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«J'ai racheté mon prêt en devises en 2013. Le taux de change était alors de 1,22 franc pour 1 euro. A l'heure actuelle, je ne suis plus frontalière car j'ai déménagé. Et je ne touche plus de revenus suisses… Mon appartement est actuellement en vente et évidemment le taux de change étant descendu à 1,10, j'ai quasiment autant à rembourser que lorsque j'ai emprunté…» Des témoignages comme celui d'Amandine pullulent sur le site www.travailler-en-suisse.ch. Il faut dire que David Talerman, l'auteur de ce site spécialisé dans les dossiers transfrontaliers, a, semble-t-il, débusqué «une véritable bombe atomique».
De quoi s'agit-il? Au début de cette année, la justice française est allée jusqu'à annuler des prêts libellés en francs suisses. Depuis qu'ils ont emprunté il y a quelques années pour devenir propriétaires immobiliers, nombre de clients frontaliers se retrouvent le couteau sous la gorge. En cause: la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse. Entre 2007 et 2015, le montant du capital à rembourser ainsi que les intérêts ont augmenté de près de 60%. Le problème de ces emprunts dits «toxiques» a été mis en lumière suite aux difficultés financières rencontrées par les collectivités territoriales françaises ayant souscrit des prêts de ce type, telles que le Département de l'Ain, pour n'en citer qu'une parmi tant d'autres.
Or, ces derniers mois, une brèche juridique s'ouvre pour les particuliers. Ils pourraient bien être des milliers à tenter de s'y glisser. Spécialisé dans le droit bancaire et financier, Me David Dana, avocat au Barreau de Paris, suit de près ces évolutions récentes. «J'ai de nombreux clients en Haute-Savoie, en Alsace, en Moselle, mais aussi dans le sud de la France, qui pourraient profiter de cette jurisprudence extrêmement favorable aux emprunteurs», commente-t-il.
Le premier choc juridique remonte au 29 mars. L'affaire oppose BNP Paribas à un couple ayant souscrit un prêt Helvet Immo, libellé en francs suisse et remboursable en euros. «La Cour de cassation a estimé que dans ce contrat, le risque de change pesait exclusivement sur les emprunteurs», analyse Me Dana. Evoquant «un risque de perte non mesurable et d'une ampleur imprévisible», la juridiction suprême s'est appuyée sur le Code de la consommation pour juger la clause monétaire abusive et condamner la banque.
Le 6 avril, la Cour d'appel de Metz franchit un pas supplémentaire en annulant purement et simplement deux prêts libellés en francs suisses. Son raisonnement s'appuie sur le fait que la banque est française, que l'emprunteur réside dans l'Hexagone et que le bien immobilier à financer se situe en France. Et le versement des fonds et les remboursements devaient s'effectuer en France. «L'emploi d'une monnaie étrangère n'est justifié par aucun élément d'extranéité, précise l'avocat. La clause contractuelle obligeant l'emprunteur à régler ses mensualités en francs suisses, dans ce cadre, a donc été jugée nulle. Et la nullité de la clause a emporté la nullité du contrat.»
Retour à la case départ! La banque, soit cette fois le Crédit Agricole de Lorraine, se voit obligée de rembourser l'ensemble des sommes perçues (capital et intérêts) en échange de la restitution des fonds par l'emprunteur au taux de change qui était en cours au moment de la souscription du prêt. «Comme si le prêt n'avait jamais été conclu», déplore dans un communiqué l'établissement condamné, cité par le magazine Challenges.
Me Dana relève toutefois que la décision de la Cour d'appel de Metz s'inscrit dans des conditions restrictives. «Le délai de prescription est de cinq ans. L'action de la plupart des emprunteurs pourrait être jugée irrecevable en suivant cette voie juridique», insiste l'avocat parisien. De plus, il est fort probable que le Crédit Agricole de Lorraine se pourvoie en cassation. Ce dossier n'est donc pas clos.
Mais quoi qu'il advienne, ces décisions successives mettent en avant le droit de l'emprunteur. «En s'appuyant sur elles, des négociations entre l'emprunteur et la banque sont possibles. Avec l'appui d'un avocat, il est envisageable de convenir à l'amiable d'un taux de change acceptable pour les deux parties», estime Me Dana, dans l'esprit d'un partage du risque plus équitable. Cette jurisprudence pourrait étendre ses effets aux prêts souscrits dans d'autres devises étrangères. «Le yen ou la livre turque», indique l'avocat.
De son côté, David Talerman évoque une onde de choc potentielle, notamment dans le bassin lémanique. «Les banques ont commercialisé massivement ce produit. Or, même s'il demeure intéressant pour certains, il est loin d'être adapté à tous les profils de clients. Si on épluche tous ces contrats, on peut probablement recourir contre nombre d'entre eux.» De quoi entrevoir une issue de secours pour des milliers d'emprunteurs en grande difficulté financière. «Certains frontaliers se sont retrouvés au chômage ou ont quitté la région (à l'image d'Amandine) et perçoivent donc des revenus en euros alors qu'ils doivent continuer à rembourser leurs prêts en francs suisses», poursuit-il. Autre cas de figure problématique: la souscription de ce type de prêt pour financer l'achat d'un bien locatif en France. «Le loyer en euros ne couvre bien souvent plus le remboursement du prêt. Pour se prémunir, certains propriétaires exigent des loyers en francs suisses pour un appartement situé en France. Mais c'est illégal!»
Reste le cas de la revente d'un bien immobilier financé par un prêt en francs suisses (lire ci-contre). «Dans certains cas, le montant de la vente en euros ne couvre pas le rachat du prêt en francs suisses.» Soit l'emprunteur perd tout ou partie de l'argent investi ces dernières années sous la forme de mensualités, qui s'évapore dans l'opération de change. Soit la vente ne se fait pas. «Le marché immobilier s'en ressent, estime David Talerman, avec des vendeurs qui fixent le montant du bien non pas en fonction des prix du marché mais de leur prêt à rembourser…» Et la situation du marché immobilier dans la région se tend encore un peu plus.
Décisions de justice La Cour de cassation et la Cour d'appel de Metz ont récemment statué sur des cas de crédits toxiques contractés par des particuliers.
Change En raison du taux de conversion entre l'euro et le franc, certains emprunteurs ont vu leurs mensualités exploser ou se retrouvent dans l'impossibilité de vendre leur bien.
Négociations Ces arrêts ouvrent une brèche pour permettre aux emprunteurs de renégocier avec leur banque.
Difficile en 2007 pour les emprunteurs de résister à la tentation de souscrire des prêts en francs suisses plutôt qu'en euros. A l'époque, les taux proposés par les banques pour des prêts dits «en devises» sont très attractifs par comparaison avec les taux des crédits en euros (1% pour les premiers contre 3% pour les seconds). Ce qui a modifié la donne dans les années qui ont suivi, ce n'est pas le taux hypothécaire mais bien le taux de change franc-euro. D'où de grosses difficultés en perspective pour l'emprunteur si celui-ci souhaite revendre un bien immobilier situé en France et financé par un prêt en francs suisses. Pour bien comprendre, reprenons l'exemple chiffré cité sur le site de David Talerman. Un frontalier a emprunté 500 000 euros en 2007, au taux de 2,5% sur 25 ans. Supposons qu'à la signature du prêt, le taux de change euro-franc était à 1,60. Le prêt étant transformé en francs, le frontalier a donc souscrit en réalité un prêt de 800 000 francs. Dix ans plus tard, il souhaite vendre son bien. En supposant que l'immobilier est resté stable sur la période (pour simplifier), l'emprunteur va récupérer de la vente 500 000 euros. Convertis en francs au taux de change actuel, soit 1,10 franc pour 1 euro, la somme est de 550 000 francs. Sachant qu'après dix ans, il lui restait environ 540 000 francs de capital à rembourser. La plus-value de cette opération atteint à peine 10 000 francs. David Talerman conclut: «Sur la période, la variation de change a presque totalement annulé l'effort de l'amortissement du prêt. Dans d'autres cas, la vente du bien ne couvre simplement pas le montant à rembourser à la banque.» Ce qui peut aussi rendre la vente impossible. M.P.
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