Bien qu’il ait été élevé dans une maison remplie de dictionnaires, Étienne Hannequart-Ferron ne se destinait pas à une carrière d’auteur de mots croisés. Le verbicruciste raconte comment il est tombé amoureux de son métier en trouvant sa place au sein de l’entreprise familiale et sa fierté de perpétuer le nom de son père et de son grand-père.
Enfant et adolescent, M. Hannequart-Ferron ne faisait pas de mots croisés, pas plus qu’il n’en fait maintenant qu’il est adulte. Il ne joue pas non plus au Scrabble ou à d’autres jeux de société.
Par contre, jeune, il adorait la lecture, il avait une facilité évidente pour le français et il a vu son grand-père, puis son père collectionner, fouiller, user et même découper dans des dictionnaires, toute sa vie durant. 
À 36 ans, le verbicruciste ayant grandi à Saint-Bruno-de-Montarville a déjà accumulé plus de 15 ans d’expérience — et une importante collection de dictionnaires — dans le mystérieux monde des mots croisés.
« Il n’y a pas d’école pour apprendre, comme c’est un métier très rare », explique-t-il lorsqu’on lui demande où il a appris les rudiments du verbicruciste. 
« Je voyais mon père travailler et lorsque j’ai décidé de mettre de côté mes études en cinéma au cégep pour me lancer dans l’entreprise familiale, j’ai appris assez vite. » 
L’amour des mots
Il faut dire que sa famille a toujours eu un penchant pour les mots et les arts ; l’écrivain Jacques Ferron et Pierre Renaud (cofondateur des librairies Renaud-Bray) font partie de son clan.
« Mon grand-père, Maurice Hannequart, est arrivé de France dans les années 1950 vers l’âge de 15 ans. Il a fait plusieurs travaux et a travaillé un peu au Journal en touchant à tout. 
« À un certain moment, il n’y avait plus personne qui faisait les mots croisés et à cette époque, il y avait vraiment peu de gens qui en faisaient. Il a commencé à en faire et cela a tellement bien été que ça a déboulé. Il a fait cela toute sa vie. » 
« Après, c’est mon père, Michel, qui a repris l’affaire, et là, c’est moi. En fait, j’ai remplacé ma tante Nicole, qui travaillait aussi au Journal de Montréal. Ma mère a aussi quitté son travail d’avocate pour travailler avec mon père et développer la compagnie. »
Modernisation
Concrètement, le métier de verbicruciste consiste à créer la grille en y plaçant les mots choisis et à élaborer, ou à modifier, leurs définitions. Cette dernière tâche est réalisée sur une autre plateforme, à l’aide d’une base de données heureusement aujourd’hui informatisée. 
Ces grilles font partie de trois grandes catégories : très faciles (destinées aux débutants et aux enfants), intermédiaires (pour les habitués) et très difficiles pour les cruciverbistes experts. 
Afin de créer ses grilles, il choisit d’abord la potence — formée d’un mot à l’horizontale et d’un autre à la verticale —, toujours en commençant en haut à gauche pour terminer en bas à droite. 
Chaque grille contient entre 20 et 30 mots choisis un peu au hasard par l’auteur quand il regarde les mots de la base de données défiler devant lui. S’inspirant des définitions qu’il y trouve, son outil de travail principal reste le bon vieux dictionnaire. 
« Au départ, il n’y avait qu’une seule méthode, relate M. Hannequart-Ferron. Mon grand-père s’est assis à son bureau avec un dictionnaire, il a d’abord dessiné une petite grille de 10 x 12 et a essayé de la remplir. Les premiers étaient faits à la main.  
« Il me disait qu’il dessinait ses trucs, qu’il coloriait les cases noires avec un petit pinceau et qu’il apportait le tout au Journal. »« Avec le temps, cela s’est modernisé. Quand mon père a commencé, c’était à peu près comme cela, mais tranquillement, ça s’est informatisé. Je n’ai jamais fait de grilles à la main. J’ai commencé avec nos programmes et nos bases de données. »
Jongler avec le sens
Créer une grille très difficile peut lui prendre une journée complète, chaque définition devant être refaite, être nouvelle. 
« Une grande partie de mon travail est de ne pas dire les choses. La plus grande difficulté est de ne pas se répéter, parce que c’est quotidien et que ce sont souvent les mêmes amateurs qui jouent. » 
Ce que M. Hannequart-Ferron trouve à la fois le plus ardu et le plus agréable de son emploi réside dans les deux extrêmes : les grilles très difficiles (incluant création, jeux de mots, devinettes et clins d’œil à l’actualité) et les grilles destinées aux débutants et aux enfants. 
« Il m’est déjà arrivé de tomber sur un journal où j’ai fait la grille, d’essayer de la faire et de devoir chercher un peu, car je ne m’en souvenais pas par cœur », confie celui qui aime l’aspect créatif et la liberté du travail autonome de son métier. 
« Je dois chercher, moi aussi. »
Toujours aussi populaire
Selon lui, c’est parce que les mots croisés sont reliés aux journaux, au quotidien et à une certaine routine qu’ils sont autant appréciés des Occidentaux.
« C’est comme un ami le matin, presque quelqu’un qui te parle, quelque chose de plus léger que tout ce qu’on voit dans l’actualité, croit-il. Je pense que c’est pour cela que les gens aiment que ce soit le même auteur, car il y a une certaine régularité. Je vois cela comme une sorte de gymnastique quotidienne, une manière de se réveiller. Les gens aiment aussi faire des jeux et les réussir, surtout le matin. J’imagine que c’est aussi une question de vocabulaire. »
Certains joueurs n’hésitent pas, d’ailleurs, à lui écrire s’ils dénichent une erreur, mais surtout lorsqu’ils ont une question sur une définition ou encore pour le féliciter. 
La pratique
Quant au meilleur truc pour devenir un bon joueur, il est simple : l’entraînement. 
« Souvent, les gens vont commencer une grille facile, vont trouver quelques mots, mais ne vont souvent pas la finir. Pourtant, réussir une grille au complet pour la première fois, c’est satisfaisant et cela pousse à continuer », assure M. Hannequart-Ferron.
« La pratique, et peut-être apprendre par cœur le tableau périodique. Aussi, inscrire dans la grille tous les mots que tu connais, ce qui te donne des lettres pour les prochains mots. Avec un mot, tu trouves les lettres de plusieurs autres, car les mots se croisent, c’est un jeu de déduction. » 
QUELQUES MOTS PEU UTILISÉS AU QUOTIDIEN MAIS SOUVENT UTILISÉS DANS LES MOTS CROISÉS  
QUELQUES-UNS DE MOTS PRÉFÉRÉS D’ÉTIENNE HANNEQUART-FERRON :
LES NOUVELLES GRILLES DU JOURNAL

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