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Les druzes israéliens ont récemment manifesté contre la loi définissant Israël comme « l’Etat-nation du peuple juif ». En Syrie, les druzes ont été récemment la cible d’une violente attaque de Daech. Mais d’où vient cette communauté également présente au Liban ?
Lecture en 3 min.
Qui sont les druzes ?
Des druzes israéliens dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie le 14 juin 2015.
Jalaa Marey/AFP
La religion druze est issue de l’islam, et plus particulièrement du chiisme ismaélien, dit aussi septimanien. Celui-ci se réfère au calife Ali, à sa femme (Fatima, fille du prophète de l’islam Mohamed) et à leurs descendants directs, les sept imams, « guides », dont le dernier a été occulté.
L’ismaélisme a accédé au pouvoir en 969 en Égypte, avec la dynastie des Fatimides, puis s’étend en Syrie. La scission entre druzes et Ismaéliens se produit au début du XIe siècle, sous le calife fatimide Al-Hakim (996-1021). Celui-ci se déclare « incarnation divine » et est reconnu comme tel par le prédicateur Muhammad al-Darazi. Selon les chercheurs, celui-ci – originaire de l’actuel Ouzbékistan – aurait apporté dans la confession naissante ses influences manichéennes, mazdéennes, voire chrétiennes ou bouddhistes.
La thèse de la divinité du calife et la philosophie grecque qui la soutient font scandale dans le monde musulman. Mais quelques fidèles se réunissent autour d’al-Darazi et le suivent en Syrie où celui-ci est contraint de s’exiler à la mort d’al-Hakim.
Le mot druze – en arabe duruz – dérive de son nom, qu’il a aussi donné au « djebel druze », au sud de la Syrie. Mais les membres de la communauté contestent cette appellation : eux-mêmes ne reconnaissent comme premier guide ou imam qu’Hamza, un Ismaélien originaire de Perse et proche du calife al-Hakim, à qui ils attribuent l’un de leurs principaux ouvrages : le Livre des témoignages et des mystères de l’Unité.
La principale croyance des druzes est celle de l’unité de Dieu. Ils se nomment les « Unitaires » ou les « monothéistes » (les Mouwahhidoun). Le druzisme se revendique comme dernière des religions révélées, et les druzes comme seuls dépositaires du « vrai monothéisme ».
Alors que pendant les premières années de leur installation en Syrie et au Liban, des missionnaires druzes prêchent leur religion, le prosélytisme cesse subitement sous Baha’el-Din, quatrième successeur d’Hamza et les conversions sont interdites. Aujourd’hui encore, nul ne peut devenir druze s’il n’est pas né de père et de mère druzes.
Les chercheurs se divisent sur la question de savoir si le druzisme peut encore être rattaché à l’islam. De fait, ses pratiques diffèrent nettement de celles des sunnites comme des chiites, auxquelles elles ajoutent l’héritage de conceptions cosmogoniques et de philosophie néo-platonicienne et aristotélicienne.
Selon le grand turcologue Robert Mantran, les druzes rejettent les cinq piliers de l’islam qu’Hamza aurait remplacés par sept autres commandements, parmi lesquels l’entraide et la protection mutuelle entre croyants, la renonciation à toutes les autres religions et reconnaissance de l’unité du Mawlana (« notre maître », autrement dit al-Hakim).
L’univers religieux des druzes reste peu connu. Plusieurs explications sont avancées. Pour ceux qui défendent l’appartenance du druzisme à l’islam, leur discrétion, leur éclatement géographique et leur repli communautaire s’expliquent par l’hostilité de la majorité des musulmans (sunnites notamment).
Comme les alaouites en Syrie, les druzes sont connus pour user de la pratique chiite de la dissimulation (taqiyya). Une pratique qui leur permet d’adopter les formes extérieures de l’islam pour se protéger, tout en maintenant leur foi intérieure. Elle peut aller jusqu’à paraître musulman et à affirmer pratiquer les rites de l’islam… D’où la difficulté de situer le druzisme dans le paysage religieux.
Pour les autres, leur religion soude les druzes en une communauté renfermée sur elle-même, autour de livres et d’une doctrine très spécifiques. « Pour assurer le secret de leur doctrine, les druzes la confièrent au contrôle d’une classe d’initiés (…) au sein de la communauté », remarque l’anthropologue Isabelle Rivoal, spécialiste de la communauté druze du Liban (1).
Protection supplémentaire contre toute intrusion extérieure, la communauté est scindée entre « sages » et « ignorants ». Seuls les premiers, nés dans des familles initiées, ont droit à l’initiation et s’engagent alors à pratiquer fidèlement. Ils auront alors accès aux textes sacrés, essentiellement des lettres manuscrites, interprétant le Coran d’une manière ésotérique, « échangées par les missionnaires à l’époque de la prédication, regroupées dans un ensemble, Le livre de la sagesse », écrit Isabelle Rivoal. Il n’existe pas d’établissements d’enseignement.
Les estimations concernant la population druze oscillent entre 500 000 et un million d’individus. La difficulté de les dénombrer vient sans doute de leur éclatement géographique : très soudée par les liens familiaux et de solidarité, la communauté est éparpillée entre Syrie, Liban et Israël, mais aussi de manière plus modeste en Palestine et Jordanie.
Hormis la plaine de la Ghouta, proche de Damas, toutes leurs zones de peuplement sont des massifs montagneux, lieux propices à l’isolement et à la défense de la communauté. Les druzes partagent d’ailleurs souvent ces territoires de montagne avec des membres d’autres « minorités » religieuses, chrétiennes notamment : maronites au Liban, latins et grecs-orthodoxes dans le Sud syrien, que le pouvoir sunnite rejetait elles aussi.
Certains druzes ont émigré à la fin du XIXe siècle vers le continent américain et l’Australie : héritage de cette époque, une American Druze Society œuvre à la préservation de leur culture aux États-Unis. En incluant les petites communautés de la diaspora – aux États-Unis, en Europe, en Australie, en Amérique du Sud, au Canada et dans d’autres pays – l’organisation avance la fourchette de « 1 à 2,5 millions de membres » dans le monde.
(1) Les Maîtres du secret. Ordre mondain et ordre religieux dans la communauté druze israélienne (Paris, Éditions de l’EHESS, 2000).
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