Des décennies avant la Charte des valeurs québécoises, l’Église catholique encourageait les communautés religieuses québécoises à abandonner le port du costume religieux pour faire preuve de plus de discrétion dans la société civile – un processus qui ne s’est pas fait sans heurts. En fait, on assiste même à un retour du port du costume religieux chez de jeunes catholiques en voie d’entrer dans un ordre.
C’est l’Église elle-même, et non l’État, qui a encouragé les membres de ses congrégations à abandonner progressivement le port du costume religieux dans l’espace public à partir des années 1950.
À Montréal, le cardinal Paul-Émile Léger avait demandé aux prêtres de troquer leurs longues soutanes pour un costume de clergyman, avec col romain, pour assurer une discrétion accrue des corps religieux dans la société civile, se souvient aujourd’hui le père dominicain et historien Benoît Lacroix. Le costume de clergyman a ensuite été progressivement abandonné pour une tenue strictement civile.
À l’époque, raconte le père Lacroix, l’Église répondait à un certain courant qui trouvait que « le clergé en menait trop large » dans la société. L’abandon du costume religieux astreignait donc ses membres à une certaine retenue.
 
Un exemple d’adaptation
« Cela s’est fait discrètement », raconte le père Lacroix, qui a aujourd’hui 98 ans et qui a porté la longue robe blanche et la capuche noire des dominicains avant de revêtir le costume du clergyman, puis l’habit civil et le simple port de la croix. « Je suis né nu, j’ai porté des couches, j’ai porté un pantalon, une robe longue, un costume de clergyman, un col romain, et puis une croix », dit-il en riant.
Selon le dominicain, l’Église catholique s’est ainsi adaptée à un pays qui était en train de changer. « D’ailleurs, nous avons donné un certain exemple d’adaptation », relève-t-il. Pourtant, le père Lacroix, comme bien d’autres membres de communautés religieuses catholiques, continue de revêtir chaque jour la longe robe blanche dominicaine pour faire ses prières, en privé ou en communauté.
« C’est un costume très ancien qui vient du XIIIe siècle », dit-il. Selon lui, il n’y a pas d’opposition entre le costume et la vie, et le costume n’a pas besoin d’être porté en tout temps. « Il me semble que les musulmans pourraient faire la même chose », dit-il, ajoutant que « cela ne nuit à personne que le groupe prie en tant que groupe et qu’il porte tous les costumes possibles ».
Par ailleurs, le dominicain constate aujourd’hui un retour au port du costume et aux signes distinctifs, qu’ils soient religieux ou autre. Le phénomène s’observe entre autres chez les jeunes catholiques qui ont l’intention d’entrer dans un ordre religieux. « C’est nouveau depuis 10 ou 15 ans, dit-il. Cela se note chez les catholiques qui ont refusé le Concile. » Pour le dominicain, c’est le même besoin de porter des signes distinctifs qui portait les sympathisants des grévistes étudiants de l’été 2012 à arborer un carré rouge.
« C’est lié au fait que nous vivons dans une société globale. Et que si vous ne vous montrez pas, vous êtes écrasé », dit-il. « Le carré rouge, c’est le besoin de dire publiquement ce que l’on est. »
Claudie Vanasse, historienne spécialisée dans l’histoire des communautés religieuses, raconte elle aussi que l’abandon du costume religieux par les congrégations religieuses féminines s’est fait progressivement, sous les encouragements du concile Vatican II.
À cette époque, le Vatican souhaitait en effet que les communautés religieuses se modernisent et s’intègrent davantage dans la société.
« Les communautés n’ont pas abandonné leur habit du jour au lendemain, dit-elle. D’abord, il y a eu des modifications à l’habit. Les habits ont été plus courts et moins amples, les manches ont été moins larges et plus pratiques. Puis on est passé à une tunique plus simple, avant d’adopter des habits laïques. » Les textures des habits ont aussi graduellement changé, comme la longueur des voiles.
Le père Lacroix se souvient pour sa part avoir vécu cette époque comme une libération. « D’abord, [ce costume] est un peu trop exhibitionniste, et puis je trouvais que la robe blanche était trop salissante pour être portée dans des camps, n’importe où », dit-il.
Claudie Vanasse raconte qu’en effet, avant l’abandon des costumes religieux, des religieuses professeures d’éducation physique enseignaient le tennis en robe longue et cornette…
Des résistances
Reste que les encouragements du concile Vatican II à abandonner le costume religieux n’ont pas été vécus aisément dans toutes les communautés. « Dans certaines communautés, cela ne s’est pas très bien passé », raconte-t-elle. « Certaines communautés ne voulaient pas abandonner le costume parce que la vie religieuse, c’est aussi être séparé du monde séculier », dit-elle. « Pour les membres de ces communautés, le fait d’avoir un habit les distinguait et cela revêtait un caractère sacré. Certaines communautés ont gardé un habit jusqu’à très récemment. »
C’est le cas des Soeurs de la Charité dans la région d’Ottawa, qui ont continué de porter une tunique assez simple, raconte-t-elle. En fait, la décision d’abandonner l’habit religieux se prenait généralement, à partir des années 1950, par les supérieurs des congrégations. Ensuite, chacun des membres de cette congrégation pouvait décider de continuer de porter le costume ou non.
Mais même lorsque leur habit est laïque, les religieuses membres des communautés demeurent tenues de porter des vêtements simples et dépouillés. « Souvent dans des tons de beige, de blanc ou de bleu foncé », note Claudie Vanasse. « C’est un symbole de pauvreté matérielle. »
Voulez-vous activer les alertes du navigateur?

source

Catégorisé:

Étiqueté dans :