée uniquement par la BCE. Ainsi, à la différence des cryptomonnaies qui sont créées à l’aide de la technologie informatique et dont la valeur ne peut être assurée par aucune partie, la valeur de l’euro numérique serait garantie. Pour citer Fabio Panetta, la nouvelle monnaie européenne serait « exempte de tout risque, qu’il s’agisse du risque de marché, du risque de crédit ou du risque de liquidité »[5].
En d’autres termes, l’euro numérique permettrait d’adapter l’offre de monnaie à l’ère numérique tout en offrant une alternative aux cryptoactifs dont l’instabilité représente un obstacle majeur à leur pérennité.
La création d’une monnaie numérique de banque centrale permettrait de concurrencer les crypto monnaies et donc de soutenir la digitalisation de l’économie européenne face au déclin du rôle des espèces comme moyen de paiement. Cela permettrait, par ailleurs, de répondre au défi des monnaies numériques susceptibles de supprimer une partie de la chaîne d’intermédiaires dans les transactions financières et partant, de ne pas dépendre d’instruments émis et contrôlés hors zone euro.
L’euro numérique préviendrait ainsi l’utilisation de monnaies étrangères de même que les risques liés aux solutions de paiement non réglementées.

Aujourd’hui, l’euro constitue la monnaie officielle de dix-neuf des vingt-sept pays membres de l’Union Européenne. Ainsi, l’euro ne semble pas encore faire l’unanimité, qu’il s’agisse de son emploi comme des bases légales employées[7]. L’euro numérique pourrait ainsi, en fonction des solutions retenues, consacrer l’avènement d’un euro uniformément utilisé sur tout le territoire de la zone euro.
La base juridique de l’émission dépendra de la conception de l’e-euro et de l’objectif qu’il suit[8].
En effet, le choix du droit primaire de l’Union européenne dépendra de plusieurs scénarios, selon que l’e-euro sera émis :
Dans les trois premiers cas – c’est-à-dire pour l’émission de variantes de l’euro numérique pour des usages limités – l’article 127, paragraphe 2 du TFUE conjointement avec les articles 12, 20 et 22 du Système Européen des Banques Centrales (SEBC) s’affirmerait comme la base légale la plus appropriée.
En revanche, pour l’utilisation de l’euro numérique comme un moyen équivalent à un billet de banque, l’article 128, paragraphe 1 du TFUE, accompagné de l’article 16 du SBEC, offrirait la plus grande marge d’appréciation à l’Eurosystème pour l’émission d’un euro numérique ayant cours légal.
Par ailleurs, s’agissant spécialement des modalités de l’émission de cette monnaie par l’Eurosystème, un acte de droit dérivé pourrait être adopté sur la base de l’article 133 du TFUE afin de réglementer les conditions d’émission pour un euro numérique ayant cours légal.
Le droit primaire de l’Union Européenne ne définit pas la signification ni la portée exacte de la notion de cours légal. Néanmoins, une monnaie ayant cours légal s’entend communément comme un instrument que tout bénéficiaire de paiement se doit d’accepter, comme c’est le cas actuellement pour le billet de banque.
Ainsi, dans le cas où l’euro numérique serait traité comme un billet de banque sur le fondement de l’article 128, paragraphe 1 du TFUE, l’Eurosystème aurait compétence exclusive pour autoriser l’émission d’un euro numérique ayant cours légal. Soulignons ici que dans le silence du droit primaire sur cette notion de cours légal, rien n’exclut que soient émis au cours légal des actifs ou obligations autres que les billets de banque.
Deux options d’accès à l’e-euro seront possibles : soit les utilisateurs finaux auront un accès direct à l’euro numérique avec l’Eurosystème comme seul fournisseur de services de paiement, soit les utilisateurs finaux auront un accès intermédié impliquant des tiers.
Dans tous les cas, l’implication des particuliers dans le processus direct ou intermédié représente une nouveauté juridique qui doit être maîtrisée. En effet, de nombreuses questions de droit privé émergent là où des individus, non agents habituels, se trouvent directement incorporés au système. L’intervention de tiers devra ainsi être strictement supervisée par l’Eurosystème doit définir une politique de respect des enjeux privés de l’euro monnaie en adéquation avec les systèmes et objectifs poursuivis.
Suivant les résultats de la consultation publique menée auprès des citoyens européens, la protection des libertés et la confidentialité s’annoncent être les premières préoccupations des européens pour ce projet d’euro numérique. En effet, 43% des répondants à la consultation publique lancée par la BCE en avril 2021 se sont prononcé pour “un euro numérique fondé sur la confidentialité et la protection des données personnelles, utilisable hors ligne[9].
Il est vrai qu’en matière de protection de la vie privée et des données, les autorités européennes de protection dévoilent des risques significatifs pour ce genre de projet[10]. En effet, contrairement aux espèces qui permettent l’anonymat des paiements, les conditions d’émission et de distribution en ligne de l’euro numérique apparaissent difficilement compatibles avec ce principe.
Il est donc nécessaire de se conformer aux lois et principes européens et que le privacy by design soit au cœur de l’euro numérique.
A cet effet, des garanties sont recommandées, notamment en ce qui concerne l’application des standards imposés aux monnaies numériques. En ce sens, la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme appelle un équilibre à trouver entre cette dernière et la protection de la vie privée et des données personnelles.
Un autre enjeu reste la préservation de l’anonymat des paiements et le libre choix dans les moyens utilisés. Selon la CNIL, « Ce projet d’euro numérique est très important, car il a le potentiel de tracer des paiements. Le Comité européen de la protection des données a adressé une lettre à la Banque centrale européenne en juillet sur le risque de non-protection des données, lui demandant d’être associé à ces travaux »[11]. La CNIL envisage ainsi de prévoir une limitation des risques de traçage au moyen d’un seuil – fixé à 1000 euros – en dessous duquel l’utilisation de l’euro numérique serait libre. Au-delà de ce seuil, l’identification des utilisateurs ne devra pas excéder ce qui est nécessaire au respect des obligations réglementaires en la matière. Une autre solution pourrait consister en la réalisation d’opérations hors ligne, c’est-à-dire accessibles n’importe où sans internet, pour considérablement diminuer les risques de traçage.
Plusieurs projets de travaux collectifs ont été lancés afin d’élaborer un projet respectueux des principes issus du RGPD : les autorités européennes de protection des données travaillent étroutement avec la BCE, une coopération entre autorités et agents publics est instituée et enfin, la CNIL demande à ce qu’un débat démocratique soit spécialement lancé sur le sujet.
De nombreuses incertitudes planent encore sur ce projet que les institutions ambitionnent de mettre en place dans les années à venir. Il reste par ailleurs à convaincre la population de l’opportunité de la mise en place de cette monnaie numérique. En Allemagne par exemple, peu de personnes semblent favorable à la mise en place d’un e-euro : 13 % d’opinions favorables et 56 % d’opinions défavorables, selon un sondage de la Bundesbank[12]. Environ trois quarts des personnes réticentes ont déclaré être satisfaites des méthodes de paiement existantes, ce qui suggère que la Banque centrale européenne n’a pas encore réussi à transmettre les avantages d’une monnaie numérique au grand public.
Cette chronique a pour objectif, de traiter de questions d’actualité relatives à cette transformation. Dans un contexte où le digital, le big data et le data analytics, le machine learning et l’intelligence artificielle transforment en profondeur et durablement la pratique du droit, créant des « juristes augmentés » mais appelant aussi un « Droit augmenté » au regard des enjeux et des nouveaux business models portés par le digital.
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[1] C. Maquet, « MNBC : tout comprendre de la monnaie numérique de demain », 2 novembre 2020, https://siecledigital.fr/2020/11/02/mnbc-tout-savoir-monnaie-numerique/
[2] Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, lors de la présentation du rapport sur l’euro numérique, https://www.ecb.europa.eu/paym/digital_euro/html/index.fr.html#:~:text=Un%20euro%20num%C3%A9rique%20serait%20un,des%20Europ%C3%A9ens%20dans%20notre%20monnaie.
[3] https://www.vie-publique.fr/consultations/276753-consultation-de-la-bce-sur-la-creation-dun-euro-numerique
[4] Fabio Panetta, membre du durectoire de la BCE, lors d’un discours donné le 10 décembre 2020 à Rome, https://trends.levif.be/economie/cryptomonnaies-l-euro-numerique-passage-oblige-pour-la-banque-centrale-europeenne/article-normal-1506855.html
[5] Voir note précédente
[6]D’après le rapport sur un euro numérique, Banque Centrale Européenne, octobre 2020, https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/Report_on_a_digital_euro~4d7268b458.fr.pdf
[7] V. Ledroit, V. Lequeux, A. Olivier et B. Tobelem, « 20 ans de l’Euro : les réponses à vos questions sur la monnaie unique », 21 décembre 2021, https://www.touteleurope.eu/histoire/20-ans-de-leuro-les-reponses-a-vos-questions-sur-la-monnaie-unique/
[8] C. Kleiner, » L’éventuelle introduction d’un euro numérique par la BCE : quels enjeux juridiques ? », 17 août 2021, https://blog.leclubdesjuristes.com/leventuelle-introduction-dun-euro-numerique-par-la-bce-quels-enjeux-juridiques-par-caroline-kleiner/
[9] D’après les résultats de la consultation publique sur un euro numérique, https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2021/html/ecb.pr210414~ca3013c852.fr.html
[10] « Euro numérique : quels enjeux pour la vie privée et la protection des données personnelles ? », 14 février 2022, https://www.cnil.fr/fr/euro-numerique-quels-enjeux-pour-la-vie-privee-et-la-protection-des-donnees-personnelles
[11] C. Cousin, “L’euro numérique ne garantira pas l’anonymat des paiements, souligne la CNIL », 14 février 2022, https://www.agefi.fr/regulation/actualites/quotidien/20220214/l-euro-numerique-ne-garantira-pas-l-anonymat-337683
[12] “Bundesbank Study Shows Few Germans Support Digital Euro, Bloomberg”, 25 octobre 2021, https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-10-25/bundesbank-study-shows-few-germans-support-digital-euro-chart
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