Interviewé par Soubha Es-Siari |
L’euro a reculé lundi dernier de 0,71 % à 0,9883 dollar, son plus bas depuis décembre 2002. Depuis le début de l’année, la monnaie européenne ne cesse de s’affaiblir face au dollar. Un dollar fort n’est pas exempt d’impact sur les économies notamment celles en voie de développement.
Avec un panier devises constitué de 60% euros et de 40% dollars, le Maroc encourt-il des risques ? L’analyse de Omar Bakkou, économiste et spécialiste en politique de change.
EcoActu.ma : L’euro a atteint un niveau historiquement bas ce lundi 05 septembre, à moins de 0,99 dollar dans un contexte d’incertitude économique. A votre avis, quelles sont les causes sous-jacentes à cette envolée du dollar en un an ?
Omar Bakkou : L’augmentation du prix d’une валюта sur le marché international peut provenir naturellement soit de l’accroissement de sa demande, soit de la baisse de son offre, soit des deux à la fois.
Dans le cas d’espèce, l’appréciation du cours de change du dollar américain comparativement aux autres monnaies provient essentiellement de l’accroissement de la demande du dollar. Cet accroissement s’explique par trois principales raisons :
-La première est l’envolée des prix des matières premières (produits énergétiques, miniers et agricoles), puisque les prix de ces produits sont libellés en dollars américain : les pays importateurs de desdits produits verront leurs dépenses en dollars augmenter ce qui impactera la demande mondiale de dollars ;
– La deuxième est l’augmentation du taux directeur de Banque centrale américaine : les gestionnaires de l’épargne privée et publique (les réserves de change) auront intérêt à les placer sur le marché américain ;
-La troisième est liée à l’incertitude qui plane sur l’économie mondiale faisant ainsi que les détenteurs de fonds préfèrent les placer dans des actifs financiers et monétaires perçus comme les plus surs : bons du Trésor et dollar américain.
Quel pourrait être l’impact de cette évolution sur les économies en développement ?
Les « économies en développement » constituent une population très hétérogène au regard de leurs profils économiques et de leurs politiques de taux de change.
Cette diversité fait que l’appréciation du cours de change du dollar américain retentira différemment dans ces économies.
A titre d’exemple, les pays dont le cours de change de la monnaie nationale est fixé de manière administrative par rapport à l’euro (environ 25 pays dans le monde)  tels ceux de  l’Union économique et monétaire ouest-africaine  (le Sénégal, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, etc.) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale( le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, etc.) souffriront globalement plus de cette appréciation.
En effet, leurs monnaies communes nationales, le franc CFA, s’est déprécié par rapport au dollar dans la même proportion que la dépréciation de l’euro par rapport au dollar. Cela renchérit les prix en monnaie nationale payés pour l’importation de ces produits ce qui impacte négativement la balance des paiements, le budget des particuliers (le pouvoir d’achat)  et celui des Etats respectifs de ces pays.
En revanche, cet impact sera nul dans les pays dont  le cours de change de la monnaie nationale est fixé de manière administrative par rapport au dollar tels les pays des caraïbes, du moyen orient, etc. (environ 42 pays dans le monde ), puisque leurs monnaies nationales n’ont enregistré aucune variation par rapport au dollar américain.
Ces pays doivent gérer un autre problème à savoir celui la compétitivité de leur production, notamment celle destinée à l’exportation.
En effet, leurs monnaies se sont appréciées par rapport à l’euro et également vis-à-vis des monnaies ayant des cours de change fixes par rapport l’euro. Cette appréciation aura un impact négatif sur la compétitivité prix de leurs produits.
S’agissant des pays dont le cours de change est plus ou moins fixe par rapport à un panier de devises (environ 12 pays dans le monde dont le Maroc ), le poids de l’impact de cette appréciation du cours de change du dollar sera supporté en partie par le citoyen (le pouvoir d’achat) et en partie par les entreprises(effet compétitivité).
Depuis le début de l’année, la monnaie européenne ne cesse de s’affaiblir face au dollar. Quelles pourraient être les répercussions sur le Maroc dont le principal partenaire demeure l’Union européenne (commerce, dette, investissement…) ?
Au Maroc, le cours de référence du dirham est fixé  par rapport à un indice théorique constitué de l’euro (60%) et du dollar (40%).
Cet  indice est conçu de façon à ce qu’un panier de devises constitué de 60 euros et de 40 dollars puisse être acheté avec la même quantité de dirhams quel que soit l’évolution du cours de change de l’euro par rapport au dollar sur le marché international.
Cette méthode permet d’alléger l’impact des variations des cours de change sur le marché international (cours du dollar par rapport à l’euro) sur les cours de change bilatéraux du dirham : cours de change du dirham par rapport au dollar et par rapport à l’euro.
Concrètement, la méthode du panier fait en sorte que la dépréciation du dirham par rapport au dollar est plus faible que celle de l’euro par rapport au dollar. Cette méthode permet ainsi déjà d’amortir une partie de ce choc de taux de change.
Concernant l’impact de la dépréciation du taux de change du dirham par rapport au dollar américain, on peut considérer pour simplifier qu’il est négatif pour le consommateur et positif pour les producteurs.
Il s’agit d’un impact négatif pour le consommateur en raison de ce que cette dépréciation renchérit légèrement les prix de nos importations facturées en dollars (environ 50%), particulièrement les produits énergétiques, miniers et agricoles. En outre, si l’on prend en considération la politique de soutien de l’Etat aux prix de certains produits tels l’électricité et le gaz, ce renchérissement du cours du dollar affecte également le budget de l’Etat.
En revanche, l’impact est positif pour les producteurs particulièrement ceux dont les produits sont destinés à l’exportation en raison de ce que cette dépréciation leur permet de générer plus de recettes en dirhams à l’issu de leurs opérations d’exportation.
A mesure que la FED augmente ses taux d’intérêt, les autres banques centrales doivent relever les leurs pour rester compétitives et défendre leur monnaie. Le Maroc est-il logé à la même enseigne ?
En principe, lorsque la banque centrale américaine augmente son taux d’intérêt directeur, les banques centrales des pays ayant un marché de capitaux concurrent à celui des Etats-Unis (zone euro, Japon et certains pays émergents) se trouvent obligées de réviser à la hausse leur taux directeurs.
Cette réaction de ces banques centrales a pour objectif d’éviter la fuite de capitaux de ces pays à destination des Etats-Unis, laquelle fuite impacte négativement le financement de ces économies et également les prix internes (par le canal de la dépréciation des taux de change inhérente à cette fuite de capitaux).
S’agissant du cas du Maroc, pays dont le marché des capitaux domestique est faiblement intégré à celui international, Bank Al Maghrib subit moins de contraintes que celles qui pèsent sur les banques centrales de pays fortement intégrées au marché financier international.
Toutefois, il n’en demeure pas moins que les dépôts bancaires des marocains résidant à l’étranger sont relativement importants.
Par conséquent, la banque centrale marocaine doit logiquement tenir compte de l’augmentation des taux d’intérêt directeurs de la FED mais de façon moindre que les banques centrales de pays fortement intégrées au marché financier international.















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