Durement frappés par les mesures d’austérité imposées par l’Etat, les Roumains ont perdu confiance en leurs dirigeants, mais ils ont plus que jamais la foi et donnent volontiers une part de leurs impôts à l’Eglise.
Faire bâtir une nouvelle église compense la culpabilité ressentie pour la marginalisation de l’Eglise par les communistes pendant ces décennies où les symboles religieux étaient proscrits. Cette hypothèse explique peut-être en partie l’accroissement des dons à l’Eglise que l’on constate en Roumanie. Donner une partie de ses impôts aux prélats orthodoxes peut-il être un moyen de laver ses péchés ?
Les Roumains peuvent affecter 2 % de l’impôt sur le revenu annuel qu’ils paient à l’Etat à toute organisation non gouvernementale (ONG) ou fondation de leur choix. Cette année, il semble que les dons s’adressent majoritairement à l’Eglise, à hauteur de 29 %, puis vers les services d’urgence et d’assistance (SMURD, Serviciul Mobil de Urgenţă, Reanimare şi Descarcerare) [sorte de SAMU roumain] pour 10 % d’entre eux, ainsi qu’à l’ONG Salvati Copiii [Sauvez les enfants] (9 %) et à la Crucea Roşie [Croix-Rouge] (6 %).
L’année dernière, la hiérarchie des dons avait été similaire. Les Roumains qui connaissent l’existence de cette possibilité de faire don d’une part de leur impôt à des œuvres sont peu nombreux : seuls 60 % des contribuables en ont entendu parler, et, parmi eux, seulement 56 % ont fait l’effort de compléter le formulaire de don. Selon l’Agence nationale pour l’administration fiscale (ANAF), sur la base des revenus 2008, quelque 1,3 million de Roumains ont fait don d’environ 28 millions d’euros sur l’enveloppe globale de leur imposition.
Fortement financée par l’Etat, l’Eglise orthodoxe roumaine tient la première place dans le cœur des Roumains qui font don de 2 % de leur impôt. D’autres religions et des fondations religieuses ont aussi leur préférence. Le patriarcat de Roumanie, qui collecte ces fonds, soutient ne pas avoir centralisé l’argent au cours des années, car les dons sont affectés à chacune des quelque 15 000 paroisses que compte le pays [pour une population de 22 millions de croyants].

Cette approche concrète rassure les donateurs. “Les croyants qui font des dons aux paroisses peuvent réellement voir où va leur argent : les pauvres reçoivent une aide, ainsi que les jeunes qui ont des projets mais pas les moyens de les mettre en œuvre”, explique le père Constantin Stoica, porte-parole du patriarcat. “Ils ont le sentiment de participer à ce travail social.” L’année dernière, l’Eglise orthodoxe a reçu environ 6 millions d’euros par ce biais. En vingt ans, le pays a vu s’ériger 4 000 églises et disparaître bien plus d’écoles et d’hôpitaux : tels sont les chiffres issus d’une étude menée par une ONG suisse. La Roumanie compte aujourd’hui deux fois plus d’églises que d’institutions éducatives ou de soins.

De nombreux Roumains – gens du peuple, politiques ou hommes d’affaires voient en l’Eglise et la pratique religieuse une sorte de “police d’assurance” : une hostie, un cantique et une donation, ça sert “à faire le bien” pour absoudre ses péchés, expliquent des observateurs. Le sociologue Mircea Kivu constate que la majorité des dons à l’Eglise proviennent des zones rurales. Selon lui, “l’influence de l’Eglise est très directe, contrairement à d’autres organisations”. Kivu pense que les gens ne font pas don de leurs 2 % à des fondations dans d’autres domaines parce que, tout simplement, ils n’en connaissent pas. Ainsi le SMURD [le SAMU] a récolté l’année dernière 600 000 euros grâce à ce mécanisme, confie Raed Arafat, le fondateur du service. Bien qu’il soit amplement financé par l’Etat, le SMURD utilise l’argent provenant des dons pour des projets spéciaux, tels que des équipements de simulation pour l’entraînement du personnel médical ou pour l’instruction des pilotes des avions ou des hélicoptères d’intervention.

Andrei Popescu
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