Entre le pain et le gâteau, la brioche se pose là. Apparue probablement dès l’Antiquité, elle n’est au départ qu’une sorte de pain amélioré par des générations de boulangers et de pâtissiers. Son berceau ? La patrie du beurre, c’est-à-dire la Normandie, où son usage s’est répandu avant toutes les autres provinces françaises, dès le Xe siècle ! Selon les linguistes, le mot « brioche » aurait clairement une origine normande : le « brie » (une sorte de rouleau en bois servant à pétrir la pâte, en patois normand), suivi du suffixe « oche » (dérivé de « hocher », c’est-à-dire, remuer). Le « pain brié », avec sa pâte dense et sa mie serrée, est précisément un pain normand traditionnel.
Malgré sa composition plus rustique que celle d’un gâteau, cette recette riche en beurre, en œufs et en belle farine a souvent eu la réputation de flirter avec les élites. « Qu’ils mangent de la brioche ! », aurait répondu une princesse – et non pas Marie-Antoinette, à qui cette phrase est attribuée à tort – à qui l’on apprenait que le peuple n’avait plus de pain.
Pourtant, cette gourmandise si prisée de la bourgeoisie s’est fortement démocratisée depuis un demi-siècle. Elle colonise même les rayons des grandes surfaces : la marque de viennoiseries Pasquier a été la première, en 1974, à proposer une brioche industrielle. Chez Carrefour, la brioche vendéenne, non tranchée, est un produit historique de la marque « Reflets de France », depuis 1998. Produite en Vendée, tressée à la main et pur beurre, elle obéit au cahier des charges de l’IGP qu’elle affiche fièrement sur son emballage. Lequel promet une conservation optimale de quatre jours après ouverture, soit de deux de moins que sa rivale de Monoprix Gourmet, qui cumule IGP et Label rouge, vendue nettement plus cher. La composition de ces produits, hybride, elle aussi, oscille entre œufs de poule élevées en plein air, pourcentage plutôt élevé de beurre – entre 14,5 et 16,5 % – et des conservateurs et améliorants usuels. « Ils présentent l’avantage de la régularité », commente Guy Krenzer, chef exécutif de la Maison Lenôtre, qui considère ces produits industriels comme une excellente base pour un pain perdu ! Bien sûr, il y a un monde entre les brioches des linéaires et celles des boutiques des meilleurs artisans.
Brioche alsacienne, anglaise, couronne, au sucre, feuilletée, de Nanterre, mousseline, Parisienne (appelée aussi « à tête »)… La trentaine de recettes de la bible pâtissière « Darenne et Duval », rééditée à maintes reprises depuis 1904, bien connue des professionnels, paraît aujourd’hui dépassée. En plus de ses très nombreuses variantes régionales, on la trouve enrichie ou non de fruits secs ou confits, de grains de sucre, de pralines roses, d’eau de fleur d’oranger ou d’épices. L’influence de la cuisine étrangère est passée par là : la babka, nouvelle venue qui enflamme Paris depuis deux ou trois ans, a détrôné semble-t-il la croustillante brioche feuilletée, suintant le beurre sous son édredon torsadé !
Chocolat-noisettes, cannelle-muscovado, pistache-fleur d’oranger, halva-citron, et bientôt, fraise-rhubarbe pour la prochaine « babka du mois » chez Babka Zana, rue Condorcet à Paris, où on ne plaisante pas avec l’origine slave de cette spécialité : « C’est une adaptation du kouglof, lui-même inventé en Pologne. Autrefois, la communauté juive là-bas y mettait des fruits secs mais pas de cannelle, trop coûteuse. Quand les juifs new-yorkais ont voulu la reproduire, ils n’avaient pas les moules à kouglof, donc ils ont inventé le tressage. En revanche, aux États-Unis, la cannelle et même le chocolat étaient parfaitement accessibles ! Ceux qui ont émigré en Israël en ont fait un produit-phare. Tel-Aviv est le temple de la babka. Et nous, nous l’avons découverte dans les livres du chef Yottam Ottolenghi », racontent Sarah et Emmanuel Murat, qui s’apprêtent à ouvrir leur deuxième boutique. Plus moelleuses que les babkas de Tel-Aviv, leurs créations portent l’empreinte de leur « parrain », le pâtissier-boulanger Benoît Castel. « On adore son univers. On a eu la chance qu’il nous coache, et qu’il nous transmette un morceau de son levain de 15 ans d’âge, avec lequel on fabrique nos brioches et que l’on nourrit tous les jours comme il nous l’a appris. »
« On ne transige pas avec la qualité du beurre, pas plus qu’avec celle des œufs ou de la farine », martèle leur maître. Benoît Castel pratique l’art de la brioche avec passion depuis ses trois boutiques parisiennes : « Des œufs fermiers bien jaunes contiennent davantage de lécithine, et apporteront donc plus de moelleux à la brioche. Le beurre, lui, doit être une AOP d’Isigny ou des Charentes, aux saveurs franches. Je me souviens qu’il y a encore trente ans, dans le village breton où j’ai grandi, tout le monde venait faire cuire sa brioche dans le four à pain de la commune. On gardait précieusement un cube de beurre un peu rance dans son emballage, et on l’enfermait dans la pâte, pour lui donner plus de goût ! » Concernant la farine, les chefs ne jurent que par celle de gruau T 45 (la plus raffinée, à savoir l’amande du blé débarrassé de son enveloppe). « Elle fonctionne bien avec les pâtes levées, et elle a plus de corps et d’élasticité que le froment », souligne Guy Krenzer le chef de la Maison Lenôtre.
Bien entendu, les bons produits ne suffisent pas : quelques petits secrets de fabrication sont essentiels pour arriver à la brioche parfaite. À commencer par ce mélange levain et levure de boulanger chez Benoît Castel, car « le levain intervient dans le développement aromatique de la pâte, et permet d’obtenir une texture plus dense et moins alvéolée ». Chez Lenôtre, « on ajoute toujours environ 100 grammes de pâte fermentée de la veille par kilo de pâte à brioche du jour, pour un effet proche du levain ».
Des techniques de pro qui ne leur interdit pas de confier quelques conseils plus accessibles aux amateurs, tel l’ajout de crème épaisse et crue, voire de mascarpone, pour une mie encore plus filante et une pointe d’acidité bienvenue. Et afin de ménager la levure, cet organisme vivant et fragile, une astuce signée Guy Krenzer : « Battre les œufs en omelette avec le lait et la levure, pour lui éviter le contact direct avec le sel et le sucre. » Mais une brioche réussie se mérite : « Chez un artisan, il faut compter trois jours, entre le mélange des ingrédients, le pétrissage, la pousse, le rabat et enfin le façonnage, pour « sortir » une fournée de ces merveilles », résume le jeune chef pâtissier Yann Le Douaron, dont les créations enchantent Instagram. « Les temps d’attente, le repos indispensable à la pâte entre les différentes étapes, et par-dessus tout, la patience, sont la clé du succès. »
Carnet d’adresses : notre sélection briochée
Pour les brioches parisiennes, Nanterre et au sucre :
Benoît Castel, pâtissier-boulanger : 150 rue Ménilmontant, 75 020 Paris
Tel : 01 46 36 13 82.
Et aussi : 11 rue du Sorbier 75020 Paris et 72, rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris.
6 € 50 la brioche parisienne, 3 € 10 la petite brioche individuelle.
Pour une brioche mousseline, une brioche à tête et une brioche aux agrumes confits (Brioche de Menton) :
Maison Lenôtre
www.lenotre.com
8 € la brioche mousseline, 22 € la brioche de Menton, 1€ 90 la petite brioche à tête.
Pour la brioche feuilletée :
Celle aux pralines roses de Mickaël Bartocetti à l’Hôtel Four Seasons -George V à Paris, disponible au tea-time.
Farine & O: 153, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris. Tél. : 01 43 07 77 58.
Et aussi : 10, rue des Martyrs, 75009 Paris. Tél. : 01 48 78 20 17.
4 € 50 la brioche feuilletée aux amandes.
Pour les brioches au levain traditionnel :
Boulangerie Liberté : 39 rue des Vinaigriers 75010 Paris. Tel : 01 42 05 51 76.
Et aussi : 10, rue Poncelet 75017 Paris
Comptez 15 € le kilo.
Pour les babka :
Babka Zana : 65 rue Condorcet , 75009 Paris. Tél. : 09 88 02 91 43
3 € 50 pièce la Babka roll.
Mamiche, 45 rue Condorcet, 75009 Paris. 01 53 21 03 68
9,5€ la babka pour 4-5 personnes.
The French Bastards, 61 rue Oberkampf, 75011 Paris.
3,80 € la babka individuelle. 16,80 € le grand modèle à trancher.
Et aussi, dans les supermarchés :
Brioche vendéenne pur beurre Reflet de France (Carrefour), 3 € 06 le paquet de 600 g
Brioche vendéenne pur beurre Monoprix Gourmet, 3 € 69 le paquet de 500 g.
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