Guerre en Ukraine
© Olivia Grisard
Comme s’ils n’avaient pas suffisamment de soucis, les réfugiés ukrainiens qui débarquent en Belgique rencontrent d’énormes difficultés à changer leur monnaie nationale. Et quand on parle de difficulté, il faudrait même parler d’impossibilité. En clair, les ressortissant.e.s ukrainien.ne.s ne peuvent pas convertir leurs billets de hryvnias en euros. Aucune banque, aucun bureau de change n’accepte leurs billets chez nous. Mais comment faire dès lors quand on ne dispose que de cash ? Même la Banque centrale européenne se pose la question.
Jules est arrivé d’Ukraine le 27 mars. Comme de nombreux réfugiés ukrainiens, cet étudiant camerounais en Economie n’avait pas grand-chose avec lui en arrivant, juste quelques effets personnels et un peu d’argent. Mais de l’argent inutilisable. Car la monnaie ukrainienne, les hryvnias (prononcez grivna), est refusée partout.
Ils échangent toutes les monnaies sauf les hryvnias. Je ne comprends pas, on a fui la guerre, on doit acheter le nécessaire pour vivre, on a de l’argent et on ne peut pas l’utiliser.
Tout le monde me dit que l’argent ukrainien ne passe pas. On me l’a dit à la banque et on me l’a répété dans les kiosques des agents de change. Ils échangent toutes les monnaies sauf les hryvnias. Je ne comprends pas, on a fui la guerre, on doit acheter le nécessaire pour vivre, on a de l’argent et on ne peut pas l’utiliser. Personnellement, je suis venu avec 92.000 hryvnias, environ 2000 euros, et c’est comme si ça ne valait rien. Même les banques internationales disent qu’elles ne peuvent rien faire, je suis choqué !
Et pas question de changer en Ukraine car certains profitent de la situation pour arnaquer ceux qui cherchent des euros. “J’ai été obligé de convertir une partie de mes économies en euros avant de quitter le pays pour payer mon voyage et acheter de la nourriture pendant le trajet en Europe et le taux de change et les frais qu’on m’a appliqués étaient scandaleux, au lieu de 400 euros théoriques, j’en ai reçu 91.
Yana a 28 ans, elle est arrivée en Belgique il y a 6 ans, elle travaille justement dans une banque bruxelloise et elle confirme “moi-même, je n’ai pas de problème de cash mais je connais de nombreux Ukrainiens qui sont confrontés à l’impossibilité de changer leur argent. C’est souvent la seule chose qu’ils ont emportée avec eux et ils ne peuvent rien en faire, personne n’accepte de changer les hryvnia ukrainiens. Le seul moyen, c’est de les changer en Pologne contre des zlotys qu’on convertit ensuite en euros. Et encore, c’est récent, ça date de la semaine dernière. Sinon, en Belgique et dans de nombreux pays européens, tout le monde refuse, c’est frustrant. 
Contrairement à nos contrées où le cash a tendance à s’effacer devant les paiements électroniques, Yana explique qu’en Ukraine la monnaie sonnante et trébuchante reste fort appréciée : “Les Ukrainiens aiment bien le cash, surtout hors des villes, on s’en sert pour faire ses achats, même les plus importants, j’ai une tante qui a même acheté sa maison avec des sacs de billets de banque et c’est légal. Il faut dire qu’il n’y a pas de contrôle anti-blanchiment comme en Europe et qu’on se méfie des banques car il n’y a pas de garantie en cas de faillite. Moi-même, j’ai perdu des économies quand ma banque ukrainienne a fermé. Et depuis la crise, nombreux sont ceux qui vident leur compte, il y a même une pénurie de hryvnias, il y a des files de plusieurs heures devant les banques.”
Si les banques et les agents de change refusent de convertir les Hryvnias ukrainiens et euros, c’est pour une raison très simple que nous explique Jonathan, employé d’un bureau bruxellois : ” On n’achète pas les billets de banque ukrainiens parce que nous-mêmes ne saurions pas quoi en faire puisque personne ne veut nous les racheter ensuite. Nous sommes des commerçants, nous achetons des devises et nous les revendons. Je suis désolé pour les réfugiés ukrainiens mais ne nous demandez pas d’acheter des billets que personne ne voudra nous racheter par la suite. C’est d’ailleurs la même chose pour la monnaie syrienne. Par contre, nous prenons les roubles russes. “
Même prudence du côté de banques belges. Febelfin, la fédération bancaire, avoue son impuissance : “Au niveau des espèces en hryvnias, les dépôts ne sont pas possibles pour le moment. En effet, le taux de change est fixé par la banque centrale ukrainienne mais comme elle ne fonctionne plus, il n’y a pas de taux de change officiel. Donc, si une de nos banques échange des Hryvnias en euros, elle risque d’utiliser un taux de change qui n’est pas correct, ce qui pourrait entraîner une perte. La solution pour couvrir ce risque de perte de valeur de la monnaie se trouve au niveau européen
Et d’ajouter : “La Commission européenne et la Banque centrale européenne cherchent d’ailleurs une procédure pour pouvoir accepter la monnaie ukrainienne, une sorte de garantie au niveau du taux de change compte tenu du fait que la banque centrale ukrainienne n’est pas accessible. Par ailleurs, de manière très pratique, cette interruption de fonctionnement de la banque centrale ukrainienne implique aussi qu’il est impossible de convoyer vers Kiev la monnaie que peuvent recevoir les banques belges. Mais le problème n’est pas spécifiquement belge. C’est un problème européen. Les banques européennes sont actuellement dans l’impossibilité de recevoir des espèces en hryvnias et de les échanger contre des euros.
Comme les réfugiés, les banques belges attendent donc une solution à l’échelle européenne. Ce problème sera d’ailleurs discuté la semaine prochaine par les ministres des Finances de l’UE.
En attendant une solution européenne, les banques belges ont activé rapidement l’accès au compte bancaire de base pour les réfugiés ukrainiens afin qu’ils puissent recevoir sur ce compte l’aide sociale dont ils bénéficient quand ils sont reconnus et, dans un second temps, un éventuel salaire. Et tout ça en euros.
Outre un compte bancaire belge, les réfugiés peuvent aussi utiliser chez nous leur compte ukrainien et les cartes de banque qui l’accompagnent. En théorie, ils peuvent effectuer des paiements électroniques et retirer des euros dans les distributeurs automatiques mais plusieurs témoignages font état de soucis, de blocages ou de commissions importantes. Bref, avoir de l’argent de côté ne met pas nécessairement les réfugiés ukrainiens à l’abri des problèmes d’ordre financier.
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