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Le 15 août 2021, nous célébrions les 50 ans de la mort du système de Bretton Woods après que le président Richard Nixon ait supprimé la possibilité de conversion en or du dollar. Ce « crime de 1971 » inaugure l’ère de la pure monnaie fiduciaire et de la suprématie des banques centrales. Il convient donc de dresser le bilan de Bretton Woods pour apprendre de nos erreurs et bâtir un nouvel étalon-bitcoin supérieur et pérenne.
Un nouvel ordre monétaire qui repose sur le dollar
Au lendemain du cataclysme de la Seconde Guerre mondiale et du désastre monétaire des années 30, les gouvernements cherchent à bâtir un nouvel ordre monétaire international. Les puissants du monde se rassemblent donc dans le New Hampshire et signent les accords de Bretton Woods en 1944. Nous assistons à l’époque à un basculement de puissance hégémonique : de la livre toute puissante au 19e siècle, le dollar devient la clef de voûte de cette architecture monétaire. Le billet vert devient convertible en or au niveau de 35 $ l’once et seuls les gouvernements étrangers et les banques centrales ont l’autorisation de convertir leurs dollars. Toutes les autres devises sont liées au dollar à un taux de change fixe.
En réalité, dès le départ, ce système était mort-né. En effet, il n’a pu fonctionné un laps de temps uniquement parce que le dollar était artificiellement sous-évalué alors que la majorité des autres monnaies héritant de leur parité d’avant-guerre étaient surévaluées au sortir du conflit. L’aide étrangère financée par le contribuable américain permettait de subventionner l’excédent commercial d’un billet vert sous-évalué. Cette pénurie de dollars a donc permis à l’inflation américaine de continuer un temps sans effets notables sur l’économie.
Une stabilité précaire face à la planche à billets américaine
Alors que les États-Unis poursuivaient leur politique impérialiste en gonflant leur crédit, les pays d’Europe de l’Ouest appliquaient une politique de rigueur monétaire. Cette orthodoxie s’inscrivait dans le cadre de la reconstruction du Japon et de l’Europe, qui connaissaient une productivité croissante. Mais si l’étalon-or (enterré définitivement en 1914) inhibait les pulsions monétaires des gouvernements, l’étalon dollar en revanche permettait l’existence d’une inflation américaine. En effet, les pays se sont engagés à accumuler des réserves de dollars ; dollars qui se dévaluaient dès la fin des années 50.
La confiance dans le billet vert s’est cependant dégradée et des critiques ont commencé à émerger. Certains gouvernements, comme celui du général de Gaulle, conseillé par l’économiste Jacques Rueff ont commencé à convertir légalement leurs dollars en or au prix de 35 $ l’once. Progressivement, les réserves d’or américaines commençaient à fondre passant ainsi de 20 à 10 milliards de dollars en quelques années. Si les États-Unis exerçaient des pressions politiques sur les gouvernements européens et japonais pour les dissuader de convertir leurs dollars en or, l’issue était tout de même inéluctable : dès 1968, l’étalon de change-or né sur le cadavre de la Seconde Guerre mondiale se désintégrait.
Le crépuscule de Bretton Woods était inéluctable
Au cours de la décennie 1960, les États-Unis rencontraient de plus en plus de difficulté à maintenir la parité de 35 $ l’once d’or alors que les dollars s’accumulaient à l’étranger et que fatalement les réserves d’or américaines sortaient du territoire. Les marchés de Londres et de Zurich sont particulièrement touchés si bien que l’État américain doit puiser dans ses réserves d’or pour le garantir le cours. Alors que le marché de l’or devient une menace pour la survie du système de Bretton Woods, les États-Unis réforment celui-ci en 1968 avec le double marché de l’or. Désormais, les banques centrales n’achetaient plus de l’or sur le marché libre – qui n’était plus soumis au cours forcé des 35 $/once -, mais sur un marché cloisonné où ce prix était encore maintenu. Ce système à deux vitesses a permis à l’Empire Américain de gagner quelques années, mais l’inflation et les déficits ont continué à s’accentuer. La très coûteuse guerre du Vietnam, qui n’était pas soutenue par des réserves d’or a aggravé la situation.
En parallèle, les États-Unis faisaient la promotion des droits de tirage spéciaux (DTS) dans l’espoir de les utiliser à la place du métal précieux, comme du papier-monnaie international afin de pérenniser l’inflation ad vitam aeternam. Toutefois, de nombreux pays perçurent le danger et cette tentative resta vaine. Durant cette période, le prix de l’or sur les marchés internationaux est systématiquement resté au-dessus des 35 dollars et atteint 120 dollars en 1973, preuve de la désintégration du billet vert.
Richard Nixon annonce la suspension de la convertibilité du dollar en or
Le système connaît son crépuscule lorsque le 15 août 1971 le président Nixon impose un gel des salaires pour freiner vainement l’inflation et décide d’abandonner l’arrimage du dollar à l’or. La raison profonde de cette décision est que le candidat-président cherchait à augmenter ses chances de réélection, et ce au prix d’une expansion monétaire et d’une baisse des taux d’intérêt. Pour la première fois de l’histoire, la monnaie américaine à cours forcé n’était plus adossée au métal précieux. Retour au désastre monétaire des années 30.
Après Bretton Woods, un monde inondé de papier-monnaie
La décision de Nixon inaugure l’ère de la monnaie purement fiduciaire, coupée de tout lien à une marchandise rare. Il devient alors possible pour la FED de gonfler son bilan sans se soucier des demandes de conversions en or des États. Autrement dit, le vol à grande échelle que représente le transfert des richesses des particuliers vers les États et les marchés via l’effet Cantillon peut s’accentuer. L’argent fiduciaire permet aux États de renforcer considérablement leur pouvoir. On a alors assisté à une explosion de la dette mondiale et de l’essor d’une économie fondée sur le crédit. Selon l’institut international des finances, la dette mondiale s’élevait au premier trimestre de 2021 à 289 millions de dollars. La fin de l’étalon dollar a également favorisé la multiplication des déséquilibres et donc des crises, qui n’ont jamais été aussi importantes. Cette course à l’expansion de la dette est globale et concerne autant l’Amérique que les pays de la zone euro. Elle fut initiée sur le cercueil de l’argent sain.
La première leçon à tirer de l’expérience de Bretton Woods est que le contrôle de la monnaie doit être séparé du politique pour ne pas être manipulé dans des visions courts-termistes, souvent électoralistes comme ce fut le cas avec Nixon. L’étalon dollar aurait pu être pérenne si les États-Unis avaient limité leurs dépenses publiques et l’inflation, mais l’étalon de change leur permettait de ne pas craindre de déficit de leur balance des paiements de sorte qu’ils finançaient leurs désirs par la dette. Ce que Jacques Rueff appelait « le déficit sans pleurs ».
On perçoit alors clairement un avantage du bitcoin : celui d’être une monnaie décentralisée, sans pouvoir central, avec une masse monétaire finie. Dès lors, il devient impossible pour un gouvernement de favoriser l’expansion monétaire, c’est-à-dire la spoliation des contribuables pour remporter les élections ou financer une guerre. Le bitcoin matérialise le rêve de Hayek « Je ne crois pas que nous aurons à nouveau une bonne monnaie avant que nous ne reprenions la chose des mains du gouvernement ».
Le système de Bretton Woods a hérité par ailleurs du mécanisme des années 1930 selon lequel aucun particulier n’a le droit de convertir ses dollars contre de l’or, puisque ce privilège est réservé aux États. Les citoyens américains n’avaient pas le droit de se débarrasser du dollar frelaté contre de l’or. Là encore, le bitcoin dispose d’un argument de choc, car il permet à chacun d’être le seul propriétaire de son argent.
Le système de Bretton Woods représente le dernier vestige de l’étalon-or. Bien qu’il s’agisse d’un ersatz imparfait, il a tout de même limité l’appétit des banques centrales à imprimer du papier-monnaie du fait de la possibilité accordée aux États de convertir leurs dollars en or. La mort de l’étalon dollar a introduit une nouvelle ère monétaire où les gouvernements ont un contrôle total sur la monnaie, devenue purement fiduciaire. 50 ans après cette décision, une alternative supérieure existe, celle d’un étalon-bitcoin indépendant des États et où chaque citoyen dispose totalement de son argent sain.
Yanis ADOUL pour Cointribune
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