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Source : JT 20h Semaine
Il y a presque onze ans jour pour jour, le 11 mars 2011, le Japon était frappé par une triple catastrophe : un séisme de magnitude 9, puis un tsunami et l'accident nucléaire à la centrale de Fukushima. Le plus important depuis Tchernobyl en 1989. À l'époque, le grand reporter François-Xavier Ménage était sur l'archipel nippon pour couvrir l'événement. Nous avions interrogé le journaliste dix ans après. Auteur de Fukushima, le poison coule toujours (Flammarion), il évoquait pour LCI les stigmates laissés par le drame au sein de la population japonaise. Démantèlement, déchets radioactifs ou encore traumatisme d'une société, la catastrophe de Fukushima a laissé des traces indélébiles sur cette île. 
Le 11 mars 2011, vous vous êtes envolé au Japon pour couvrir le tsunami qui était en train de ravager l'île nippone, qu'avez-vous vu ? 
François-Xavier Ménage : Je suis parti là-bas à la suite de cette catastrophe naturelle qui ébranlait le pays. En arrivant sur place, on s'est retrouvé face à des scènes de destructions hallucinantes sur le littoral à côté de Sendai – la grande ville de cette région qui a été dévastée. Au fur et à mesure, on a compris la gravité de la situation autour de la centrale. À ce moment-là, nous nous trouvions à 60 ou 70 kilomètres de Fukushima, la zone n'avait pas encore été évacuée. On regardait les images en direct de la centrale Fukushima avec d'autres journalistes et un traducteur. 
Au téléphone, on apprend que la ministre de l'Écologie de l'époque nous demande de foutre le camp. On est face à une catastrophe naturelle qui se transforme en catastrophe nucléaire. De toute façon, on n'a plus de carburant. On ne peut pas partir. Le danger est invisible. Finalement, on est resté calme. Je me souviens qu'après la catastrophe, j'ai rencontré le Premier ministre de l'époque. Dans son bureau, il avait tracé le Japon et dessiné un énorme cercle. Il me raconte qu'au moment de la catastrophe, il s'est demandé s'il fallait évacuer la zone allant de Sendai à Tokyo – soit 50 millions d'habitants. C'était une décision difficile pour lui. 
François-Xavier Ménager, grand reporter
Depuis la catastrophe, vous êtes retourné à plusieurs reprises dans ce pays où vous dites "avoir laissé votre cerveau". Quel constat faites-vous une décennie après la catastrophe ? 
Le plus fascinant, c'est lorsqu'on se trouve dans la zone rouge – dans un rayon de 20 à 30 kilomètres. Le périmètre n'est pas un cercle parfait, ça dépend aussi du vent. Les villages sont totalement figés. Dans certaines boutiques, l'heure est restée bloquée au moment où la vague submerge la zone. Certaines maisons peuvent être visitées une fois par mois par les propriétaires. Pour le reste, c'est inhabitable. 
Autour de cette zone rouge, il y a des régions qui ont été décontaminées. Des travailleurs ont gratté la terre radioactive pour la mettre dans d'immenses sacs noirs qui sont entreposés je ne sais où. On note qu'il y a une volonté politique de l'ancien Premier ministre Shinzo Abe et de son successeur d'essayer de faire en sorte que ces zones redeviennent normales. L'exécutif encourage la population à revivre dans ces territoires décontaminés mais la plupart des familles refusent. Les populations déplacées ont reçu diverses aides de la part de TEPCO – société chargée d'exploiter la centrale de Fukushima – et de l'État japonais. 
François-Xavier Ménager, grand reporter
Sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima, quels sont les enjeux liés aux déchets radioactifs ? 
La centrale nucléaire ne sera pas démantelée avant 40 ans. D'ailleurs, son coût est faramineux. Sur place, de nombreuses entreprises s'activent. C'est la société TEPCO qui gère le chantier avec l'aide de l'État. On note de nombreux problèmes liés à la centrale. Par exemple, la matière radioactive la plus incandescente et la plus dangereuse reste inaccessible. Les Japonais ont utilisé des robots pour se rendre sur le site – au début ces derniers mouraient quelques minutes après leur entrée sur le site. Que va-t-on faire de ces matières hautement radioactives qui aujourd'hui restent intouchables ?
L'autre point important : le stockage de l'eau contaminée. En effet, le liquide continue à être déversé pour refroidir les réacteurs. Le volume d'eau contaminée est de l'ordre de 150 m3 par jour. Aujourd'hui, si on regarde le chiffre global d'eau polluée, on arrive à 1,1 million m3 d'eau. Mais en 2022, il n'y aura plus de place pour stocker ce liquide contaminé (on y trouve du césium 137  - un élément radioactif). Pour limiter les dégâts, les travailleurs sur place ont même gelé les sols pour que l'eau ne se répande pas davantage. L'objectif ? Créer une forme d'étanchéité naturelle. Au niveau politique, la question se pose de savoir si l'eau devrait être reversée dans l'océan. Dans le pays, ce sujet créé la polémique. Selon certains experts, il n'y aurait pas d'autres alternatives. C'est un travail titanesque. 
Peut-on parler d'un traumatisme pour la population japonaise ? Et comment la catastrophe a-t-elle changé son rapport à l'atome ? 
Après la catastrophe de Fukushima, il y a eu un débat poussant à arrêter le nucléaire. Au niveau de la population, certains citoyens ont décidé de dire "non" à l'atome et d'organiser des manifestations, pas nécessairement politisées. C'était un signal important, d'autant plus qu'il y a assez peu de mouvements populaires dans le pays. Mais dans les faits, rien n'a changé. Selon un rapport que j'ai consulté, l'atome va représenter entre 20 et 22 % des besoins du pays en 2030, contre 26% avant Fukushima. 
Le gouvernement est cependant favorable à une relance de la filière. Mais du côté de la population, la catastrophe de Fukushima reste un événement indélébile pour la population. Je ne connais pas un Japonais qui ne va pas se sentir déchiré en parlant de ça. Il faut noter que le nucléaire permettait à cet archipel une dépendance énergétique – un avantage important sur le plan diplomatique par rapport à leurs voisins coréen et chinois. Après l'accident, toutes les centrales avaient été mises à l'arrêt. Mais certaines ont été rouvertes depuis. 
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