Déploiement de soldats, renforcement des gardes-frontières, construction d'un mur en Pologne et en Lituanie : les pays d'Europe centrale tentent de faire face à un afflux de migrants orchestré par la Biélorussie pour déstabiliser la région.
Par Virginie Robert
Dix mille hommes. C'est le nombre de soldats qui seront bientôt déployés à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie pour empêcher le passage des migrants, a annoncé lundi le ministre de la Défense polonais, Mariusz Blaszczak. Dimanche soir, le ministre allemand de l'Intérieur, Horst Seehofer, a prévenu que 800 policiers seraient envoyés en renfort pour les contrôles à la frontière. Près de 5.000 migrants sont déjà arrivés cette année en Allemagne depuis la Biélorussie en passant par la Pologne. Ils seraient plus de 4.000 en Lituanie.
Depuis quelques mois, des agences de voyages biélorusses offrent, notamment en Irak et en Syrie, un service à la clé vers Minsk avec visa, billet d'avion et hôtel. Une fois arrivés, les migrants sont ensuite emmenés en autobus à la frontière de l'Union européenne en leur assurant que l'Allemagne -pour beaucoup le premier objectif- est toute proche. A charge pour eux de traverser. Depuis cet été, sept personnes ont été retrouvées mortes.
Pour les pays d'entrée, la crise est immédiate. Ils n'ont pas les ressources suffisantes pour gérer un tel afflux de personnes et de demandes d'asile et montent des camps d'accueil ultra-rudimentaires. Cela crée des dissensions internes, entre ceux qui veulent protéger les frontières et ceux qui demandent un traitement humain des migrants.
Les autorités voient dans cet afflux de migrants une manoeuvre très claire de déstabilisation de l'Union européenne. Le président Alexandre Loukachenko, dont aucun pays européen n'a reconnu la réélection il y a plus d'un an et qui fait l'objet de diverses sanctions (notamment après le détournement d'un vol vers Minsk pour faciliter l'arrestation d'un opposant russe) leur rendrait ainsi la monnaie de sa pièce. Il sert aussi les intérêts de Vladimir Poutine.
Les pays limitrophes de la Russie observent avec une anxiété croissante ce qu'ils perçoivent comme étant la volonté d'hégémonie et de puissance russe avec ce qu'ils considèrent être l'annexion rampante de la Biélorussie, après celle d'une partie de la Géorgie en 2008 et de la Crimée en Ukraine en 2014.
Ces arrivées de migrants sont en effet considérées comme des attaques « hybrides » téléguidées par Moscou, et qui sont différentes de méthodes de conflits traditionnels : cyberattaques, campagnes de désinformation ou chantage énergétique en font partie.
En Europe, le sujet est devenu éminemment politique. Le 7 octobre dernier, les ministres de l'Intérieur de douze pays (Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) ont écrit à la Commission pour demander le financement des murs érigés aux frontières , en Lituanie et en Pologne notamment. Fin de non-recevoir de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen qui a répondu que l'Union européenne ne financerait pas « de barbelés et de murs » aux frontières. « Chaque pays tente de protéger les frontières extérieures de l'UE et les siennes de la manière qu'il entend. Il y a une part de souveraineté nationale que je respecte, mais nous ne devons jamais oublier les principes qui sont les nôtres », a déclaré pour sa part Emmanuel Macron.
Lors du dernier sommet de l'Union européenne, vendredi, les chefs d'Etat ont bien reconnu l'existence d'« attaques hybrides ». Mais aucune solution n'est encore sur la table pour dissuader les compagnies aériennes européennes de poursuivre les vols.
Virginie Robert
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