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Dans une analyse, le mouvement Les Démocrates de Côte d’Ivoire (LDCI) présidé par le Professeur d’économie des universités, Séraphin Prao, explique les causes de la révolte de certaines populations africaines contre la France et tire la sonnette d’alarme.
Les faits : des plus récents aux plus anciens En marge du coup d’Etat au Burkina Faso contre le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, le 1er octobre 2022, l’opinion publique internationale et africaine a été témoin, ahurie, du déchainement de violence des populations burkinabé qui ont saccagé le consulat de France à Ouagadougou. Cet épisode fait suite à toute une série, les mois précédents, d’accrochages violents des forces françaises avec les populations burkinabé et nigériennes sorties pour leur barrer la route. Cette situation, ajoutée à la crise diplomatique entre les autorités maliennes et françaises, interpelle et demande à être interrogée pour en comprendre les causes et les implications.
Le constat qui s’impose, c’est que les populations africaines, dans leur écrasante majorité, rejettent la politique françafricaine de la France qui est à différencier du peuple français. L’éviction, dans certains pays, par une soldatesque, des présidents africains accusés d’être impuissants face à la menace terroriste et d’avoir lié leur sort à un soutien français inefficace s’explique, entre autres, par la dégradation de la situation sécuritaire dans le sahel et la paupérisation généralisée subséquente. 1. Le quiproquo des opérations militaires françaises La défiance des populations africaines envers l’armée française s’explique par l’échec de sa lutte contre le terrorisme.
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Après près de 10 ans d’opérations militaires au Sahel et malgré une présence forte, au départ, de 4600 hommes et femmes (opération Serval) et, plus tard, de 5100 soldats (opération Barkhane), l’armée française n’a pas réussi à endiguer l’avancée des mouvements terroristes qui, aujourd’hui, menacent les régions côtières du golfe de Guinée. Le terrorisme djihadiste, au lieu de donner l’opportunité à la France de s’affirmer comme puissance militaire, a révélé plutôt la fragilité de son armée dans les confrontations asymétriques. Par ailleurs, les africains ont l’impression que la France n’est pas là pour les aider à freiner la progression des groupes djihadistes mais pour défendre les intérêts de ses grands groupes. C’est le quiproquo des interventions militaires françaises.
La France est victime des accords de défense qu’elle a signés avec les pays africains et qui ont fait penser que la puissance tutélaire est là pour assurer la défense des frontières des pays africains, les armées locales ne servant que pour les parades militaires lors de la fête de l’indépendance et pour réprimer les manifestations d’opposants. Certains africains estiment que si la France, avec son armée et ses moyens technologiques, n’arrive pas à repousser le terrorisme, c’est qu’elle ne veut pas vraiment le faire et, cela suffit pour l’accuser de complicité avec les terroristes. Certains africains comme Hervé Ouattara, responsable burkinabé de l’association Urgence panafricaniste, ont été des porteurs de ce type de message : « Tout laisse à penser que la France coopère avec les groupes djihadistes pour rendre la zone instable et piller nos matières premières » disait-il en 2020.
Depuis le mois 15 d’août 2022, le Mali accuse la France devant les instances onusiennes et réclame une réunion urgente du conseil de sécurité en soutenant que cette dernière arme et renseigne les groupes djihadistes et, elle dit détenir des éléments de preuve de ses allégations. L’armée française qui est l’une des institutions les plus conservatrices du système françafricain a peu d’égard pour la souveraineté des états africains en situation de crise. Ses opérations sont, la plupart du temps, menées sans concertation avec les autorités militaires locales.
Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, avait juste demandé un appui aérien pour permettre à l’armée malienne de repousser une offensive des groupes djihadistes, l’armée française ne lui accorde pas cet appui aérien mais débarque avec 4600 soldats sans l’autorisation officielles des autorités maliennes de l’époque qui ont dû accepter cette présence devant l’avancée des djihadistes. Sur le théâtre ivoirien comme sur les théâtres malien et burkinabé, l’armée française ne prend pas la peine d’informer au préalable les autorités locales de leurs différents mouvements, alimentant les soupçons de complicité avec les forces attaquantes d’autant plus que certains de ces mouvements sont suivis d’attaques rebelles ou terroristes les jours suivants comme si ces mouvements étaient suivis à la trace par les ennemis.
Le changement de mission de l’armée française au Mali, de l’éradication des djihadistes à force d’interposition, en rajoute à l’incompréhension générale autour de ces missions. Il faut souligner que plus que les hommes politiques, l’armée française et les milieux d’affaires français sont les plus réfractaires au changement de paradigme et donc les plus favorables au maintien de l’ancien ordre et qui soumettent le politique français à leurs options stratégiques projetées. Combien de fois n’avons-nous pas entendu des hommes po litiques français dire vouloir refonder les relations franco-africaines et oublier toutes les promesses faites une fois confrontés à la réalité du pouvoir et à ce qu’on peut appeler l’état profond français, ces hauts fonctionnaires qui veillent au respect d’une certaine ligne qui permet à la France de continuer de peser aussi sur les affaires du monde. Aujourd’hui, cet état profond est aligné sur la position des néoconservateurs américains.
2. Des contestations généralisées et persistantes La contestation que la France connaît sur le continent africain n’est pas localisée à un seul pays, loin de là, mais touche toute la zone sous influence. Hier, c’était la Côte d’Ivoire dont la révolte a été anéantie après neuf ans de lutte. En mars 2021, ce fut le tour du Sénégal, à travers des attaques contre des symboles français, de contester violemment la mainmise française sur les affaires sénégalaises. Hier et aujourd’hui encore, ce fut le tour des centrafricains de rejeter la France et sa politique qualifiée de jeu trouble. Aujourd’hui, c’est le Mali et le Burkina Faso mais aussi les populations du Tchad qui expriment leur ras-le-bol face au poids de la France dans la politique africaine.
Les qualificatifs pour dénoncer la France ne manquent pas : partenaire peu fiable au soutien hypocrite et au jeu trouble, partenaire à l’attitude paternaliste, condescendante, méprisante et arrogante vis-à-vis des africains, soutien indéfectible des dictateurs africains qui appauvrissent leur peuple pour remplir leurs comptes en banque en occident, ennemi de tous les jours des leaders africains nationalistes, etc. La fracture est tellement profonde et peut-être irréversible que même là où il n’y a pas de manifestation contre la France, le ressentiment anti-politique française est là, sourd et silencieux comme un volcan endormi qui attend un tremblement de terre pour rejeter son magma incandescent.
Il suffit que ceux qui sont accusés à tort ou à raison d’être les obligés de la France perdent le pouvoir d’une manière ou d’une autre et que les nouvelles autorités soient des nationalistes pour que la clameur furieuse prenne forme et vie. Pour le moment, les réseaux sociaux sont devenus le mode d’expression privilégié de ceux qui contestent le maintien de la françafrique et de ses réseaux de domination. Le ressentiment envers la France et non envers le peuple français, parce que les autorités françaises jouent astucieusement sur la métonymie, est de la même teneur que celui de l’Ukraine et des ex-républiques soviétiques envers la Russie.
A force de subir la misère et l’insécurité djihadiste, toute l’Afrique noire francophone finira par devenir la nouvelle Algérie de la France et, il suffit qu’une puissance rivale ou amie surfe sur ce ressentiment général et lui donne les moyens militaires de s’exprimer pour que l’Afrique ait son Zélensky et son régiment Azov. Pour le moment, nous sommes à un stade de maturation générale. II/ Suspicions légitimes et bouc-émissaire idéal
1. Confiance rompue et méfiance totale Si les dirigeants occidentaux, au mépris de toute éthique, ont été capables et sans remords d’utiliser des preuves aujourd’hui notoirement considérées comme fabriquées et amplifiées par la propagande médiatique pour dégager le régime libyen qui gênait leurs intérêts, comment les populations et les jeunesses africaines qui ont vécu cette situation devant leurs écrans pourraient-elles croire encore en la sincérité de l’argument brandi de la propagande russe ?
Cette rhétorique des autorités françaises est interprétée non seulement comme une manœuvre d’infantilisation des africains pour délégitimer leurs revendications souverainistes mais aussi un refus de toute concession. Quel crédit les jeunesses et les populations africaines informées et éduquées peuvent-elles accorder encore à ceux qui gouvernent le monde avec le mensonge sans remords qui n’a plus honte de son mensonge, avec la manipulation des masses par la propagande médiatique, avec l’aventurisme meurtrier et un interventionnisme guidé par des considérations économiques mensongèrement déguisées en humanitaires ?
Quel crédit peut-on accorder à des dirigeants aux contradictions et aux mensonges qui s’équivalent depuis des années ? Comment comprendre, au XXIe siècle, cette érection de l’amnésie volontaire en intelligence politique et stratégique à laquelle nous assistons ? Comment comprendre cela et qui fait que le monde passe son temps à répéter les mêmes scénarios du désordre organisé malicieusement présenté en nouvel ordre mondial ? Le problème qui oppose les jeunesses africaines et certaines élites françaises et même occidentales est un problème de valeur.
Les mensonges d’Etat érigés en valeurs en 2003, puis en 2011 ont fini par éroder toute l’estime que les africains avaient pour les dirigeants occidentaux. Toute la rhétorique qui accompagne leurs campagnes de diabolisation, considérées comme des manœuvres de déstabilisation, est dorénavant suspecte. Les arguments pseudo-moralistes à but manipulatoire ne prennent plus les opinions publiques africaines à leur piège. Si avant, les discours politiques étaient avalés sans précaution, aujourd’hui, ils sont passés au filtre de la critique. Le monde a cautionné des assassinats sans raison qui ne pèsent même pas sur la conscience de leurs auteurs. Une conscience sans conscience ne peut que conduire à la ruine de l’homme.
2. Le bouc-émissaire idéal que les africains refusent d’avaler L’échec militaire français en Centrafrique et au Mali a poussé les autorités de ces pays à se tourner vers l’expertise russe dont le succès en Syrie est considéré comme un soutien exemplaire. Mais le recours à la Russie passe très mal auprès des autorités françaises qui, n’ayant pas réussi à dissuader ces pays de nouer un partenariat avec la Russie, se sont résolus à l’accuser d’être à l’origine du développement du sentiment anti-français en Afrique. Les intellectuels panafricanistes qui vendent le soutien russe jugé honnête et plus rentable et qui critiquent la France avec virulence sont taxés d’être des relais de la propagande pro-russe.
A eux est jointe toute personne ou toute organisation de la société civile africaine qui ose se montrer critique envers la France et les idées-reçues propagées. Et pourtant, le combat pour une révision du partenariat avec la France est porté depuis des décennies par des africains et des auteurs français qui n’ont jamais eu besoin d’être des admirateurs de la Russie pour dénoncer les manœuvres de cet empire du 19e siècle qui ne veut pas mourir. Cette accusation constitue un serpent de mer opportuniste adapté aux priorités stratégiques de l’OTAN déclinées en deux étapes : contrer dans l’immédiat la Russie et s’imposer à long terme à la Chine pour façonner l’ordre international de demain.
Tel est le squelette auquel vont se greffer la chair des valeurs adaptées aux circonstances et à l’évolution idéologique du monde. La France s’en prend aussi à la Turquie en l’accusant d’alimenter le sentiment anti-français en Afrique. A cela, les autorités turques ont sèchement répondu en demandant à la France d’atteindre « aussi tôt que possible la maturité nécessaire pour faire face à son passé colonial sans accuser d’autres pays ». Accuser la propagande russe, turque ou chinoise du rejet de la France par une bonne partie des opinions publiques africaines, c’est refuser de voir la vérité en face et refuser de se regarder dans le miroir de l’autocritique pour prendre conscience de ses propres erreurs dans un monde qui n’est plus celui de nos pères, ni de nos grands-pères, encore moins de arrière-grands-pères.
C’est aussi oublier que la réussite économique relative du Rwanda parle contre la France et contribue à faire penser que quitter le giron français avec ses pesanteurs coloniales est encore plus rentable en termes de développement que d’y rester. Ainsi pourraient s’expliquer les récentes démarches de certains pays africains qui cherchent à diversifier leurs partenariats en adhérant à d’autres organisations mondiales. Le diagnostic français de la situation africaine est erroné. La solution qui consiste à lutter contre la soi-disant propagande russe est une fuite en avant qui sert à balayer du revers de la main les revendications souverainistes légitimes des africains.
Les dirigeants français sont décalés et en retard par rapport aux tendances lourdes du monde. Ils bâtissent toute leur stratégique autour du projet du nouveau siècle américain. Les africains, malgré leur retard de développement technologique, économique et social, sont plus sensible aux tendances fortes de la nouvelle ère d’un monde plus juste et multipolaire. III/ La France est son propre bourreau en Afrique Le projet de coopération proposé par la France n’incite pas les intellectuels et certains hommes politiques à y adhérer parce qu’il semble décalé au regard des besoins croissants de développement des pays africains.
Les accords de défense aux clauses secrètes qui ne protègent pas les pays africains des attaques des rebelles ni de l’avancée du terrorisme djihadiste mais protègent les régimes amis tripatouilleurs de constitution et d’élections ne sont pas adaptés aux défis sécuritaires du moment. La chute de ces pouvoirs portés à bout de bras par le parrainage françafricain est célébrée par les populations comme leur victoire sur les réseaux françafricains et l’occasion pour les régimes militaires qui s’installent de rompre avec le pacte colonial et ses servitudes. C’est, semble-t-il, la nouvelle donne en Afrique face au défi sécuritaire et à la problématique de l’alternance politique empêchée.
Le mécanisme du franc CFA, outrageusement avantageux à l’économie française car ses entreprises bénéficient gratuitement de cette authentique assurance à l’encontre des fluctuations monétaires susceptibles d’affecter leurs marges, coûte cher, en revanche, aux citoyens africains qui paient le prix de la stabilité du taux de change par des ponctions opérées par le Trésor français sur leurs réserves monétaires placées en France. Cette monnaie, rebaptisée Eco pour couper l’herbe sous le pied au projet africain de l’Eco, est au service de l’impérialisme français et, sa réforme cosmétique reste une stratégie très policée de la France pour maintenir sa domination dans ses ex-colonies.
La France, en réalité, ne veut rien lâcher du franc Cfa. Elle demande aux dirigeants africains de formuler euxmêmes la demande de renégociation des clauses de cette monnaie tout en sachant qu’aucun n’aura le courage de le faire de peur de perdre le pouvoir dans son pays. L’élite politique de pouvoir, quel qu’il soit, de gauche ou de droite, en France, reste enfermée dans un paradigme politique et économique colonialiste qui est l’ADN de la Françafrique hors de laquelle il n’y aurait apparemment point de salut possible. Non contente de dominer économiquement, financièrement et militairement ses anciennes colonies, la France veut aussi avoir sous sa coupe politique les dirigeants africains et ceuxci, après chaque élection présidentielle, partent en France renouveler l’allégeance nationale et personnelle au souverain.
Le pèlerinage au Quai d’Orsay par des hommes politiques africains (opposants comme des pouvoirs en place) est devenu un rituel obligé pour se faire adouber avant des élections présidentielles en Afrique. Ce paradigme de la politique africaine de la France entretenu par les africains euxmêmes leur enlève l’initiative stratégique. La mainmise économique, politique, diplomatique, financière et militaire de la France sur les pays africains reste l’une des causes structurelles de leur retard de développement et l’expose grandement en cas de détérioration économique ou sécuritaire de la situation.
L’on rétorquera que la responsabilité première incombe aux dirigeants africains eux-mêmes qui préfèrent s’enrichir que d’enrichir leurs peuples. Cela est tellement juste que ces dirigeants, conscients de ne pas avoir doté le système de santé de leur pays du plateau technique adéquat courent se soigner en France ou ailleurs en Europe lorsqu’ils sont malades. Mais, dans cette contribution, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » interroge le système dans lequel ils baignent. Le système est tout ; c’est un logiciel doté de séquences d’instructions interprétables par les individus aux postes de commande des Etats africains.
C’est le logiciel qui leur confère leur utilité fonctionnelle dans l’ensemble du système mis en place depuis des générations pour assurer le bon fonctionnement de l’empire qui ne veut pas mourir. Quoi qu’on dise, les pays africains restent encore ancrés dans des objectifs colonialistes avec les servitudes du pacte colonial. Ils sont essentiellement des appendices agricoles et des pourvoyeurs de matières premières et des importateurs de biens et de services en provenance d’Europe et du reste du monde. Le tissu industriel qui y a été créé sert juste à couvrir la consommation locale.
Même la monnaie utilisée sert à faciliter les transactions courantes des entreprises françaises (règlements des importations et des exportations, rapatriement des profits et dividendes, envois de fonds des travailleurs expatriés, investir dans la zone, etc.) sans risquer de dépréciation monétaire, sans avoir à débourser la moindre devise étrangère et sans aucun risque de change. La structure de l’industrie ainsi dépeinte ne favorise pas un grand développement économique puisqu’elle n’est pas tournée vers l’exportation. Les dirigeants français sont prompts à parler de partenariat gagnant-gagnant, décomplexé et débarrassé des pesanteurs du passé.
Les populations africaines constatent que rien n’est plus faux et démagogique que ce propos face à la réalité des rapports entre la France et les pays africains qui n’arrivent pas à se débarrasser justement de ces pesanteurs coloniales. Les accords coloniaux subordonnent les choix stratégiques des dirigeants africains à ceux de la France ».
Fait à Abidjan, le 18 octobre 2022
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire »
Le Président Pr. Séraphin Prao
Quand Venance Konan se moque du « dossier en béton » de la junte malienne contre la France à l’ONU
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