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Les nuages s’amoncellent au dessus de l’économie européenne. Après un coup de frein des indices des directeurs d’achats (PMI) au mois d’août, la monnaie européenne continue d’évoluer sous la parité avec le dollar ce jeudi 25 août. Au plus bas depuis 20 ans, l’euro a remonté brièvement face au billet vert mardi soir et mercredi, sans vraiment retrouver de la vigueur. En juin 2021, l’euro était au plus haut face au dollar, dans le contexte du fort rebond post-pandémie mais depuis, la monnaie unique n’a cessé de s’effondrer.
L’éclatement de la guerre en Ukraine il y a six mois jour pour jour a précipité cette chute de l’euro alors que l’inflation continue de flamber partout en Europe. « L’euro s’est fortement déprécié par rapport au dollar mais il s’est maintenu par rapport aux autres monnaies. Ce n’est pas une dépréciation générale », a déclaré l’économiste d’ING Charlotte de Montpellier en charge de la zone euro interrogée par La Tribune. « La politique monétaire agressive de la Réserve Fédérale (Fed) explique une partie de cette dépréciation. Le choc énergétique touche plus particulièrement l’Europe. Il y a une fuite des capitaux vers les Etats-Unis. Tous ces éléments ont des conséquences importantes en zone euro », a-t-elle ajouté. En effet, il faut rappeler que le dollar s’est fortement apprécié dans le même temps. Bien que contestée, l’hégémonie du billet vert demeure dans une grande partie des échanges sur la planète.
Cette faiblesse de l’euro a des répercussions désastreuses sur l’économie française. Sur le front du commerce extérieur, la dépréciation de l’euro est clairement une mauvaise nouvelle pour les entreprises importatrices. En effet, beaucoup de biens et services importés en France sont libellés en dollar. C’est par exemple le cas dans le domaine de l’énergie. Une grande part des importations de pétrole, de gaz, de matières premières sont facturées en devise américaine en France et dans la zone euro.
«En zone euro, près de 50% des biens importés sont libellées en dollars. Cela rend le coût des importations pour les ménages et les entreprises plus élevé. Les entreprises qui doivent importer se retrouvent dans une situation difficile, voire dramatique parfois. Ces coûts sont répercutés sur les prix à la consommation. L’inflation risque de rester élevée dans les prochains mois », anticipe l’économiste.
En revanche, la chute de l’euro peut être aussi une aubaine pour la compétitivité hexagonale. Beaucoup d’industries peuvent ainsi exporter leurs produits à moindre coût. C’est par exemple le cas dans l’aéronautique, l’automobile, le luxe ou encore l’agroalimentaire. Dans le tourisme, les ventes de services ont bondi à l’étranger en parallèle de la levée des mesures de restriction sanitaires. Résultat, un flot de touristes américains est venu en France cet été après les deux années catastrophiques de pandémie. «Le résultat de cette dépréciation sur les exportations est encore difficile à mesurer mais les gains de compétitivité ne vont probablement pas compenser la hausse des coûts liée à l’énergie», relativise Charlotte de Montpellier.
« Sur le papier, la dépréciation de l’euro est plus favorable pour les exportations mais cela va dépendre de la composition des coûts de production. En Europe, les coûts de la main d’œuvre ne se sont pas envolés par rapport aux Etats-Unis. Le grand problème en ce moment pour les entreprises est le coût de l’énergie. Les gains de compétitivité liés à la chute de l’euro ne sont pas compensés par la hausse des coûts de l’énergie », poursuit l’économiste.
Du côté des ménages, la dépréciation de l’euro pèse sur le pouvoir d’achat. En effet, une grande partie des produits importés et consommés par les ménages en zone euro sont d’abord facturés en dollars. Les produits importés perdent en compétitivité et sont donc plus chers. Cela contribue à pousser l’indice des prix à la consommation vers des sommets. En France, l’inflation a atteint 6,1% en juillet selon l’Insee. Et il n’y a pas d’amélioration à prévoir avant début 2023, d’après Bercy. «Le choc inflationniste est très important. Le pic d’inflation est probablement encore devant nous. La hausse de l’indice des prix harmonisé à la consommation pourrait atteindre 10% à l’automne dans la zone euro », a récemment déclaré Hélène Baudchon, économiste chez BNP-Paribas à La Tribune.
Même si le gouvernement a fait voter un paquet pouvoir d’achat cet été pour limiter cette flambée, la désindexation des salaires (hormis le SMIC) a entraîné une chute des revenus réels depuis le début de l’année. Résultat, le niveau de vie des Français recule, miné par l’explosion des factures d’énergie. Beaucoup de ménages sont obligés de se serrer la ceinture.
Sur le plan énergétique, cette dépréciation de l’euro a aussi mis en lumière la forte dépendance de l’économie européenne aux énergies fossiles. En Allemagne, les mauvais signaux s’accumulent depuis la guerre en Ukraine. L’industrie allemande est prise au piège d’une forte dépendance au gaz russe. Une coupure de gaz dans les prochaines semaines plongerait la première économie de la zone euro dans de vastes difficultés.
Plus largement, toute l’économie du Vieux continent pourrait être déstabilisée par une telle décision au cours de l’hiver prochain. Beaucoup d’économistes redoutent des effets en cascade sur l’industrie et les services alors que la zone euro sort de deux ans et demi de pandémie. Cette épée de Damoclès va obliger les Etats a accélérer leur transition énergétique s’ils ne veulent pas continuer à subir les effets de cette forte dépendance.
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé à la fin du mois de juillet un resserrement de sa politique monétaire en annonçant une hausse de taux de 50 points de base. La BCE a été plus agressive que prévu au mois de juillet pour tenter de limiter cette faiblesse de l’euro. «Cette annonce a eu lieu avant la flambée des prix du gaz. Cela n’a pas permis de limiter un affaiblissement de l’euro », souligne Charlotte de Montpellier.
En septembre, l’institution de Francfort pourrait à nouveau dégainer une hausse de 50 points de base mais les marges de manœuvre sont limitées. En effet, de plus en plus d’économistes évoquent le risque d’une récession en Europe dans les mois à venir. Une normalisation très agressive de la politique monétaire pourrait plonger l’économie européenne dans un épais brouillard.
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