« Les pièces, papy, les pièces! » Le petit-fils de Michel Sapin a à peine franchi la porte de sa maison à Argenton-sur-Creuse (Indre) qu’il se rue vers son cabinet de curiosités. Derrière les vitres de l’imposante armoire reposent les plus belles monnaies antiques acquises par le ministre de l’Economie et des Finances. Un petit trésor de 2000 pièces, qu’il a estimé à 30000 euros dans sa déclaration de patrimoine. « Les plus anciennes remontent au Ve siècle avant Jésus- Christ », détaille-t-il, fier de nous en dévoiler quelques-unes alors que nous le retrouvons à Bercy, dans son grand bureau. Pour mesurer sa passion, il faut le voir caresser délicatement ces morceaux d’argent qui, après qu’il les a soigneusement nettoyés, ont retrouvé tout leur éclat. Il les approche de ses lunettes pour louer la beauté du portrait de l’empereur romain Hadrien ou pour décrypter la date à laquelle a été frappée la Bactriane, une monnaie grecque particulièrement rare. Intarissable, il remonte le temps et nous narre l’histoire de la monnaie, qui dessine en creux « la grande Histoire du commerce ».
Comme son petit-fils, Michel Sapin est tombé sous le charme de ces piécettes en argent, plus rarement en bronze ou en or, lorsqu’il était enfant. « J’avais 11 ans, j’étais en classe de cinquième, se souvient-il. Un jour où j’étais malade, j’ai découvert la collection de mon grand-père, qui en avait acheté une quarantaine. Je les ai trouvées belles ! » A Noël ou pour son anniversaire, il se fait alors offrir une pièce de collection, comme ce tétradrachme de Ptolémée que son père lui a rapporté d’un voyage en Egypte. Il se rend régulièrement dans le quartier de la Bourse de Paris où, rue des Petits- Champs ou rue de Richelieu, de vieilles échoppes proposent quelques « chefsd’oeuvre » aux amateurs. Il plonge son nez dans les catalogues de ventes et les livres spécialisés, pourtant réputés arides. Et devient, à 12 ans, le plus jeune membre de l’Association française de numismatique. « Lors de mon inscription à ce club dont la moyenne d’âge devait tourner autour de 80 ans, une section “jeunes” a été ouverte, mais je crois bien en avoir été le seul et unique membre! » évoque-t-il dans un grand éclat de rire. Sa passion grandit, guide ses études. « Je suis entré à Normale Sup dans l’espoir de devenir archéologue et numismate, rapporte-t-il. Sauf que, à ma sortie de l’école, on avait supprimé des postes. Et j’avais commencé à m’intéresser à la politique… »
Va pour la politique, donc. Mais Michel Sapin est vite rattrapé par son intérêt pour les vieilles monnaies: alors qu’il s’installe à Argenton-sur- Creuse, son fief électoral, le voilà qui participe aux fouilles du site gallo-romain voisin d’Argentomagus. Aujourd’hui encore, dans ce vaste chantier qui semble ne jamais s’achever, on le sollicite pour son expertise. « J’y vais de temps en temps, confie-t-il. A chaque fois qu’une pièce y est découverte, on me demande si je sais la dater. En cas de doute, je file chez moi vérifier dans l’un des gros volumes qui s’étalent sur deux étagères. » Souvent, c’est dans le catalogue du British Museum, le plus dense, qu’il trouve la réponse à ses questions.
Il a eu l’honneur d’arpenter ce musée londonien en 1992, quand il est devenu ministre de l’Economie et des Finances pour la première fois, dans le gouvernement Bérégovoy: les Anglais avaient eu vent de sa passion pour la numismatique. « Aujourd’hui, c’est même devenu un gimmick, plaisante Michel Sapin. Quand mon homologue chinois, Ma Kai, est venu à Bercy il y a deux ans, il a remarqué que j’avais de vieilles pièces de monnaie chinoises dans mon bureau.
Pour m’accueillir l’année dernière à Pékin, il m’a donné rendez-vous dans le musée de numismatique de la capitale. Le conservateur a commencé à me faire la visite et, très vite, j’ai pris son relais: j’en savais plus que lui! Ma Kai était médusé. Maintenant, il m’offre des livres de numismatique chinoise. » Frustré de n’avoir pu acheter une seule pièce depuis 2012 – « faute de temps » –, Michel Sapin entend bien se rattraper dans les prochains mois. Déjà, il a renoué avec le plaisir de fureter sur le site de référence cgb.fr, qui met en relation les collectionneurs et propose régulièrement des enchères. Parfois, il s’aventure sur eBay. « Le problème, c’est qu’on ne peut pas vérifier l’authenticité des pièces qui y sont proposées », objecte-t-il, veillant à ne jamais débourser plus de 400 euros par unité. Pas question, en revanche, de céder aux sirènes du bitcoin, cette monnaie virtuelle qui échappe au système bancaire. « Je m’en méfie, mais je m’y intéresse ! »
Retrouvez cet article dans Le Parisien Magazine du vendredi 24 mars. A lire en intégralité ici.
Guide Shopping Le Parisien
Offres d'emploi
Codes promo
Services
Profitez des avantages de l’offre numérique
© Le Parisien

source

Catégorisé:

Étiqueté dans :

,