En 2021, l’euro a connu un mouvement d’affaiblissement généralisé face à la plupart des devises émergentes. Il a baissé de 6 % face au rouble russe et à la roupie indienne, et de 1,5 % contre le real brésilien. Exception de taille, il a bondi de 66 % face à la livre turque : l’euro a évolué entre 8,4 et 18,50 livres, un record en termes d’amplitude et une illustration de la volatilité extrême de certaines monnaies émergentes. Les entreprises européennes doivent payer un prix élevé en termes de risques pour accéder à la croissance du Nouveau monde.
A la différence des spéculateurs, professionnels (hedge funds) ou amateurs (particuliers), les entreprises ne cherchent pas à faire des profits sur les monnaies. En 2021, elles n’ont pas pris le risque d’acheter une devise en perdition comme la livre turque pour profiter de sa chute. « Dans des situations d’extrême volatilité comme en Turquie, les trésoriers sont très réticents à intervenir compte tenu des risques. On a assisté à des opérations de prêts intra-entreprises, où la maison-mère prêtait des dollars ou euros à ses filiales turques », constate Séverine Priser, responsable de la vente pour la clientèle des entreprises chez Citi pour la France, la Belgique et le Luxembourg. Ainsi le groupe Ferrero qui importe ses noisettes de la Turquie pour la fabrication du Nutella a profité de la baisse de la livre turque face à l’euro. Mais la crise en Turquie pourrait entraîner une forte baisse de la production et une hausse des prix de cette denrée.
Neutraliser le risque de change sur les pays émergents a été très coûteux pour les entreprises européennes en 2021. La très forte remontée des taux d’intérêt par les banques centrales de ces pays pour lutter contre l’inflation a fait bondir le coût des couvertures qui visent à s’assurer un cours fixe sur une monnaie à une échéance future (de 3 mois à plus d’un an). Le coût de protection contre la variation du real a par exemple reflété la forte variabilité des taux au Brésil. Ce pays a procédé à pas moins de 8 resserrements depuis plus de 12 mois pour porter son taux directeur à 10,75 %.
Avec la forte reprise économique dans les émergents, les entreprises européennes commencent à envisager en 2022 « un retour des injections de capitaux​ dans leurs filiales émergentes. En 2020, on avait assisté à un large mouvement de remontée du ‘cash’ des filiales vers la maison mère. Ce phénomène a été bien moins marqué l’année dernière », estime Séverine Priser.
« Dans bien des grands groupes européens et français, l’exposition à la devise chinoise est supérieure voire équivalente à celle du dollar », estime Stefan Ionescu, responsable de la vente de produits de changes pour les entreprises de France et d’Europe du Nord chez Société Générale. Parmi les acteurs européens très exposés en Chine, figurent des groupes des secteurs du luxe (Richemont, LVMH), des articles de sport (Puma, Adidas), de la pharmacie (Merck) ou encore des boissons (Carlsberg).
L’année dernière, l’euro a perdu 10 % face à la monnaie chinoise. A 7,27 renminbis, il rebondit de 1 % en 2022. Il n’est pas passé sous les 7 renminbis depuis plus de 6 ans. Les autorités chinoises devraient tenter de limiter l’appréciation de leur devise en 2022 en évitant que l’euro passe sous ce seuil psychologique.
L’Europe important plus de la Chine qu’elle n’y exporte, elle est pénalisée par la chute de l’euro, qui renchérit ses importations. Entre janvier et novembre 2021, les groupes européens ont importé pour 422 milliards d’euros de Chine et y ont exporté pour 203 milliards.
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